Investissements hôteliers : malgré une performance record, des défis structurels persistent

«Le secteur touristique est un pourvoyeur majeur de devises», affirme Fatim-Zahra Ammor, ministre du Tourisme, de l’Artisanat et de l’Économie sociale et solidaire. Un constat étayé par 87,6 milliards de dirhams de recettes et 29,5% de croissance des IDE, alors que le Maroc accélère sa mue vers l’excellence opérationnelle. Détails.
Alors que le Maroc enregistre 15 millions de touristes à fin septembre 2025 et une croissance record des IDE hôteliers (+29,5%), la feuille de route 2023-2026 et les distinctions Michelin dessinent les contours d’un écosystème en pleine mutation, où excellence opérationnelle et durabilité s’imposent comme impératifs stratégiques.
C’est dans ce contexte que The Bench, promoteur mondial d’opportunités dans le secteur de l’hôtellerie et du voyage, rappelle que l’Égypte, le Maroc et la Tunisie s’imposent comme des pôles d’attraction majeurs pour les investissements hôteliers, catalysés par des fondamentaux économiques solides et des dynamiques régionales convergentes.
Cette attractivité se manifeste par une croissance touristique robuste, avec le Maroc enregistrant une augmentation de 15% des arrivées à fin septembre 2025 pour atteindre 15 millions de visiteurs, l’Égypte affichant une progression de 21% sur la même période pour un volume identique, et la Tunisie suivant avec +9,2% et 9,05 millions de touristes. Des performances qui s’appuient sur des stratégies nationales volontaristes, illustrées par des plans structurants comme la Feuille de route marocaine 2023-2026 dotée de 6 milliards de dirhams (MMDH), et une diversification des offres intégrant l’écotourisme, le segment MICE (réunions, incentives, conférences, événements) et le luxe.
Dans ce contexte, la reconnaissance internationale vient consolider la dynamique, matérialisée par les distinctions Michelin Key qui ont couronné trois établissements marocains de la prestigieuse cote «3 Clés», dont les emblématiques La Mamounia et Kasbah Tamadot, signalant une excellence opérationnelle et expérientielle. Comme le souligne Fatim-Zahra Ammor, ministre marocaine du Tourisme, «le secteur touristique est un pourvoyeur majeur de devises, contribuant directement à la croissance nationale», soulignant ainsi le rôle pivot de cette industrie dans l’économie des trois pays.
Zoom sur le cas marocain
Le cas marocain révèle une performance sur plusieurs plans, combinant résultats économiques tangibles et défis structurels à surmonter. Sur le plan financier, le Royaume enregistre des recettes touristiques record de 87,6 MMDH à fin août 2025, en hausse de 14,3% par rapport à 2024, portées par 13,5 millions de touristes (+15%).
L’attractivité pour les investissements directs étrangers (IDE) se confirme avec un stock d’IDE dans l’hôtellerie atteignant 15,494 MMDH en 2023, soit une progression significative de 29,5% par rapport à 2022, classant le secteur au 8e rang national en termes d’importance.
Toutefois, la dépense moyenne par touriste s’élève à 711 dollars, restant inférieure de 22% à celle de l’Égypte (866 dollars), ce qui révèle une marge de progression dans la valorisation de l’offre. Les leviers stratégiques déployés incluent une diversification ciblée, incarnée par un programme de 730 millions de dirhams (MDH) dédié au Parc national d’Ifrane pour promouvoir l’écotourisme, et une montée en gamme via la labellisation Michelin d’établissements tels que le Riad Sakkan à Marrakech.
L’innovation structurelle s’appuie sur des initiatives comme «Cap Hospitality» et «Go Siyaha» pour renforcer les compétences professionnelles, tandis que la Nouvelle Charte de l’Investissement favorise explicitement les projets durables. La Coupe d’Afrique des Nations (CAN 2025) agit comme un catalyseur supplémentaire pour la fréquentation et les investissements.
Néanmoins, des défis persistent : une saisonnalité marquée avec près des deux tiers des arrivées estivales (65,23%) dépendantes de la diaspora marocaine (MRE), une compétitivité régionale à consolider face à l’Égypte, et des tensions opérationnelles liées à la pénurie d’opérateurs capables d’articuler standards internationaux et réalités locales, soulignant la nécessité de modèles efficaces adaptés au contexte.
