L’arbitrage se défait des carcans judiciaires
Une nouvelle législation se prépare du côté de la direction civile du ministère de la Justice, qui ne sera plus adjointe au Code de procédure civile. Afin de «libérer la volonté des parties», les arbitres n’auront plus à s’inscrire auprès du parquet. Aucune modification en vue des voies de recours, pourtant très critiquées.
Il est indéniable qu’à l’heure actuelle, le rôle de l’État tend à diminuer dans le commerce international. Il est également certain que, parmi les mesures permettant d’accélérer les transactions commerciales internationales, l’arbitrage s’est imposé comme un mode intéressant de solution des conflits auxquels se heurtent quotidiennement les hommes d’affaires de cette nouvelle ère de globalisation. Une nouvelle législation se prépare du côté de la direction civile du ministère de la Justice, relative à l’arbitrage et la médiation conventionnelle.
Indépendance de l’arbitre
Une modification en profondeur de la loi 08-05, publiée le 6 décembre 2007, qui ne sera plus adjointe au Code de procédure civile. Au niveau du fonds, la prochaine mouture va consacrer l’indépendance de l’arbitre par rapport au pouvoir juridictionnel. En effet, l’activité arbitrale ne parvient pas encore à s’affranchir de l’activité législative et juridictionnelle de l’État. Un lien évident continue d’unir l’arbitrage commercial international à un système national déterminé, tant du point de vue légal que de celui jurisprudentiel. Certes, l’arbitrage implique, par définition, une exclusion de la compétence juridictionnelle des tribunaux étatiques, mais requiert néanmoins, aujourd’hui encore, un certain soutien de l’autorité judiciaire, non seulement en vertu de la doctrine selon laquelle le pouvoir de l’arbitre résulte d’un transfert de compétence juridictionnelle, mais aussi d’un point de vue purement contractuel. La nouvelle version de la loi compte déjà ne plus soumettre les arbitres à l’inscription au siège du parquet, une disposition qui «consacre en outre la liberté contractuelle des parties», note la commission nationale du climat des affaires, co-rédactrice du texte. Mais cela n’implique pas que les parties renoncent à la protection des tribunaux: l’activité judiciaire et l’activité arbitrale sont deux éléments d’un même édifice. La pratique révèle toutefois, surtout dans certains systèmes, un antagonisme marqué entre les juges et l’arbitrage. «La collaboration étatique est nécessaire au succès de la procédure d’arbitrage et il ne doit pas exister d’opposition entre les sphères arbitrale et juridictionnelle, excepté lorsqu’une mauvaise utilisation est faite des garanties offertes par les tribunaux, lorsque l’on tente de dénaturer une clause attributive de compétence à un arbitre ou lorsque l’usage qui est fait de l’arbitrage ne correspond pas aux principes essentiels de cette institution», nous explique Mohamed Mernissi, arbitre international et juriste émérite. Et d’ajouter: «Il ne faut guère s’étonner de ce que, dernièrement, les législateurs nationaux aient eu tendance à limiter l’intervention du juge étatique dans l’arbitrage, ce qu’illustre bien la loi type de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI). Conformément à cette tendance, l’intervention du juge apparaît toujours comme exceptionnelle ou résiduelle et tend à favoriser l’arbitrage lui-même».
Régularité internationale
Et c’est vers cette tendance que le régime marocain des modes alternatifs de règlement de conflit se dirige, notamment en matière d’exequatur, une procédure qui donne la force exécutoire à un jugement étranger ou à une sentence arbitrale. Il s’agit en réalité d’un alignement sur la jurisprudence de la Cour de cassation, selon laquelle la Cour d’appel doit rechercher si un jugement étranger remplit toutes les conditions de régularité internationale, tant au regard de la compétence du juge saisi que de l’application au litige de la loi appropriée. «La circonstance qu’un jugement étranger ne comporte pas de motivation ne peut, par elle-même, faire obstacle à l’exequatur». Le juge marocain a ainsi été sommé de ne prendre en considération que les trois conditions cumulatives prévues par le Code de procédure civile: que le juge étranger soit compétent, qu’il ait appliqué la loi adéquate et que cette loi ne porte pas atteinte à l’ordre public. Il faudra néanmoins noter l’absence, dans le texte, d’une quelconque réforme des voies de recours. Les praticiens, en ce qui concerne la possibilité donnée aux parties à l’arbitrage d’exercer des recours contre la décision ordonnant l’exequatur, critiquent «cette possibilité qui va à l’encontre de la finalité de l’arbitrage, et proposent de supprimer tout recours contre l’ordonnance d’exequatur comme l’a d’ailleurs fait le législateur français», indique le Centre marocain d’arbitrage. Le projet de loi consacre les mêmes mécanismes. Le premier est le recours en révision devant la Cour d’appel. Dans ce cas-là, la sentence sera considérée comme un jugement prononcé par un tribunal. La seconde est la tierce opposition, plus rare et qui ne peut être exercée que par une personne qui éprouve un préjudice ou la menace d’un préjudice, mais qui n’a été ni partie, ni représentée à l’arbitrage.