Conjoncture : reprise confirmée, mais…

L’année 2025 s’annonce comme une année de consolidation pour l’économie nationale. La croissance s’accélère, les fondamentaux se renforcent, mais les déséquilibres extérieurs et budgétaires rappellent la nécessité d’une vigilance accrue. La soutenabilité de cette reprise dépendra, dans les prochains mois, de la capacité du pays à transformer cette expansion conjoncturelle en croissance durable et inclusive.
Après une année 2024 marquée par une reprise hésitante, l’économie marocaine confirme un retour à un rythme de croissance soutenu en 2025. Portée par une amélioration de la campagne agricole, la vigueur des investissements publics et privés, ainsi qu’un redressement industriel notable, l’activité progresse nettement. Mais cette embellie n’a pas suffi à occulter des fragilités persistantes : creusement du déficit commercial, pressions sur les comptes publics et ralentissement de la création d’emplois.
La revue de conjoncture économique de Bank Al-Maghrib dresse ainsi le tableau d’une économie en expansion, mais toujours en quête d’équilibre. Au deuxième trimestre 2025, la croissance s’est établie à 5,5%, après 3% un an plus tôt. Cette performance traduit un rebond agricole de 4,7%, soutenu par une récolte céréalière en hausse de 33%, et une accélération des activités non agricoles (+ 5,5%).
La demande intérieure demeure le principal moteur. La consommation des ménages a progressé de 5,1%, celle des administrations publiques de 6,5%, tandis que l’investissement a bondi de 18,9%. Les échanges extérieurs, eux, ont continué de peser négativement (– 4,4 points), les importations de biens et services en volume ayant crû de 15,7%, contre 8,5% pour les exportations.
Déficit commercial accru
Les données des huit premiers mois de 2025 confirment la poursuite de la dynamique commerciale. Les importations ont augmenté de 8,4% à 533,4 milliards de dirhams (MMDH), et les exportations de 3,8% à 307,5 MMDH. Le déficit commercial s’est creusé de 15,5% à 225,9 MMDH, faisant reculer le taux de couverture à 57,6%. Les phosphates et dérivés constituent la principale locomotive (+ 21,1% à 65 milliards), portés par la hausse des prix mondiaux.
L’agriculture confirme sa bonne tenue (+ 3,8% à 59,7 MMDH), tout comme l’aéronautique (+ 5,6%). À l’inverse, l’automobile recule de 2,9%, en raison de la faiblesse du segment de la construction, et le textile-cuir comme l’électronique affichent des baisses respectives de 4,2% et 6,8%. Côté importations, la hausse provient surtout des biens de consommation (+ 13,4%), notamment les voitures de tourisme (+ 41%) et les produits pharmaceutiques (+ 20%) et des biens d’équipement (+ 13%).
En revanche, la facture énergétique recule de 6,2%, profitant de la détente des prix du pétrole et du gaz. La balance des services reste solide, avec un excédent de 102 MMDH (+ 10,3%), portée par des recettes touristiques en hausse de 14,3%. Les transferts des MRE, quasi stables (– 0,6%), se maintiennent à 81,7 MMDH.
Rebond industriel
Les industries manufacturières ont crû de 6,9% au 2e trimestre, confirmant un redressement marqué après la faiblesse de 2024. Les gains sont notables dans la fabrication de matériels de transport (+ 18%), les produits alimentaires et boissons (+ 7%), les chimiques (+ 8%) et les matériaux électriques (+ 30%).
Le BTP continue de profiter des programmes d’infrastructures et de la relance de la construction. Sa valeur ajoutée a progressé de 6,7%, tandis que les ventes de ciment ont bondi de 12% sur le 3e trimestre. Les industries extractives, en hausse de 10,9%, tirent profit de la production accrue de phosphate brut. Le secteur énergétique s’est également raffermi (+ 8,9%), porté par la montée en puissance du solaire (+ 33%) et de l’hydraulique (+ 6,7%). Le tourisme, enfin, reste sur une trajectoire ascendante (+ 10,%), malgré un ralentissement des arrivées estivales.
Toutefois, la reprise économique ne se traduit pas encore par une nette amélioration de l’emploi. Au 2e trimestre, seuls 5.000 emplois nets ont été créés, la perte de 108.000 postes agricoles ayant neutralisé les gains dans les services (+ 35.000) et le BTP (+ 74.000). Le taux de chômage recule légèrement à 12,8%, mais reste élevé en milieu urbain (16,4%) et parmi les jeunes (35,8%). Le taux d’activité, en baisse à 43,4%, traduit la difficulté du marché à absorber la main-d’œuvre disponible.
Finances publiques, le déficit budgétaire se creuse
Les comptes du Trésor affichent un déficit de 59,8 MMDH sur les huit premiers mois de l’année, contre 42,1 milliards un an auparavant. Les recettes ordinaires progressent de 14,5%, soutenues par les rentrées fiscales (+ 15,5%), tandis que les dépenses s’alourdissent de 15%, tirées par les charges de fonctionnement et les intérêts de la dette (+ 18%). Les dépenses d’investissement atteignent 67,9 MMDH, confirmant la priorité donnée à la relance par l’investissement public.
Marchés financiers, consolidation après l’euphorie
Le besoin de liquidité des banques s’est établi à 123,5 MMDH, amenant Bank Al-Maghrib à injecter 134,2 MMDH via divers instruments. Le taux interbancaire demeure stable à 2,25%, reflet d’une politique monétaire inchangée. Le crédit bancaire progresse de 5,3%, soutenu par les ménages (+ 3%) et les entreprises publiques (+ 8,6%). Les créances en souffrance augmentent néanmoins de 5,6%, portant leur ratio à 8,8%.
Les réserves de change, à 410,7 MMDH, assurent une couverture confortable de plus de cinq mois d’importations. Après une envolée de près de 30% depuis janvier, le MASI a corrigé de 5,1% en septembre, dans un mouvement de consolidation touchant la plupart des secteurs. La capitalisation boursière dépasse toutefois 1.000 MMDH, tandis que les indicateurs de valorisation (PER, PB) se normalisent.
Le marché obligataire demeure actif, avec des émissions du Trésor atteignant 15 milliards, et le marché des OPCVM poursuit sa croissance. L’actif net s’élève à 790 MMDH, en hausse de 20,9% depuis fin 2024. Par ailleurs, le marché immobilier reste atone. Les transactions ont chuté de 10,8% au deuxième trimestre, après – 25% au trimestre précédent. Les prix reculent légèrement (– 0,2%), reflet d’une correction dans le résidentiel et le foncier, malgré un léger sursaut du segment des terrains.
Maryem Ouazzani / Les Inspirations ÉCO