Opinions

Du «Made in Morocco» au «Trade via Morocco» : comment le Royaume redessine les routes du commerce mondial

Par Dr. Zakaria Abbass
Enseignant-chercheur en stratégie d’entreprise et commerce international Euromed Business school (EBS) – Université Euro-Méditerranéenne de Fès

Le label «Made in Morocco» a longtemps symbolisé une fierté industrielle émergente. Textile, cuir, puis automobile et aéronautique constituaient les vitrines de ce Maroc producteur. Mais en 2025, cette étiquette ne suffit plus à refléter l’ambition du Royaume.

Le pays n’est pas seulement un territoire de fabrication : il devient un carrefour logistique et stratégique, au cœur des recompositions des flux mondiaux. Cette mutation profonde annonce le passage du «Made in Morocco» au «Trade via Morocco», expression d’un repositionnement assumé.

Tanger Med, symbole d’une puissance logistique
Cette transformation s’incarne d’abord dans une infrastructure devenue emblématique : Tanger Med. En 2023, le port a traité plus de huit millions de conteneurs, se hissant dans le top 20 mondial, devant des hubs méditerranéens de référence (Tanger Med Authority, rapport 2024). Autour de ce port, quelque 1.100 entreprises exportent pour plus de huit milliards d’euros par an.

Le Financial Times rappelle que Tanger Med est désormais une «plateforme globale où transitent autant de marchandises qu’à Rotterdam» (FT, 2024). Pour les multinationales, s’installer au Maroc n’est plus un choix périphérique : c’est accéder directement aux marchés européens et africains via une logistique intégrée et compétitive.

Une industrie tournée vers l’exportation
La force du «Trade via Morocco» réside aussi dans une industrialisation agile. Le secteur automobile, premier exportateur du pays, a généré 14 milliards USD en 2023 (Reuters, 2024). Les projets liés à la mobilité électrique, comme la gigafactory du groupe chinois Gotion high tech (1,3 milliard USD, opérationnelle dès 2026), confirment cette dynamique.

L’aéronautique, intégrée aux chaînes d’Airbus et Boeing, pèse plus de deux milliards USD par an, tandis que l’agro-industrie tire parti des corridors frigorifiques pour renforcer ses parts de marché en Europe. Loin d’être une simple «usine délocalisée», le Maroc devient un plateau industriel compétitif, articulé à des chaînes de valeur régionales et mondiales.

Diplomatie économique et effet d’entraînement
Ce basculement du «Made in» vers le «Trade via» s’appuie sur une diplomatie commerciale proactive. Avec plus de 50 accords de libre-échange, dont ceux conclus avec l’Union européenne, les États-Unis, la Turquie ou encore le Royaume-Uni, le Maroc ouvre aux investisseurs un accès préférentiel à près de 1,5 milliard de consommateurs (ministère de l’Industrie et du Commerce, 2024).

Le New York Times relevait récemment que Pékin considère le Maroc comme une porte d’entrée stratégique pour contourner les droits de douane européens, justifiant des investissements chinois de près de 10 milliards USD dans l’automobile (NYT, mai 2025). Cette diplomatie transforme le pays en carrefour normatif et industriel, où se dessinent les équilibres de la mondialisation.

Les défis d’un modèle ambitieux
Cette trajectoire comporte néanmoins des défis majeurs. La dépendance aux Investissements directs étrangers (IDE) peut fragiliser l’écosystème en cas de ralentissement. Sur le plan social, l’enjeu est d’assurer des emplois de qualité et une montée en compétence pour les travailleurs marocains.

Enfin, l’empreinte environnementale reste une contrainte forte : un hub logistique mondial consomme énormément d’énergie. Le Maroc, qui vise 52% d’électricité renouvelable d’ici 2030, doit concilier entre ouverture commerciale et durabilité (Agence marocaine pour l’énergie durable, 2023).

Une leçon de stratégie globale
Au-delà des chiffres, cette mutation illustre un enseignement stratégique puissant. Le «Trade via Morocco» est l’incarnation d’un positionnement hybride : produire, transformer et redistribuer. Le pays démontre qu’un État émergent peut, en tirant parti des fractures géopolitiques, se hisser au rang de médiateur économique global.

Pour les entreprises, ce modèle est une invitation à investir dans une économie agile et connectée. Pour les académiques, c’est un cas d’école vivant, idéal pour analyser les dynamiques actuelles du commerce international et du management stratégique.

Le Maroc, plateforme d’avenir
En définitive, le Royaume ne se définit plus uniquement par ce qu’il fabrique mais par ce qu’il connecte. Le «Made in Morocco» demeure une fierté industrielle, mais le «Trade via Morocco» incarne une vision plus large : celle d’un pays qui redessine les routes du commerce mondial. Entre logistique de pointe, diplomatie commerciale et industrialisation agile, le Royaume s’affirme comme une plateforme d’avenir et un acteur global incontournable dans la nouvelle cartographie de la mondialisation.



PLF 2026 : cap sur l’investissement et l’inclusion


Recevez les actualités économiques récentes sur votre WhatsApp Suivez les dernières actualités de LESECO.ma sur Google Actualités

Rejoignez LesEco.ma et recevez nos newsletters




Bouton retour en haut de la page