Le temps d’instruction au Maroc est très élevé par rapport à nombre de pays dont le système d’enseignement est performant. Said Amzazi reconnait la nécessité de réformer les rythmes scolaires qui n’ont pas changé depuis plus de douze ans. Pour atteindre cet objectif, plusieurs mesures s’imposent dont la révision des curricula.
Said Amzazi (photo) est très attendu sur la révision des rythmes scolaires qui sont très élevés au Maroc. Le ministre de l’Education nationale, de la formation professionnelle, de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique compte visiblement s’attaquer à cette problématique. Il s’est déjà exprimé sur la nécessité d’opérer une réforme en la matière. Il faut dire que le sujet est très important et s’inscrit au cœur de la réforme tant attendue de l’enseignement. L’organisation du temps scolaire permet en effet de répondre à des objectifs pédagogiques pour permettre aux enfants de mieux apprendre à l’école. Cette question, qui suscite toujours des débats animés dans nombre de pays, nécessite d’être passée au crible par les décideurs pour mettre en œuvre une réforme adéquate à l’instar de ce qui a été fait sous d’autres cieux. Il s’agit d’une question prioritaire car l’amélioration de la gestion du temps d’instruction permet non seulement d’alléger la pression sur les élèves mais aussi de rendre efficace les apprentissages. Le Maroc tergiverse encore. Pourtant, le dossier a été mis sur la table des différents ministres qui se sont succédé à la tête du département de l’Education nationale. Aujourd’hui, il est temps de trancher d’autant plus que le constat est partagé entre décideurs et spécialistes.
Des semaines de 30 heures
Au primaire, les élèves passent 30 heures à l’école dont 28 heures et demie de cours. Sur les 6 années de formation, les élèves suivent en moyenne 6 120 heures de cours obligatoire dans l’enseignement primaire. Au premier cycle de l’enseignement secondaire, le nombre d’heures d’instruction est de 3 838. Cumulant enseignement primaire et enseignement secondaire collégial, le temps d’instruction s’élève à près de 10 000 heures d’enseignement. Et pourtant, le Maroc fait moins bien que nombre de pays qui ont un rythme scolaire beaucoup plus allégé. A cet égard, l’analyse de l’OCDE est sans appel: si la durée des enseignements en langues est comparativement élevée au Maroc, les compétences acquises restent largement insuffisantes au regard du niveau requis en langues étrangères (français et anglais) dans l’enseignement supérieur et le monde professionnel. Il faut dire qu’ajouter des heures d’enseignement n’est ni suffisant ni souvent nécessaire pour améliorer l’apprentissage, comme le souligne si bien la Banque mondiale. Que faut-il au Maroc pour franchir le pas de la révision tant quantitative que qualitative du temps d’instruction ? Cette réforme est jugée «complexe» mais on ne peut plus nécessaire et urgente par Mohamed Aderdour, directeur de l’académie régionale d’éducation et de formation Rabat-Salé-Kénitra. Le pari ne peut être gagné, selon ce responsable, qu’en mettant en place quatre préalables : La généralisation du préscolaire pour que les élèves maitrisent des compétences de base avant le passage à l’enseignement primaire, la révision des curricula, l’introduction de nouveaux dispositifs didactiques et pédagogiques en misant sur les nouvelles technologies et la formation continue des enseignants. En effet, sans la promotion de l’enseignement préscolaire, il s’avère difficile d’alléger le curriculum du primaire. Cette condition risque de faire retarder la mise en œuvre de la configuration souhaitée du rythme scolaire. La généralisation du préscolaire a démarré, mais il faudra plusieurs années pour atteindre les objectifs escomptés. Si le secteur privé parvient à mieux gérer le temps d’instruction et à introduire des activités d’éveil c’est en raison de l’avantage ayant trait au préscolaire contrairement au secteur public qui doit garantir l’enseignement des matières de base dans le primaire, d’après Aderdour. La réforme devra être mise sur les rails en prenant en considération une bonne organisation du rythme scolaire. Sauf qu’au Maroc, il s’avère actuellement difficile de réviser le temps scolaire en raison du nombre des matières obligatoires. Faut-il diminuer le nombre d’heures consacrées à certaines matières dans les différents cycles ou les supprimer dans le cycle secondaire en fonction des spécialités ? La question se pose avec insistance et nécessite un débat approfondi car certains points sont sensibles en raison de leur caractère idéologique ou identitaire. Il s’agit des séances dédiées à l’éducation islamique qui alourdissent le programme pour certaines parties alors que d’autres les considèrent comme nécessaires. Le débat concerne surtout l’enseignement secondaire qualifiant. Pour les branches scientifiques, le temps imparti aux matières de spécialité est presque identique à celui consacré aux matières générales et littéraires alors que les exigences en sciences doivent être revues à la hausse: 18 heures pour les matières scientifiques et 15 heures pour les autres matières au niveau de la première année baccalauréat scientifique. Au niveau de la banche Arts appliqués, 17 heures sont dédiées aux matières de spécialité et 17 heures aux autres matières. Il s’agit d’une aberration, de l’avis des observateurs.
Mohamed Aderdour
Directeur de l’AREF Rabat-Salé-Kénitra
La problématique est complexe et nécessite plusieurs solutions. L’introduction des activités d’éveil s’impose. Mais à l’heure actuelle, on n’a pas d’autres alternatives car on ne peut pas réduire les plages horaires des matières programmées. Pour mieux gérer le temps, les matières qui nécessitent la concentration comme les mathématiques sont programmées pendant les matinées.
Priorité aux maths
Au niveau des curricula, le Maroc est appelé à hiérarchiser ses priorités pour pouvoir opérer des réformes sur le temps scolaire. A titre d’exemple, les sciences et les mathématiques sont proportionnellement moins enseignées dans le primaire au Maroc que d’autres pays : une heure et demie d’enseignement scientifique et cinq heures de mathématiques par semaine. A ce titre, l’OCDE recommande de privilégier les enseignements scientifiques sur des programmes pédagogiques clairs et bien définis. A cela s’ajoute l’impératif de développer l’apprentissage des compétences comportementales (esprit d’initiative, communication, esprit d’entreprise).