Visite de Macron et Von Leyen à Pékin : maigre bilan concernant la guerre en Ukraine
Jawad Kerdoudi
Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)
Le président Emmanuel Macron et la présidente de la Commission européenne Ursula Von Leyen se sont rendus en Chine du 5 au 7 avril 2023. C’est une visite d’État pour le président français qui a invité Mme Leyen de l’accompagner pour impliquer également l’Union européenne dans les discussions. Lors de sa rencontre avec le président chinois Xi Jinping, Emmanuel Macron a interpellé son interlocuteur en lui disant: «Je sais pouvoir compter sur vous pour ramener la Russie à la raison». Il a ajouté: «Nous ne voulons pas seulement la fin du conflit, mais le respect de l’intégrité territoriale de l’Ukraine». Le président français a en outre signalé que Pékin peut jouer un rôle majeur pour trouver le chemin de la paix, tout en affirmant que le nucléaire doit être exclu totalement du conflit. De son côté, Mme Leyen a averti Pékin que si la Chine fournissait des armes à la Russie en Ukraine, cela nuirait considérablement à la relation entre la Chine et l’Union européenne. Elle a ajouté qu’armer l’agresseur irait à l’encontre des lois internationales, et a souligné qu’elle soutenait fermement le plan de paix présenté par le président ukrainien Zelenski.
Dans sa réponse, le président Xi Jinping a salué les liens avec la France dans un monde en profonde mutation historique. Il a ajouté que les armes nucléaires ne peuvent pas être utilisées, et a condamné toute attaque contre les civils ainsi que tout usage d’armes biologiques et chimiques. En même temps que les discussions à Pékin, la présidente de Taïwan; Tsai Ing-Wen, a été reçue à Los Angeles par le président de la Chambre des représentants des États-Unis, Kevin Mc Carthy. La Chine considère Taïwan comme une province sécessionniste, et a déployé le 6 avril 2023 des navires et des avions de guerre autour de l’île. Interrogée sur cette question par des journalistes, Ursula Von Leyen a déclaré que la stabilité dans le détroit de Taïwan est d’une importance capitale, et que la menace ou l’utilisation de la force pour modifier le statu quo est inacceptable.
Rappelons que les États-Unis soutiennent fermement la République de Chine (Taïwan) depuis sa création. A l’issue de la visite de Macron en Chine, une Déclaration franco-chinoise a été publiée. Elle comporte 51 articles et cinq chapitres : renforcer le dialogue politique et promouvoir la confiance politique mutuelle, promouvoir ensemble la sécurité et la stabilité dans le monde, promouvoir les échanges économiques, relancer les échanges humains et culturels, répondre conjointement aux défis planétaires. Seuls trois articles sont consacrés à la guerre en Ukraine. Ils énoncent que «les deux parties soutiennent tout effort en faveur du retour de la paix en Ukraine sur la base du droit international et des buts et principes de la Charte des Nations Unies». Les deux parties s’opposent aux attaques armées contre les centrales nucléaires, et soutiennent l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA).
Les deux pays soulignent l’importance que toutes les parties au conflit doivent observer le droit international humanitaire en vue de protéger les femmes et les enfants, accroître les aides humanitaires aux zones de conflit, et fournir un accès sûr et rapide et sans entrave de l’aide humanitaire. On ne peut que constater le maigre bilan de la visite du président Macron en Chine concernant la guerre en Ukraine.
La Chine persiste dans sa non condamnation de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. La Déclaration ne mentionne pas la Russie en tant qu’agresseur, et n’appelle pas au retrait de l’armée russe des territoires occupés en Ukraine. On pouvait s’attendre à ce maigre résultat au vu de la visite de Xi Jinping à Moscou le 20 mars 2023. En effet, le président Poutine, qui traite le président chinois de «bon vieil ami», a déclaré à cette occasion que les deux pays avaient des objectifs communs, et que les alliés chinois accordent une grande attention au développement des relations avec la Russie. Unis par un partenariat «sans limites», Pékin et Moscou se sont rapprochés pour faire front commun contre les Occidentaux. En conclusion, la Chine est trop liée à la Russie et supporte mal le soutien des États-Unis à Taïwan, pour jouer le rôle de médiateur dans la guerre d’Ukraine. Xi Jinping n’a pas la capacité de demander à Poutine de retirer son armée de Crimée et du Donbass.
Aussi, pour le moment, il n’y a pas de possibilité de mettre fin à la guerre d’Ukraine d’une manière pacifique. La guerre en Ukraine va donc continuer jusqu’à ce qu’un belligérant s’effondre militairement sur le terrain. Un autre événement menace la paix dans le monde, à savoir l’invasion de Taïwan par la Chine. Le président Xi Jinping est déterminé à annexer tôt ou tard Taïwan qu’il considère comme une province de la Chine. Enfin, des représentants de la société civile ont critiqué Emmanuel Macron d’avoir emmené avec lui cinquante patrons de grands groupes français pour signer des contrats avec leurs homologues chinois, au lieu de se concentrer sur la solution pour mettre fin à la guerre en Ukraine.