Fuite organisée
Des entreprises spécialisées baptisées «the snipers» viennent au Maroc deux fois par mois pour «chasser» des têtes bien pensantes. Ce sont les ingénieurs en informatique et des filières technologiques qui sont dans leur ligne de mire. En moyenne, ils recrutent mensuellement jusqu’à quarante jeunes ingénieurs pour les marchés de l’Union européenne et les Émirats arabes unis. Un nombre similaire quitte le Maroc de son propre chef pour aller trouver des horizons meilleurs.
La Belgique a carrément créé le Bureau belge de formation et de recrutement dont l’une des tâches principales est la chasse des profils pointus nécessaires à la dynamique économique de ce petit pays européen. Cette fuite «organisée» touche d’autres métiers et notamment les médecins. Rien qu’en France, ce sont 6.150 médecins marocains qui pratiquent dans l’Hexagone dont la majorité est formée au «bled». Ils sont pratiquement mille «cerveaux» à «fuir» le Maroc chaque année dont presque 600 ingénieurs et 400 médecins. Cette hémorragie ne semble pas inquiéter outre mesure nos politiciens dont les combats de coqs n’ont qu’une seule priorité ; une place au soleil. Ce gâchis nous interpelle tous car le pays investit fortement pour former ses élites, ceux qui devraient assurer la conduite de notre Maroc à bon port et ceux qui devraient rassurer le citoyen dans ce qu’il a de plus cher ; sa santé. Combien de temps devrons-nous rester immobiles devant cette déferlante de migrations continues de notre élite intellectuelle et scientifique ? Le souverain avait attiré l’attention quant à ce fléau dans un discours officiel et s’est posé la question sur les raisons qui poussent nos enfants à se tourner systématiquement vers le nord. Aucun parti n’a daigné ensuite intégrer cette problématique dans son tableau de bord, aucun débat n’a été lancé à ce sujet. Je ne parle même pas du pôle public de l’audiovisuel, nos télés publiques sont apparemment investies d’une seule mission : le divertissement !