Transporteurs touristiques : les oubliés de la relance ?
Énorme coût propre à la reprise, «fuite» des compétences, encours de la dette évalué à 1,8 MMDH dont 50% en leasing… le secteur du transport touristique broie du noir alors que la reprise du secteur du tourisme se matérialise.
Les professionnels du tourisme ont accueilli avec enthousiasme le retour des Marocains résidant à l’étranger (MRE) et les premiers touristes internationaux. Tapis rouge, haie d’honneur… En début de semaine, les visiteurs ont eu droit à un accueil «royal» à l’aéroport de Marrakech, classé parmi les plus beaux aéroports au monde. Cependant, si cette opération «Welcome Back» marque la reprise effective de l’activité touristique internationale, elle cache mal le désarroi d’une partie des opérateurs du secteur. Et ces oubliés de la relance ne sont autres que les professionnels du transport touristique, qui ont appelé mercredi 16 juin, lors d’une conférence de presse, à la mise en œuvre des procédures de sauvetage de leurs entreprises à travers un soutien urgent pour leur éviter la faillite.
À cette occasion, le secrétaire général de la Fédération nationale du transport touristique (FNTT), Mohamed Bamansour, a rappelé l’impact négatif de la crise sanitaire sur les opérateurs du transport touristique, expliquant que la fermeture des frontières ralentit toujours l’activité du secteur qui dépend des arrivées des touristes étrangers. Les résultats d’une étude de la fédération, portant sur les voies de réflexion pour une sortie de crise du secteur du transport touristique et les scénarios plausibles à l’horizon 2025, confirme cette thèse, démontrant une dépendance au marché international à plus de 75%.
Un slow cash-flow
En parallèle, l’examen des chiffres prévisionnels établis par certains opérateurs assoit un certain pessimisme au regard de la reprise. Et au-delà de l’absence de véritables signaux clairs de reprise, poursuit l’étude intitulée «CAP 2025 – analyse, diagnostic orientations et plan d’action à moyen terme», réalisée par les experts Mohamed Setti et El Mehdi El Fakir, les opérateurs sont unanimes sur les difficultés et le temps que prendraient leurs structures financières pour «résorber» les effets de la période de non-activité. Alors que plus de 50% des investissements sont à crédit, l’encours de la dette a été évalué à 1,8 MMDH dont 50% en leasing, 20% par crédit bancaire et 30% par crédit direct. À ces goulots d’étranglement s’ajoute le coût propre à la reprise, qui correspond à un coût de «redémarrage», notamment un coût de réhabilitation de la flotte (rodage, maintenance…), de formation et de perfectionnement RH.
Concernant ce dernier point, l’enquête souligne que la période d’attentisme a affecté les ressources humaines des opérateurs, notamment à travers une «fuite» de compétences qui ont forgé leur carrière dans le secteur et qui seront difficiles à récupérer au regard de deux faits majeurs.
En effet, ces ressources intégré d’autres domaines d’activité, à la recherche de plus de «sécurité» et de «visibilité» pour satisfaire leurs besoins, l’expérience de la crise ayant altéré leur perception du secteur. Or, le coût de la formation d’une nouvelle génération risquerait d’être exorbitant, et le temps qu’il faudra lui consacrer coïncidera avec une période de relance/reprise attendue, et de facto d’un manque à gagner non négligeable, avec le risque de voir le secteur investi par des ressources pas assez formées ou n’appartenant pas au secteur.
Au vu de ces réalités, les opérateurs estiment que la situation ne se redressera pas avant 2024 compte tenu des «handicaps» allant de la charge de l’endettement, devant atteindre +60% des charges- à la persistance des charges fixes (pas moins de +40%), en passant par le déficit qui pèsera sur les exercices post-2020. Ainsi, pour permettre aux opérateurs d’envisager la reprise dans «des conditions normales», les professionnels recommandent le report des échéances qui permettra également de suspendre les procédures de recouvrement à l’encontre des opérateurs et leurs garants afin de ne pas perturber les opérateurs souhaitant se consacrer pleinement à la reprise de leur activité et profiter, éventuellement, de la prochaine saison estivale touristique.
Dans la foulée, la FNTT propose une entente pour un rééchelonnement des créances à caractère social liées aux cotisations sociales de la CNSS, en vue d’alléger les finances des opérateurs et de la préservation des acquis du personnel et des familles des affiliés en matière de couverture sociale.
Bamansour a attiré l’attention sur la vulnérabilité des salariés du secteur qui ont besoin que soit accéléré le déblocage des aides financières qui leur sont destinées, appelant à prolonger les mesures de soutien à cette catégorie jusqu’à l’ouverture des frontières et la relance de l’activité touristique. Le SG a fait savoir que, lors d’une réunion avec le ministère de l’Équipement, du transport, de la logistique et de l’eau, la fédération a plaidé pour la modification du cahier des charges du secteur et pour la possibilité, pour les opérateurs, de bénéficier des avantages de renouvellement de flotte au même titre que les autres secteurs.
Sur le plan fiscal, le SG de la FNTT a mentionné plusieurs correspondances adressées aux autorités compétentes dont l’objet est l’exonération des véhicules de transport touristique de la taxe à l’issue pour les deux prochaines années, conformément au contrat-programme pour la relance du secteur touristique. Il s’agit également de suspendre les opérations de contrôle fiscal concernant le secteur pour une période minimale de 3 ans et de ramener la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) de 14% à 7%.
Khadim Mbaye / Les Inspirations Éco