«Le Maroc peut inspirer beaucoup de pays africains en matière de santé»

Martin Ekeke Monono, Conseiller pour l’Afrique à l’OMS, en charge des politiques sanitaires
Le bureau Afrique de l’OMS a tenu, pour la première fois, fin juin dernier à Kigali, une conférence sur le financement de la santé en Afrique. Dr. Martin Ekeke, conseiller pour l’Afrique à l’OMS, en charge des politiques sanitaires, revient ici sur les leviers de financement et estime que le Maroc peut servir d’exemple pour de nombreux pays du continent.
Les Inspirations ÉCO : Comment financer le secteur de la santé en Afrique ?
Martin Ekeke Monono : Le secteur de la santé en Afrique n’est pas un secteur de consommation, mais plutôt productif. Investir dans la santé va, à la longue, produire énormément pour les populations. Si ce secteur se résume comme produit, toute l’économie en pâtit. Il ne faut donc pas le considérer comme un secteur de consommation, mais comme celui de production, pour diverses raisons. D’abord, le moteur principal du développement humain, c’est la santé. Ensuite, c’est un secteur qui exige un développement durable, autrement dit, les investissements doivent s’inscrire dans la durée avant qu’ils ne donnent leurs fruits. Nos gouvernements doivent donc comprendre qu’il faut des ressources humaines de qualité, des infrastructures, mais aussi une planification des investissements afin que les services puissent être de bon niveau.
Quelles sont les sources de financement identifiées ?
Il y a plusieurs sources de financement. C’est au niveau de chaque pays de voir quels leviers entreprendre afin d’en profiter et de les mettre en valeur. Les gouvernements sont une source de financement, grâce au budget de l’État. Ce sont donc les premiers garants du système de la santé. De même, les ménages sont une source de financement. Le problème que nous avons aujourd’hui, est que la plupart des dépenses des ménages dans la santé ne se font qu’au moment où les gens tombent malades et se présentent à l’hôpital. D’autres n’ont même pas les moyens de se soigner, et sont obligés dans certains cas, soit de s’endetter, soit de vendre leurs biens ou de sacrifier l’éducation de leurs enfants. Cette méthode n’est pas durable et demeure inéquitable.
Que recommandez-vous alors ?
L’OMS recommande la mise en place de système de prépaiement. D’abord, les États doivent augmenter les ressources allouées au secteur de la santé, en rendant ces fonds plus efficaces dans leur utilisation. Avec ce qui existe actuellement comme financements, les résultats peuvent être meilleurs. Mais le plus important est que toute la société doit contribuer au financement du secteur de la santé. Et c’est là où le système de mise en commun est important, c’est-à-dire, l’assurance-maladie. C’est une étape ultime que nous devons atteindre après avoir franchi plusieurs autres. Certains pays ont utilisé un système à base communautaire, d’autres l’ont fait seulement pour le secteur formel. Mais il faut que toutes les couches sociales soient inclues.
Quels sont les avantages de ce système de prépaiement ?
Il renforce la solidarité. Les riches subventionnent les pauvres, les jeunes pour les personnes âgées, les personnes en bonne santé pour les malades, et les actifs pour les non-actifs. C’est un système où le malade n’a pas forcément besoin d’avoir de l’argent pour se soigner. Mais sa mise en application passe par plusieurs étapes, comme je l’ai mentionné plus haut. Aujourd’hui, il est recommandé aux États de voir dans leur système de mobilisation des ressources afin de pouvoir drainer des ressources additionnelles.
Avez-vous identifié des financements additionnels ?
Il en existe et ils sont de plus en plus mobilisés, à l’instar des taxes sur le tabac, l’alcool, etc. Une partie de cette taxe est destinée au financement de la santé, car ces substances causent des effets nuisibles pour la santé. Il y a d’autres mécanismes qui existent afin d’augmenter les fonds. Mais nous estimons que le plus important, c’est l’utilisation efficiente de ces fonds.
Comment impliquer le secteur privé sans impacter les populations ?
Le rôle du secteur privé est très important. Il peut être mobilisé pour la formation, la R&D, la prestation de services, ainsi que pour le financement. Il est primordial d’avoir un bon mécanisme de régulation. L’État doit jouer son rôle de garant et protéger les intérêts de tous. Si l’environnement est adéquat pour tous, alors le secteur privé jouera un rôle plus important.
Comment jugez-vous les réalisations accomplies par le Maroc dans le secteur de la santé ?
Je tiens tout juste à souligner que nous nous occupons de la région Afrique, alors que le Maroc est considéré dans les classements dans l’espace Mena. Malgré tout, je peux dire que le Maroc a fait d’importants progrès et beaucoup de pays africains ont un intérêt à s’inspirer de l’expérience marocaine. Nous comptons créer des plateformes d’échanges entre pays africains afin de leur permettre de s’inspirer plus facilement des expériences d’autres pays du continent. Cela permettra d’accélérer le processus dans plusieurs États. Nous allons donc voir avec nos collègues de la région Mena, comment accélérer ces échanges.