Opinions

Protéger nos enseignants : face à la violence, une réponse collective s’impose

Par Adil Mdaghri Alaoui
Professeur de commerce et de management à l’Institut de formation aux métiers de l’Offshoring des TIC et de l’audiovisuel – Fès.

Violences verbales, harcèlement numérique, agressions physiques : la sécurité des enseignants, pilier fondamental de l’éducation nationale, exige une mobilisation urgente face à la violence en milieu scolaire. Un enseignant sur quatre subit des violences durant sa carrière : quelles solutions pour le Maroc ?

C’est une nouvelle qui a bouleversé le Maroc tout entier. Hajar E., enseignante à Erfoud, est décédée à Fès des suites d’une agression d’une violence inouïe. Attaquée par l’un de ses propres élèves armé d’une hache rudimentaire, elle n’a pas survécu à ses blessures.

Cette tragédie a déclenché une vague d’indignation et de solidarité à travers tout le pays, ravivant un débat crucial : comment protéger ceux qui forment nos jeunes ? Ce drame nous confronte à une réalité alarmante : nos enseignants, ces femmes et ces hommes qui consacrent leur vie à l’éducation, se retrouvent parfois en danger dans l’exercice même de leur profession. Une situation inacceptable qui exige une prise de conscience collective et des actions concrètes.

La violence contre les enseignants : un phénomène multiforme
La violence à l’encontre du corps enseignant ne se limite malheureusement pas aux cas extrêmes comme celui d’Erfoud. Elle prend des formes diverses et souvent insidieuses : agressions physiques (bousculades et coups pouvant aller jusqu’à des attaques à main armée) ; violences verbales (insultes, menaces, intimidations en classe) ; harcèlement numérique (diffamation sur les réseaux sociaux, montages photos humiliants) ; pressions psychologiques (chantage aux notes, intimidations de parents proches).

Selon plusieurs études internationales, jusqu’à un enseignant sur quatre aurait subi une forme de violence au cours de sa carrière. Un chiffre d’autant plus préoccupant que ces incidents sont souvent minimisés ou passés sous silence.

Initiatives internationales : s’inspirer des bonnes pratiques
Face à ce fléau, plusieurs pays ont développé des stratégies qui méritent notre attention : en Finlande et au Canada, des programmes de médiation préventive impliquent les élèves dans la résolution des conflits.

Des «ambassadeurs de la paix» sont formés parmi les étudiants pour intervenir dès les premiers signes de tension.

Selon Li Andersson, la ministre finlandaise de l’Éducation, «la prévention reste notre meilleur outil. Former les jeunes à la gestion des conflits, c’est investir dans un environnement scolaire sain pour tous». Il va sans dire que c’est une approche de la quelle nous devrions nous inspirer.

La France a choisi de donner aux enseignants un statut légal particulier, les considérant comme «dépositaires de l’autorité publique». Ainsi, les agressions à leur encontre sont passibles de sanctions aggravées, avec un message clair : s’attaquer à un enseignant, c’est s’attaquer à l’institution.

À défaut d’appui et d’intervention rapides de la part des forces de l’ordre dans nos établissements, nos législateurs et responsables pourraient emboîter le pas vers cette direction.

Le soutien psychologique
Au Royaume-Uni, des dispositifs de soutien psychologique spécifiques ont été mis en place pour les enseignants victimes de violences. Cette approche reconnaît que les blessures ne sont pas seulement physiques et que la reconstruction passe aussi par un accompagnement mental. Un soutien similaire devrait aussi prévaloir dans nos écoles et établissements. Il devrait être systématique et passer d’un cadre souvent formel à une véritable prise en main savamment orchestrée.

Des solutions adaptées au contexte marocain
Outre ces propositions, plusieurs autres pistes méritent donc d’être explorées : renforcer la sécurité dans les établissements à travers l’installation de points de contrôle à l’entrée des établissements, la formation du personnel administratif à la gestion des situations de crise et la mise en place de protocoles d’alerte rapide en cas de comportement suspect.

Il faut aussi sensibiliser la communauté éducative à travers des ateliers de sensibilisation pour les élèves sur le respect dû aux enseignants. Il y a également lieu de mener des campagnes nationales valorisant le rôle crucial des enseignants et l’implication des parents dans la prévention des comportements violents. Il faut enfin réformer le cadre juridique, à travers le durcissement des sanctions contre les agresseurs d’enseignants, la simplification des procédures de plainte pour les victimes et la création d’une cellule spéciale au sein des académies pour traiter ces incidents.

En faire l’affaire personnelle de chacun d’entre nous
La protection des enseignants n’est pas seulement l’affaire du ministère de l’Éducation ou des forces de l’ordre. C’est une responsabilité partagée qui nous concerne tous : en tant qu’étudiant, respectez vos enseignants et signalez tout comportement inquiétant ; en tant que parent, éduquez vos enfants au respect de l’autorité et collaborez avec l’équipe pédagogique ; en tant que citoyen, valorisez le métier d’enseignant et soutenez les initiatives de protection.

Honorer la mémoire par l’action

La mort tragique de cette enseignante à Erfoud nous rappelle cruellement que derrière chaque cas de violence se cache une personne, une famille et des rêves brisés. La meilleure façon d’honorer sa mémoire est de transformer notre indignation en actions concrètes.

N’attendons pas qu’un autre drame survienne pour agir. Nos formateurs et enseignants méritent de travailler dans la dignité et la sécurité. Ils façonnent l’avenir de notre pays, élève après élève, génération après génération. Leur protection n’est pas un luxe, mais une nécessité absolue pour toute société qui valorise l’éducation et le savoir. Le message est clair : plus jamais ça ! Pour Hajar E., pour tous les enseignants, et pour l’avenir de notre jeunesse.



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