Mariage des mineures et mariage de la Fatiha, deux drames sociaux encore prospères au Maroc
L’association « Droits et Justice » a présenté, lundi à Casablanca, les résultats d’une étude nationale sur le mariage des mineures, destinée à appréhender la dimension sociologique de ce phénomène. Si les mariages authentifiés des filles mineures restent « majoritaires » dans les 12 régions du Royaume, le taux du mariage coutumier à la Fatiha représente 10,79% des cas recensés, concentrés dans les régions de Drâa-Tafilalet et Béni Mellal-Khenifra. Ceci d’après cette étude, réalisée avec le soutien du centre danois pour la recherche et l’information sur le genre, l’égalité et la diversité (KVINFO) et le programme de partenariat dano-arabe.
Malgré les efforts déployés par le gouvernement, « le mariage coutumier persiste avec un pourcentage non négligeable de 13% en milieu rural, contre 6,56% en milieu urbain », révèle cette étude, présentée à l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre l’exploitation sexuelle, qui se tient le 4 mars de chaque année. Dans certaines régions, met en garde l’étude, « ce type de mariage représente un taux très important, égal parfois, à celui du mariage authentifié. Comme c’est le cas de la Région Drâa-Tafilalet, ou encore celle de Dakhla-Oued Eddahab », faisant aussi savoir que la Région Casablanca-Settat reste la plus touchée par le mariage des mineures avec un taux de 19.86%. Par ailleurs, l’étude rappelle que selon le ministère de la Justice, 319.177 des demandes de mariages des mineures ont été validées entre 2009 et 2018. Soulignant que « quoiqu’il en soit, le mariage de mineures expose ces dernières à de réels dangers et tout le monde s’accorde sur le fait qu’il faut y mettre fin ».
Les auteurs de l’étude estiment que la suppression de toute dérogation à l’âge de 18 ans est « une première solution que l’on peut qualifier de radicale et qui est celle de la majorité des organes de la société civile, ainsi que celle exprimée dans un avis du Conseil économique, social et environnemental (CESE) sur cette question ». S’exprimant à cette occasion, le président de l’association « Droits et Justice », Mourad Faouzi, a indiqué que cette étude permet une meilleure connaissance de la topologie des mineures mariées, de leur vie et de leur milieu familial et social, afin de faire avancer la réflexion pour atteindre l’objectif de cette étude, celui de réfléchir et proposer le ou les moyens susceptibles de mettre fin au mariage des enfants. Selon lui, l’étude a analysé cette problématique au regard d’une causalité multiple, pluridimensionnelle associant la vulnérabilité/pauvreté, la non-scolarisation, la pression sociale, sans oublier le cadre législatif autorisant le mariage des mineures (article 20 du code de la famille).
De son côté, l’ambassadeur du Danemark à Rabat, Nikolaj Harris, a souligné que le Maroc a réalisé depuis deux décennies « des grandes avancées en ce qui concerne les droits des femmes et l’égalité des sexes », citant, dans ce sens, plusieurs mesures législatives et qui vont dans la même direction, notamment la loi relative à la lutte contre les violences faites aux femmes et le Code de la famille. Les mariages des mineurs « portent sévèrement préjudice tant au plan individuel, social ou économique », a-t-il néanmoins relevé, notant que cela constitue « une violation des droits des enfants », d’autant que l’élimination ce phénomène fait partie des Objectifs de développement durable (ODD) à l’horizon 2030.
Cette enquête nationale a porté sur un échantillon de 627 cas, dont près des deux tiers ont concerné le monde rural (408 cas). De même et en conformité avec la méthodologie de l’enquête, 12 hommes mineurs mariés répartis au niveau national ont été enquêtés pour compléter l’échantillon retenu. « Droits et Justice » est une association marocaine à but non lucratif, indépendante de toute organisation politique, se consacrant à l’assistance juridique et à l’amélioration du système judiciaire et de l’État de droit au Maroc. Fondée en 2009 par des avocats, l’association vise, à travers plusieurs projets, à faciliter l’accès des personnes et communautés vulnérables et exclues à une aide juridique équitable. A cet effet, elle a axé son action sur les femmes, les enfants, les migrants et les demandeurs d’asile.