Quelles issues pour le conflit armé opposant la Russie à l’Ukraine ?
Par Khalid BENALI
Expert international en Economie
À la suite des opérations militaires lancées par la Russie, le conflit opposant cette dernière à l’Ukraine semble être appelé à connaître des tractations sans aucune visibilité sur l’horizon de sa durée. Ce constat est appuyé par le contexte de déclenchement de ce conflit où, de manière apparente, il s’agit d’un conflit dont une puissance économique mondiale est un des acteurs.
Cependant, de manière indirecte, il se présente sous forme d’une opposition entre la Russie, l’Union européenne et l’OTAN à travers les annonces de sanctions économiques contre la Russie et l’approvisionnement en armes au profit de l’Ukraine. Il s’agit d’un rapport de force militaire en apparence sur le terrain, mais les sanctions prévues par l’OTAN et l’Union européenne visant à affaiblir économiquement la Russie joueraient un rôle dans l’issue à laquelle va aboutir ce conflit.
Ledit conflit présente une zone de sensibilité pouvant le faire basculer vers un conflit mondial ouvert sur une confrontation ascendante qui est nourri par un esprit nationaliste, un rêve de l’Union soviétique, un orgueil politique de la part de la Russie et de l’Ukraine qui estime que son appartenance à l’OTAN pourrait renforcer les visions et le challenge de développement de ce pays. Ceci nous amène à constater que finalement la guerre froide entre les USA et la Russie est toujours active en back office bien qu’elle semble être résolue en mode front office et que le conflit actuel n’est en fait que la continuité du conflit ayant opposé les deux pays en 2014.Compte tenu du poids des deux pays acteurs directs du conflit sur les exportations et besoins mondiaux et de l’interdépendance économique – les produits exportés aussi bien d’Ukraine que de Russie, notamment les céréales (29% des exportations mondiales) et les besoins de l’Europe en matière de gaz naturel estimés à 47% en 2021) -, toute journée supplémentaire de ce conflit génère des pertes et des risques de déstabilisation des économies au quotidien à court terme, voire à moyen et long terme.
A cet égard, il importe de relever que les annonces faites par l’Union Européenne, les USA ou la Russie, selon lesquelles chaque partie déclare avoir anticiper les problèmes qui risquent d’émerger et prévoir des remèdes, constitueraient des bulles de communication adoptée en période de crise ou de conflit. Peut-on donc s’attendre à une résolution du conflit dans le cadre de négociations bilatérales entre les deux pays ou dans le cadre d’une médiation ou à une poursuite de la confrontation ascendante à quel moment et dans quel contexte. L’analyse économique et géopolitique au niveau international ne semble pas présenter de délimitation dans le cadre de ce conflit dans la mesure où la confrontation va générer implicitement des victimes civiles et militaires et des retombées sur le plan économique que seules les voies de négociations pourraient éviter.
Adopter et poursuivre la voie de confrontation directe, compte tenu du poids des deux pays, ne pourrait, eu égard aux expériences en la matière, aboutir à un vainqueur et un vaincu puisque les conséquences sur le terrain seraient néfastes tant pour les protagonistes que pour la communauté internationale sur le plan humain, économique et social. L’inflation, la hausse résultant des déséquilibres entre l’offre et la demande, la pénurie des produits intrants dans les chaînes de production, le risque de dysfonctionnement des chaînes de transport et de logistique seraient des aspects imposant une prise en compte pour peser les effets sur le contexte afin d’opter pour la sagesse et la raison devant se traduire par une issue de ce conflit via des négociations sérieuses.
Force est de constater que peut-être les négociations auraient été entamées avant la confrontation militaire compte tenu du fait que l’escalade militaire a rendu difficile la convergence des positions des deux pays acteurs de ce conflit vers un terrain d’entente et les inciteraient à camper sur les positions des parties concernées. Le passage de l’étape de confrontation aux négociations devrait être motivé par les enseignements tirés des expériences des conflits armés où la dissémination dans le temps et dans l’espace n’ont pas permis l’éradication desdits conflits du moment que chaque acteur s’estime être lésé par l’accord pris dans un contexte donné et tente de profiter de chaque opportunité offerte pour relancer ledit conflit. La prise en compte desdites considérations pourrait constituer un tremplin permettant d’enclencher les négociations pour arrêter les bases du compromis résultant des négociations afin de réduire les asymétries des positions entre la Russie et l’OTAN, à titre d’exemple, qui risquent de nourrir davantage ce conflit.
A date d’aujourd’hui, bien que les négociations soient entamées entre les deux pays, il semble que compte tenu du contexte matérialisé par les annonces de sanctions par la communauté internationale contre la Russie pour l’affaiblir et l’obliger à négocier, l’annonce par la Russie de la possibilité de recourir aux armes nucléaires, l’attitude d’orgueil politique… risquent de freiner le processus de négociation avec une poursuite de la confrontation qui pourraient générer des retombées négatives à l’international sachant que la résolution dudit conflit ne devrait pas viser uniquement un cessez-le-feu mais plutôt une solution radicale permettant de mettre fin à ce conflit qui dure depuis plusieurs années.
Le recours à la médiation demeure possible en tant qu’outil pouvant être assuré par une autorité ou instance légitime pour permettre une régulation politique de ce conflit à condition de réunir les conditions et le contexte d’un climat de confiance entre les deux pays concernés à l’égard du médiateur retenu. Le contexte actuel, à savoir la position de la Russie, qui estime que l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN pourrait être une menace, et la position de l’Ukraine, qui considère sa souveraineté politique et territoriale ainsi que ses choix des lignes rouges, favorise beaucoup plus le recours à la médiation.