Éco-Business

Marques chinoises : une montée en puissance bien orchestrée

Depuis 2023, les constructeurs chinois multiplient les débarquements au Maroc. D’abord simple alternative économique, ils se positionnent aujourd’hui comme un enjeu stratégique à part entière, soutenus par des alliances locales, une progression des ventes supérieure à +35% et un maillage industriel tout sauf anecdotique.

Elles sont là, de plus en plus nombreuses. BYD, Changan, Geely ou encore Omoda, des noms encore inconnus il y a peu, qui s’imposent désormais sur les routes marocaines. En ville comme sur autoroute, leurs logos futuristes et leurs signatures lumineuses singulières ne passent plus inaperçus.

D’abord timidement lancées en concession, ces marques chinoises ont rapidement embrayé sur une stratégie bien huilée, à base de campagnes publicitaires visibles, présence dans les salons automobiles, offres de lancement agressives, journées de test et inaugurations en grande pompe.

Leur présence ne se limite plus à quelques affiches en vitrine. Elles s’affichent en partenariat avec des groupes puissants, quadrillent le territoire avec de nouveaux showrooms, et communiquent à grand renfort de vidéos impeccables vantant la technologie, le confort ou la garantie. À Rabat, Casablanca, Tanger ou Marrakech, difficile de ne pas croiser un SUV signé Chery ou une berline BYD sur le périphérique. Cette montée en puissance ne doit rien au hasard.

Une arrivée fracassante, soigneusement orchestrée
Tout commence en 2023. BYD ouvre le bal, rapidement suivi par Geely, Changan, Great Wall Motor, MG et Seres. En 2024, Chery débarque avec ses filiales Omoda et Jaecoo. L’année 2025 marque une accélération, avec l’arrivé de Zeekr, BAIC, DFSK et Soueast.

Ce calendrier illustre un plan coordonné plutôt qu’un simple afflux ponctuel. Ces marques s’appuient sur des partenariats solides pour s’implanter efficacement. Chaque marque chinoise implantée au Maroc s’appuie sur un réseau de distribution bien identifié, souvent confié à des opérateurs expérimentés du secteur automobile.

Tractafric Motors, déjà solidement établi, assure la commercialisation de Zeekr ainsi que des modèles de Great Wall Motor, tandis que Auto Nejma porte les couleurs de BYD depuis 2023. Geely a choisi Bamotors pour piloter sa montée en puissance sur le marché, et Changan s’appuie sur Global Sian Motors, un partenaire qui a contribué à sa rapide notoriété.

Du côté de BAIC, c’est Comicom qui a été retenu comme distributeur exclusif, alors que CFAO Mobility, déjà actif sur plusieurs marques internationales, développe l’implantation des labels Omoda et Jaecoo, deux déclinaisons premium de Chery.

Justement, Chery elle-même, ainsi que Seres et DFSK, ont confié leur développement au groupe Auto Hall, qui assure à ces marques une couverture nationale et une qualité de service homogène. Grâce à ce maillage, les marques chinoises évitent l’écueil d’une simple présence vitrine. Chaque lancement est soutenu par une stratégie de distribution professionnelle, des showrooms dédiés, des équipes commerciales formées et un service après-vente qui répond aux attentes d’un marché devenu exigeant.

Une montée en puissance confirmée par les chiffres
Le marché marocain de l’automobile connaît un dynamisme inédit en 2025. Durant les quatre premiers mois de l’année, les ventes ont bondi de 35%, avec un pic à 32% rien que sur le mois d’avril. Cette croissance ne vient pas seulement d’un effet de reprise ou d’un regain d’intérêt pour le neuf. Elle est portée, en grande partie, par la montée en puissance des marques chinoises.

Les chiffres de juin confirment cette tendance. BYD a écoulé 412 véhicules, Changan en a vendu 187, Geely enregistre 151 unités, Chery suit avec 45, tandis que Great Wall atteint 96 immatriculations. Ensemble, ces cinq marques dépassent les 890 ventes en un seul mois. Leur progression ne relève plus du symbole. Elle reflète une prise de part de marché assumée, méthodique et durable.

Des arguments massues
Face à des constructeurs historiques comme Renault, Dacia, Peugeot ou Hyundai, les nouveaux venus chinois n’ont pas hésité à frapper fort. Leur stratégie repose sur des arguments massues qui redéfinissent les standards du marché. Le premier d’entre eux est sans conteste le rapport prix-équipement.

Geely propose ainsi un SUV urbain, le GX3 Pro, à partir de 149.900 dirhams, doté de finitions soignées, d’un écran multimédia connecté et d’équipements de sécurité souvent réservés à des modèles bien plus chers. Chery, avec sa gamme Tiggo, attaque le segment familial avec des SUV au style affirmé, un confort digne des grandes marques et des tarifs débutant à 174.000 dirhams. Changan, pour sa part, mise sur une esthétique européenne et des innovations issues de son centre de R&D en Italie pour séduire la classe moyenne montante.

Du côté du haut de gamme, Zeekr propose avec son modèle 001 un shooting brake électrique premium qui rivalise avec les meilleures références allemandes. Seres, de son côté, aligne des SUV puissants et connectés à près de 750.000 dirhams. Great Wall, avec sa marque Haval, combine design robuste et motorisation hybride pour un prix largement en dessous de la concurrence. À cette variété s’ajoute une couverture commerciale solide grâce à des partenaires comme Auto Nejma, Tractafric Motors ou M-Automotiv.

Un ancrage industriel qui dépasse la vente de véhicules
Le déploiement des marques chinoises ne se limite pas au commerce. Il s’inscrit dans une stratégie industrielle de long terme, qui donne une autre dimension à cette présence. À Jorf Lasfar, la construction de la gigafactory COBCO, fruit d’un partenariat entre le groupe chinois CNGR et le fonds Al Mada, marque un tournant. Étalé sur 200 hectares, ce site vise à produire des précurseurs de batteries destinés à un million de véhicules électriques par an. L’enveloppe investie pour sortir cette usine de terre dépasse les 20 milliards de dirhams.

En parallèle, Tinci Materials a lancé les travaux d’une usine d’électrolytes pour batteries lithium-ion sur le même site. Ce second projet représente un investissement de près de 280 millions de dollars. Ces deux projets s’inscrivent dans une dynamique plus large, entamée en 2024, avec près de 10 milliards d’euros annoncés par des groupes comme BTR, Gotion, Shinzoom ou Hailiang, tous spécialisés dans les composants pour batteries.

Le Maroc voit ainsi émerger un écosystème industriel inédit en Afrique. Grâce à ses ressources minières, son infrastructure portuaire, sa stabilité réglementaire et sa proximité avec l’Europe, le Royaume devient un terrain d’atterrissage stratégique pour les ambitions chinoises dans la mobilité électrique. Des matières premières transformées localement, des composants de batterie assemblés sur place, une logistique maîtrisée via Tanger Med… tout converge vers une capacité à produire demain des véhicules électriques made in Morocco.

Ce scénario n’est plus hypothétique. Il est en cours de concrétisation. Il pourrait, à moyen terme, redéfinir le rôle du Maroc dans la chaîne de valeur automobile mondiale, en tant que plateforme de production, de transformation et d’exportation vers l’Europe et l’Amérique du Nord.

Faiza Rhoul / Les Inspirations ÉCO



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