Commerce extérieur : le déséquilibre croissant des ALE

Malgré une reprise des échanges extérieurs, le déficit commercial du Maroc se creuse sur plusieurs fronts en 2024. Le Royaume affiche un solde négatif vis-à-vis de l’Asie, de l’Europe et de l’Amérique, en raison notamment d’une progression soutenue des importations. Cette tendance s’inscrit dans un contexte de montée en puissance des flux réalisés dans le cadre des accords de libre-échange (ALE), qui continuent de profiter davantage aux partenaires du Maroc qu’à son appareil exportateur.
Alors que le Maroc multiplie les accords de libre-échange pour stimuler ses exportations et diversifier ses partenaires commerciaux, le bilan 2024 du commerce extérieur interroge. Si certains marchés permettent de dégager des excédents, d’autres, au contraire, creusent le déficit, notamment dans le cadre de ces accords.
Censés favoriser des échanges équilibrés, ces partenariats semblent aujourd’hui profiter davantage aux pays signataires qu’au Maroc. C’est le cas de la Turquie ou encore de l’Égypte, régulièrement pointées du doigt dans le débat public. Plusieurs enquêtes antidumping ont d’ailleurs été ouvertes sur des produits originaires de ces pays.
Selon les derniers chiffres de l’Office des changes, les importations marocaines réalisées dans le cadre des accords de libre-échange sont reparties à la hausse en 2024, après une année 2023 marquée par la stabilité. Elles ont progressé de 8,5%, soit +17,6 milliards de dirhams.
L’accord avec l’Union européenne concentre à lui seul 66% de ces flux, avec une augmentation de 6,7% des importations, atteignant 148,9 MMDH.
S’agissant des importations dans le cadre de l’accord d’Agadir, celles-ci continuent d’augmenter et s’élèvent à 11,5 MMDH, soit une hausse de 21,2%. Quant aux importations effectuées dans le cadre de l’accord avec les pays de l’Association européenne de libre-échange (AELE), elles affichent une baisse de 11,9%, contre une hausse de 13,9%, en 2023. Le repli des importations originaires de la Norvège (-315MDH) reste à l’origine de cette évolution.
L’UE, partenaire dominant
En 2024, les échanges commerciaux du Maroc restent majoritairement tournés vers l’Union européenne, qui concentre 62% des échanges globaux, malgré un léger recul par rapport à l’année précédente. L’Europe représente 56,4% des importations marocaines et absorbe 71,4% des exportations nationales.
La dynamique commerciale avec le Vieux Continent s’est renforcée avec une progression des échanges de 4,1%, pour atteindre un total de 754,9 MMDH. À elle seule, l’UE pèse 86,6% de ces flux bilatéraux.
Dans le détail, l’Espagne demeure le premier partenaire européen du Maroc avec 29,1% des échanges, devant la France (21%), l’Allemagne (8,4%), l’Italie (7,7%) et la Turquie (6,7%). Cependant, le solde commercial vis-à-vis de l’Europe s’améliore mais demeure déficitaire, soit -103,2MMDH en 2024 contre, 107,4 MMDH en 2023.
L’Asie gagne du terrain malgré le déficit
Après une contraction notable en 2023 (-15,8%), les échanges commerciaux du Maroc avec l’Asie rebondissent nettement en 2024, enregistrant une hausse de 12,7%. Cette reprise permet au continent asiatique de gagner en poids relatif, sa part dans le commerce extérieur du Royaume passant de 18,9% en 2023 à 20,1% en 2024.
Cette dynamique est portée avant tout par la Chine, désormais partenaire incontournable du Maroc en Asie. Pour la 13e année consécutive, les échanges bilatéraux progressent, avec une augmentation de 18,4%, soit en volume de plus 14,6 MMDH.
D’autres partenaires asiatiques contribuent également à cette tendance. Les échanges avec l’Inde s’inscrivent en hausse de 11%, tandis que le Kazakhstan enregistre une progression notable de +4,6 MMDH. Toutefois, le déficit commercial vis-à-vis de l’Asie se creuse de 15,7 MMDH. En revanche, le déficit commercial vis-à-vis de la Fédération de Russie se réduit de 2,9 MMDH.
Les Amériques, une reprise mais…
Avec les Amériques, une reprise modérée est constatée. Les échanges ont progressé de 6,1% après une baisse un an auparavant. Cette dynamique est portée principalement par les États-Unis, dont les échanges bilatéraux s’envolent de 15,8%.
Ce regain reflète notamment l’augmentation soutenue des importations marocaines en provenance du marché américain, à hauteur de +10,5 MMDH sur un an. Mais cette intensification des flux commerciaux ne va pas sans déséquilibres. La balance commerciale bilatérale avec les USA se dégrade, avec un déficit atteignant 9,4 MMDH. De manière plus large, le déficit global du Maroc avec les Amériques s’accentue, soit une aggravation de 4,9 MMDH.
Cette évolution masque toutefois une contraction significative des échanges avec certains pays d’Amérique latine, en particulier la Colombie (-77,2%) et Trinité-et-Tobago (-42,9%). Ce déficit risque de se creuser davantage les prochaines années en raison des restrictions douanières imposées par les USA. Bien que le Maroc figure parmi les pays les mieux lotis, il n’en demeure pas moins qu’un impact sur les échanges n’est pas à écarter.
L’Afrique, un partenaire croissant
Les échanges avec le continent africain enregistrent une hausse de 6,3%, contrastant avec la forte baisse observée en 2023 (-18,1%). Cette reprise est tirée en grande partie par la dynamique des échanges avec l’Égypte, qui demeure, pour la 6e année consécutive, le principal partenaire africain du Royaume. En effet, les flux progressent de +34,7%.
Cependant, cette relance commerciale s’accompagne d’une détérioration du solde commercial avec le continent. Bien que toujours excédentaire, ce solde recule pour s’établir à 7,2 MMDH. Cette dégradation s’explique par l’aggravation du déficit avec l’Égypte (+3 MMDH), ainsi que par la réduction des excédents vis-à-vis de la Côte d’Ivoire (-1,5 MMDH) et de Djibouti (-1,3 MMDH).
L’Océanie en forte progression
Si l’Océanie ne représente que 0,5% des échanges extérieurs du Maroc, la région affiche une croissance spectaculaire en 2024, avec une progression de +48,1%. Cette tendance est portée quasi exclusivement par l’Australie, dont les échanges avec le Maroc atteignent +2,2 MMDH.
À l’inverse, les flux avec la Nouvelle-Zélande s’inscrivent en baisse de 400 MDH. Sur le plan des soldes, l’excédent commercial du Maroc s’améliore sensiblement, atteignant 3,8 MMDH. Une évolution qui résulte principalement de l’élargissement de l’excédent avec l’Australie, qui a plus que doublé en un an.
Maryem Ouazzani / Les Inspirations ÉCO