Edito. Vulnérable classe moyenne !

Il y a encore quelques mois, nous pointions déjà dans ces mêmes colonnes le sujet de la vulnérabilité, lorsque le Haut-commissariat au plan recensait trois millions de Marocains vivant dans une zone intermédiaire, quelque part entre stabilité et précarité. L’on pouvait donc croire que cette vulnérabilité se limitait à la marge, aux campagnes éloignées. Mais les nouvelles données de cette institution esquissent aujourd’hui un autre visage : la vulnérabilité a désormais élu domicile en ville, au cœur même des classes moyennes.
Entre 2019 et 2022, leur nombre a plus que doublé en milieu urbain. Des millions de Marocains, hier encore considérés comme «stables», découvrent la précarité. Perte d’emploi, alourdissement des charges du ménage, surendettement…, et l’équilibre vacille systématiquement. Pour la classe moyenne, c’est désormais une pente raide vers la pauvreté. Et c’est bien là que réside le danger, pour tous.
D’un point de vue économique, social comme sociologique, une société sans classe moyenne forte est une société fragilisée dans son ensemble. Car plus qu’un simple ratio statistique, cette classe moyenne est à la fois ciment de la confiance collective, moteur de la consommation et colonne vertébrale de la stabilité économique.
Certes, il est plaisant de voir les chiffres nous dire que nous avons presque éradiqué l’extrême pauvreté. Mais l’heure est venue pour un autre combat. Il s’agit de protéger ceux qui vacillent au milieu, de sécuriser leurs trajectoires de vie et de prévenir le basculement.
La vulnérabilité dans le milieu urbain est un vrai sujet. Car si la pauvreté d’hier campait aux portes des villes, celle de demain risque bel et bien de s’y installer.
Meriem Allam / Les Inspirations ÉCO