Placement : l’or, en quête d’un nouvel éclat

Valeur refuge par excellence, l’or a vacillé sur les marchés mondiaux, entraînant dans sa chute l’argent et semant le doute chez les investisseurs. Au Maroc, les bijoutiers peinent à suivre la cadence d’un marché en ébullition. Entre flambée des cours, marché noir prospère et réglementation jugée inadaptée, les professionnels s’interrogent sur la capacité du secteur aurifère à se réformer durablement.
Pendant quelques heures, investisseurs et traders ont retenu leur souffle. Après une ascension vertigineuse, le cours de l’or a brutalement décroché mardi dernier, enregistrant une baisse de 6,3% en une seule journée. Le métal jaune a ainsi vu son cours passer de 4.356 à 4.125 dollars l’once. Une chute d’une ampleur inédite depuis 2013, à laquelle s’est ajoutée celle de l’argent, en recul de 8,7%.
Si les causes de ce mouvement restent encore floues, les analystes évoquent une correction technique après plusieurs semaines de surchauffe. Les marchés aurifères évoluaient en effet en zone de surachat depuis le début du mois de septembre, et de nombreux investisseurs ont choisi de sécuriser leurs gains.
Prise de bénéfices
Le récent ralentissement s’explique aussi par le contexte international. À la veille de la publication du Consumer Price Index (CPI) américain, indice clé de l’inflation, les opérateurs ont adopté une attitude prudente. Pour rappel, la prochaine décision de la Réserve fédérale américaine sur le taux directeur dépendra en grande partie de ce chiffre.
D’un autre côté, l’annonce d’une rencontre entre Donald Trump et Xi Jinping a contribué à apaiser les tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine. Cette perspective de détente a réduit la demande pour les valeurs refuges, dont l’or fait traditionnellement partie. Malgré cette correction, la tendance de fond reste favorable au métal précieux.
Le cycle de baisse des taux de la Fed, amorcé en septembre, redonne en effet de l’attrait à un actif sans rendement, en réduisant le coût d’opportunité face aux obligations. Plusieurs analystes estiment que l’or pourrait retrouver son élan et s’approcher des 4.900 dollars l’once l’an prochain. Ses fluctuations à l’échelle mondiale ont des répercussions concrètes pour le Maroc. Les joailliers et artisans subissent ainsi de plein fouet la volatilité des cours.
Selon Idriss El Hazzaz, président de la Fédération nationale des bijoutiers, «certains ateliers en Turquie ou en Australie ont dû fermer temporairement leurs portes face à l’instabilité du marché». Au Maroc, les prix à la revente suivent mécaniquement les variations internationales, bien que le pays ne soit qu’un acteur marginal sur la scène aurifère mondiale.
Coup dur
L’approvisionnement du marché marocain repose sur trois canaux principaux, le recyclage des anciens bijoux, la production minière nationale et les importations. Le recyclage ne couvre que 10 à 15% des besoins. Les mines marocaines, quant à elles, exportent la quasi-totalité de leur production, alors même que la réglementation prévoit qu’une part de 15% soit réservée au marché local. Les importations sont entravées par des procédures de change jugées rigides, limitant la capacité des bijoutiers à se fournir légalement auprès de fournisseurs internationaux.
Dans ce contexte, le marché parallèle prospère. Une large partie de l’or brut ou des bijoux importés, principalement d’Italie, entre dans le pays par des circuits informels, renchérissant les prix finaux de 5 à 10% pour le consommateur. Les acteurs de la filière dénoncent depuis longtemps cette situation. Une étude stratégique menée avec la direction de l’artisanat avait déjà proposé des pistes de réforme pour structurer le secteur et protéger un savoir-faire ancestral. Mais ces recommandations tardent à se concrétiser.
« C’est un manque à gagner pour le Maroc, qui pourrait devenir exportateur de bijoux traditionnels. Avec la flambée des prix, beaucoup de petites unités artisanales n’ont pas résisté, d’autant que le pouvoir d’achat ne suit pas », regrette Idriss El Hazzaz.
En dépit de la hausse, la demande intérieure reste soutenue. Les ménages les plus nantis continuent d’acheter de l’or, symbole de stabilité en période d’incertitude. La classe moyenne, en revanche, se tourne davantage vers l’argent, dont le cours suit de près celui du métal jaune.
L’argent a lui aussi décroché récemment, s’établissant autour de 48 dollars l’once, après avoir brièvement touché 47,89 dollars. Ce recul, plus marqué que celui de l’or, s’explique par une demande industrielle en berne, notamment dans les pays asiatiques. Les perspectives demeurent toutefois favorables, portées par la transition énergétique et l’essor des technologies vertes, grandes consommatrices de ce métal.
A noter qu’actuellement le prix de l’or brut se situe à 940 dirhams le gramme. Quant au secteur, il génère quelque 43.700 emplois. Le Maroc, en spectateur engagé de ces soubresauts mondiaux, voit ainsi se rejouer sur son marché local les tensions d’un système globalisé.
Entre la dépendance aux cours internationaux, les limites réglementaires et les défis de la production locale, les artisans peinent encore à tirer pleinement parti du potentiel aurifère qui n’est pas des moindres. .
Maryem Ouazzani / Les Inspirations ÉCO







