Agences de voyage : Le flou sur la TVA dissipé

La mise en place du nouveau régime fiscal, notamment l’application de la TVA sur la marge au lieu du chiffre d’affaires, met fin au flou caractérisant le traitement fiscal des prestations des agences de voyages.
Les agents de voyage ont longtemps milité pour clarifier le cadre fiscal régissant leur activité, en particulier le volet de la TVA. Cela fait des années qu’ils plaident pour une taxation adaptée à la spécificité de leur métier en tant qu’intermédiaires de services touristiques. «Il y a deux ans, nous avons réussi à convaincre l’administration à ce que nous soyons taxés sur la marge bénéficiaire brute et non pas sur le chiffre d’affaires. Nous avons travaillé en connivence avec la commission fiscale de la CGEM qui avait organisé les rencontres avec la Direction générale des impôts (DGI)», se rappelle Faouzi Zemrani vice-président de la Confédération nationale du tourisme (CNT) et ancien président de la Fédération nationale des agences de voyages. Censé figurer dans le texte du PLF 2016, le nouveau régime particulier de la marge a finalement été installé par la loi deFinances 2017, en vigueur depuis le 13 juin, date de sa publication au Bulletin officiel. Il sera désormais appliqué à l’ensemble des agences de voyages réalisant des opérations d’achat et de vente de services de voyage utilisés au Maroc. Sont exclues de ce régime les prestations rémunérées par une commission qui, elles, continuent d’être taxées selon les conditions de droit commun. Une précision de taille s’impose.
La pratique de la TVA à la marge aurait été tolérée par l’administration fiscale. Pour Mehdi El Fakir, économiste et expert comptable, la nouvelle disposition du budget 2017 doit être perçue comme une mesure de clarification dans l’attente de précisions supplémentaires, et ce dans le cadre de la note circulaire annuelle sur les dispositions de la loi de Finances 2017. Elle vient combler le vide qui caractérisait le traitement fiscal des prestations des agences de voyages. Maintenant qu’il est acté par la loi de Finances, le nouveau régime marque le passage d’une phase de «clandestinité» à une autre basée sur la transparence. Pour les agents de voyages, l’application stricte de la réglementation ante-PLF2017 précipiterait la mise à mort de la profession.
C’est aussi une question d’équité fiscale, car avec le nouveau régime, ils seront alignés sur la fiscalité requise pour d’autres métiers comparables, notamment les courtiers d’assurances assujettis à une TVA limitée à leur marge d’intermédiation. Les agents de voyages s’interrogent sur leur compétitivité face aux mastodontes du tourisme en ligne (Expedia, Airbnb, Booking) qui, à leurs yeux, exercent la même activité au Maroc sans payer le moindre impôt au Trésor et, pis, sans créer des emplois directs sur le territoire national. «Comment pourrions-nous payer une TVA de 20% sur une prestation générant à peine 10% à 15% de marge ? Sachant que nous payons la TVA pour la plupart de nos achats sans rien récupérer : 10% pour les hôtels, 14% aux transporteurs et 20% pour la restauration. Nous ne récupérons que la TVA se rapportant au fonctionnement de nos agences : téléphone, fax, internet, consommables, etc», précise Faouzi Zemrani. L’idéal, conclut-il, serait de taxer tous les opérateurs sur le même pied d’égalité, y compris les géants de la réservation en ligne !
Faouzi Zemrani
Vice-président de la CNT et ancien président de la Fédération nationale des agences de voyages.
Les agences de voyages marocaines, subissent une injustice en matière d’équité fiscale et ce, depuis le lancement de la Vision stratégique 2010. Cette injustice n’a pas été rectifiée dans la Vision 2020 et actuellement, avec la mondialisation et le développement de la distribution des voyages via internet, il devient tout simplement impossible aux agences nationales de vivre dignement de leur métier. Un bref rappel: Vision 2010 avait milité pour l’harmonisation fiscale et une baisse sensible des impôts, pour permettre aux acteurs nationaux d’être compétitifs face à la concurrence, notamment des destinations autour de la Méditerranée. Or, si les hôteliers et les restaurateurs avaient obtenu une TVA à 10%, les transporteurs à 14%, les agences de voyages sont, quant à elles, passées à 20% ? En matière d’IS, si les hôteliers ont obtenu un abattement de 50% sur toutes leurs recettes en devises, les agences de voyages qui étaient les pourvoyeurs, n’en ont pas bénéficié. Le comble étant que les hôteliers demandaient aux agences de voyages des attestations certifiant que le règlement de leurs factures hôtelières est le fruit de leur rapatriement en devises afin de leur permettre d’obtenir l’abattement de 50% auquel les agences de voyages n’ont pas droit. Où est l’équité? Quid de la durabilité.
Quid de la pratique du nouveau régime fiscal ?
D’après le texte voté de la loi de Finances 2017, la marge est déterminée par la différence entre d’une part, le total des sommes perçues par l’agence de voyages et facturées au bénéficiaire du service et d’autre part, le total des dépenses, TVA comprise, facturée à l’agence par ses fournisseurs. «La notion de marge mérite d’être clarifiée. Il y a lieu de prévoir une définition fiscale avant celle comptable de cette marge», estime Mehdi El Fakir, expert comptable. D’autant plus que les agences de voyages, en vertu de la nouvelle loi de Finances 2017, sont obligées de distinguer dans leur comptabilité entre, d’un côté, les encaissements et les décaissements se rapportant aux opérations taxables selon le régime de la marge et, de l’autre, ceux liés aux opérations taxables selon les règles de droit commun. «C’est un véritable challenge pour les professionnels de la comptabilité, d’où à mon avis la nécessité de mettre en place une norme comptable spécifique aux agences de voyages», affirme Mehdi El Fakir.