Investisseurs, opérateurs hôteliers, TPME locales…, les implications pour eux
La dynamique d’investissement hôtelier en Afrique du Nord génère des implications distinctes pour chaque catégorie d’acteurs économiques, nécessitant des réponses stratégiques adaptées. Pour les investisseurs, les opportunités se concentrent sur des segments porteurs comme les branded residences et les écolodges, répondant à la demande croissante d’expériences hybrides et durables ; cependant, ceux-ci doivent exercer une vigilance accrue face à l’envolée des coûts de construction, évalués à +30% par rapport à la période pré-Covid selon Nabil Nazer, CEO de MSA Capital, ce qui exige des études de faisabilité affinées et des partenariats solides pour optimiser les structures financières.
Les opérateurs hôteliers trouvent un levier compétitif dans l’intégration de technologies innovantes (IA, gestion énergétique) et l’adoption de certifications ESG, mais ils sont confrontés à un défi opérationnel majeur : le renforcement des compétences locales et la rétention des talents, indispensables pour concilier excellence internationale et ancrage territorial.
L’État et les régulateurs ont l’opportunité de consolider l’attractivité du secteur via des incitations ciblées, telles que les prêts à taux réduits inspirés du modèle égyptien, tout en accélérant des réformes structurelles sur les visas et la connectivité aérienne pour désenclaver les destinations émergentes.
Enfin, les TPME locales gagneraient à s’insérer dans les chaînes de valeur hôtelières via l’approvisionnement durable ou la promotion de l’artisanat, mais leur pérennité dépendra de mécanismes facilitant l’accès au financement et d’un accompagnement en RSE pour répondre aux exigences des investisseurs internationaux. Une cartographie d’impacts qui souligne la nécessité d’une coordination multisectorielle pour transformer la croissance quantitative en valeur partagée.
Perspectives 2026-2030 : les enjeux clés
La période 2026-2030 s’annonce comme un tournant stratégique pour l’investissement hôtelier nord-africain, avec des enjeux clés exigeant une réponse coordonnée. La future Feuille de route marocaine 2027-2030, actuellement en élaboration, gagnerait impérativement à prioriser l’excellence opérationnelle et l’équité territoriale, comme l’a souligné la ministre Fatim-Zahra Ammor, afin de concilier performance économique et inclusion des régions périphériques.
La durabilité s’imposera comme un critère non-négociable, les actifs alignés sur les critères ESG captant déjà 47,6% des flux d’IDE selon Anthony Costa de Candy Capital, une tendance renforcée par la demande croissante de certifications vertes (comme le programme «Go Siyaha»).
Parallèlement, la compétition régionale atteindra un seuil critique avec l’inauguration du Grand Musée Égyptien (investissement de 1,5 milliard USD), projet phare susceptible de redessiner les flux touristiques continentaux et d’accentuer la pression sur le Maroc pour innover dans l’offre culturelle. Cette nouvelle ère, selon les termes d’Anthony Costa, «récompensera l’innovation, la résilience et une croissance axée sur le sens», plaçant l’expérience client et l’impact sociétal au cœur de la création de valeur.
Un écosystème en mutation
Le Maroc incarne désormais un écosystème hôtelier en mutation profonde, capitalisant sur ses atouts structurels – stabilité politique, diversification accélérée et labellisation internationale (Michelin) – mais devant relever trois défis transformationnels pour consolider sa position.
Premièrement, valoriser la dépense moyenne (711 USD/touriste) exige une montée en gamme systématique via le développement de segments premium (luxe, expériences culturelles immersives) et la réduction de l’écart avec l’Égypte (866 USD). Deuxièmement, l’inclusion des TPME locales dans les projets structurants (villages touristiques, chaînes d’approvisionnement durable) doit s’accélérer pour ancrer les retombées économiques dans les territoires, comme l’illustre le projet de valorisation de 16 villages. Troisièmement, l’innovation anticipatoire (technologique, formation professionnelle) deviendra cruciale face à la concurrence régionale, notamment égyptienne.
La trilogie Maroc-Égypte-Tunisie consacre ainsi un nouveau paradigme : l’investissement hôtelier nord-africain, autrefois perçu comme émergent, s’affirme comme un pilier stratégique de l’économie régionale, combinant rendement financier et impact durable, où la valeur se mesure désormais à l’aune de la résilience systémique et de la création de sens partagé.
Bilal Cherraji / Les Inspirations ÉCO







