Importations : le Maroc 5e client de la Turquie en septembre

En septembre, le Maroc a importé 519.300 tonnes de marchandises depuis la Turquie, plaçant le Royaume cinquième parmi les destinations des ports turcs. Cette dynamique traduit un regain des échanges bilatéraux, mais se heurte à l’inflation et à la dépréciation de la livre turque, qui renforcent la compétitivité des produits turcs au détriment de certains secteurs marocains.
En septembre, les exportations maritimes de la Turquie vers le Maroc ont atteint 519.300 tonnes (t), selon les données publiées par la direction générale des Affaires maritimes du ministère turc des Transports et des Infrastructures.
Cette performance classe le Maroc cinquième parmi les destinations majeures des ports turcs, derrière l’Italie (1,39 million de t), les États-Unis (1,08 million de t), l’Égypte (957.200 t) et l’Espagne (770.800 t). Durant cette période, les principaux produits exportés étaient le ciment Portland avec 923.300 t, les tôles laminées (463.500 t), le feldspath (461.400 t), le fioul (410.200 t) et le clinker (382.500 t).
Sur les neuf premiers mois de 2025, le trafic portuaire turc s’est élevé à 409,68 millions de t, soit une progression de 3% comparée à la même période en 2024. Pour le seul mois de septembre, les ports turcs ont traité 42,88 millions de t, affichant une hausse de 2,8%. Les exportations à partir des ports turcs se sont élevées à 11,14 millions de t (+0,7%), tandis que les importations ont atteint 20,31 millions (+2,5%). Le transit a totalisé 5,58 millions (+5,5%) et le cabotage 5,84 millions (+5,4%).
En termes de ports les plus actifs, Kocaeli se distingue avec 6,41 millions de t, suivi d’Aliağa (6,32 millions), İskenderun (5,84 millions), Tekirdağ (4,04 millions), Ceyhan (4,01 millions), Mersin (3,49 millions) et Ambarlı (2,94 millions). Les dix principaux ports du pays ont géré à eux seuls 35,91 millions de t, soit 83,7% du total national. Le rapport note également que le trafic de charbon a enregistré en septembre la plus forte hausse mensuelle, avec +22,3% (soit +484.000 t) par rapport à août.
En revanche, le trafic pétrolier a subi le recul le plus marqué, avec –11,2% (–5,1 millions de t). Par origine, les marchandises en provenance de Russie ont totalisé 8 millions de t, celles des États-Unis 1,7 million, de l’Égypte 1,1 million, de la Chine 799.700 tonnes et de l’Italie 618.400 tonnes. Enfin, le trafic conteneurisé a progressé de 3,5% sur la période janvier-septembre 2025, atteignant 10,49 millions d’EVP, dont 1,11 million en septembre (+2,9%).
Une recomposition économique sous tension
Le Maroc et la Turquie renouent avec une dynamique de rapprochement économique. Une ambition réaffirmée de part et d’autre, mais désormais menacée par la fragilité macroéconomique d’Ankara, en proie à une inflation persistante et à la dépréciation continue de sa monnaie. Ainsi, les derniers mois ont été marqués par une intensification des échanges bilatéraux.
Après la visite à Ankara du secrétaire d’État marocain chargé du Commerce extérieur, Omar Hejira, son homologue turc, Mustafa Tuzcu, s’est rendu à Rabat, à la tête d’une délégation d’une vingtaine d’entreprises venues explorer les perspectives d’investissement. Objectif : réactiver les projets communs, lever les obstacles administratifs et renforcer la complémentarité industrielle entre les deux économies.
Les Inspirations Éco a tenté de joindre Omar Hejira afin de s’informer sur l’avancement des négociations avec la partie turque, mais à l’heure où nous mettions sous presse, aucune réponse ne nous était parvenue. En attendant, il faut souligner qu’un Forum maroco-turc de l’investissement et un séminaire d’affaires en Turquie sont annoncés pour les prochains mois.
Les deux pays ont également signé plusieurs mémorandums d’entente, portant sur la sécurité routière et le développement des liaisons maritimes, dans la perspective d’un corridor logistique mieux intégré. Autant de signaux traduisant une volonté partagée de rééquilibrer une relation commerciale longtemps jugée asymétrique. Mais cette recomposition se heurte à un contexte macroéconomique instable.
Depuis plusieurs années, la Turquie fait face à une inflation galopante : 33,5% en juillet 2025, contre 35% un mois plus tôt. Malgré un assouplissement monétaire (le taux directeur abaissé à 43% contre 46% aupravant), la Banque centrale peine à contenir la hausse des prix. La dépréciation de la livre turque, elle, est pour le moins spectaculaire : en 2006, elle valait 5,64 dirhams contre à peine 0,22 dirham l’année en cours. Cette chute vertigineuse, multipliée par vingt-cinq, a rendu les produits turcs particulièrement compétitifs sur les marchés extérieurs, notamment au Maroc.
Résultat : les exportations turques gagnent du terrain, tandis que plusieurs secteurs marocains (textile, ameublement, produits manufacturés…) subissent une pression croissante. Les consommateurs, eux, bénéficient de prix plus attractifs et d’un pouvoir d’achat renforcé pour les séjours en Turquie. Mais derrière cet avantage apparent se cache un risque d’érosion du tissu productif national.
Des entreprises turques bien installées au Maroc
Aujourd’hui, environ 250 entreprises turques sont implantées au Maroc, représentant près d’un milliard de dollars d’investissements et quelque 20.000 emplois directs. Cette présence économique témoigne d’un intérêt croissant pour le marché marocain, mais elle accentue aussi la dépendance vis-à-vis d’un partenaire dont la stabilité reste incertaine. Rabat, de son côté, cherche à rééquilibrer la balance en stimulant ses exportations vers la Turquie et en favorisant la co-production dans des filières à forte valeur ajoutée.
Les autorités marocaines misent sur une meilleure intégration industrielle et sur la montée en gamme des chaînes de valeur nationales pour réduire l’impact des importations turques à bas coût. Le défi est désormais clair : transformer une relation commerciale déséquilibrée en partenariat stratégique durable.
Cela suppose de renforcer la compétitivité nationale, d’adapter les accords de libre-échange aux nouvelles réalités du marché et d’instaurer des mécanismes de protection contre les fluctuations monétaires excessives. Deux scénarios se dessinent : soit la Turquie poursuit sa dérive inflationniste et creuse davantage le déséquilibre commercial, soit la coopération se structure autour de projets conjoints et d’une stratégie d’expansion commune vers l’Afrique et l’Europe.
Dans cette équation, le Maroc doit avancer avec prudence, mais sans renoncer à l’ouverture. La recomposition maroco-turque pourrait devenir un levier d’intégration régionale, à condition d’en maîtriser les fragilités et de placer l’équilibre des intérêts au cœur de la coopération.
Abdelhafid Marzak / Les Inspirations ÉCO