Edito. L’impôt de la cohésion
Les recettes fiscales d’un pays ne se résument pas à des chiffres inscrits dans un budget; elles traduisent ses choix économiques et révèlent ses priorités autant que ses déséquilibres. L’impôt sur les sociétés, dans ce contexte, illustre parfaitement un système fiscal en quête d’équilibre entre adaptation et justice. Avec 60 milliards de dirhams collectés en 2023 et des prévisions ambitieuses de 81 milliards à l’horizon 2027, l’IS demeure le pilier central des finances publiques marocaines.
Or, cette solidité repose sur une répartition inégale de l’effort fiscal. Les grandes entreprises et institutions financières se retrouvent particulièrement sollicitées, avec un taux d’imposition qui atteindra 40% d’ici 2026. Cette concentration soulève des questions sur la soutenabilité d’un système où une part restreinte de l’économie formelle supporte l’essentiel des charges.
À côté de cela, l’impôt sur le revenu (IR) et la contribution professionnelle unique (CPU) mettent en lumière des dysfonctionnements persistants. L’IR repose sur une base étroite composée majoritairement de salariés et de fonctionnaires, tandis que l’informel continue d’échapper au radar fiscal. Quant à la CPU, bien qu’elle ait été conçue pour mieux encadrer les petits contribuables et inclure les acteurs de l’économie informelle, elle peine encore à atteindre son plein potentiel.
Malgré les efforts déployés pour étendre l’assiette fiscale et réduire les échappatoires, les classes moyennes restent lourdement impactées par la TVA et l’IR. Il devient donc urgent de redéfinir les contours de l’effort collectif pour répondre aux défis croissants.
L’IS, prévisible et stable, est indéniablement un atout majeur pour le Trésor, mais il ne peut porter seul le poids des ambitions nationales. Une fiscalité qui inclut, plutôt qu’elle n’exclut, reste la voie à suivre. Ce sera là tout l’enjeu de la réforme fiscale, pour faire de l’impôt un outil de cohésion et non de division.
Meriem Allam / Les Inspirations ÉCO