Comment relever le niveau du débat économique
La transition démocratique a permis d’entamer une nouvelle étape du dialogue économique dans notre pays. Nous commençons en effet de sortir de l’époque où ce dialogue se contentait de reproduire le discours officiel, sans aucune lecture critique. Ce dialogue a pu évoluer de manière notoire à l’issue de la révolution, de même que les questions économiques occupaient de plus en plus le débat public. À côté de cette présence de la thématique économique, les dernières années ont aussi connu une évolution remarquable du contenu, avec une place plus importante pour le côté critique des orientations adoptées par les gouvernements.
Et même si le débat économique a été entaché par de multiples dérapages, accompagnés parfois de discours trop poussés, le retour à la raison et au discours équilibré commence à revenir graduellement. Durant cette étape, plusieurs facteurs ont permis de donner au dialogue économique la place qu’il mérite au sein des médias, ce qui a permis d’aborder plusieurs questions prioritaires qui intéressent le développement économique de notre pays.
Malgré toutes ces avancées, je pense qu’on peut davantage évoluer et faire des pas supplémentaires en vue de renforcer le dialogue économique. Je veux particulièrement insister sur le rôle des centres de recherche, notamment ceux indépendants. Ces centres tirent leur importance des études qu’ils mènent dans l’optique d’éclairer les décideurs économiques. Au sein des États développés et des sociétés démocratiques, ces centres ont un rôle essentiel dans l’enrichissement du débat économique. Les rapports élaborés par ces centres sont pris au sérieux, sans oublier leur concertation systématique à propos des grands choix opérés. La vocation de ces centres n’est plus actuellement l’apanage des pays avancés, mais plusieurs nations émergentes ont donné plus d’importance aux centres de recherche. Cette évolution a été accélérée par la transition démocratique qui a donné lieu à une participation plus effective des centres de recherche dans le dialogue économique de leurs pays.
Dans cette optique, je veux faire allusion directe à l’expérience marocaine, avec l’apparition durant les dernières années de plusieurs centres indépendants et importants. À titre d’exemple, l’OCP Policy Center qui a pu, durant un laps de temps record, acquérir un statut international très fort. Le centre a réussi à attirer un nombre considérable de jeunes chercheurs marocains qui en forment actuellement l’ossature et mènent des études de nature prospective. Parmi les acquis de cette structure de recherche, les liens tissés avec une pléiade d’experts et de penseurs économiques à travers le monde qui évaluent ses travaux et procèdent à livrer leurs avis et analyses aux chercheurs d’OCP Policy Center. Les séminaires organisés par le centre autour de la transition économique dans les pays ayant vécu le printemps arabe ont été aussi une réussite. Ce qui est intéressant dans l’expérience de ce centre, c’est l’appui financier accordé par une entité économique, sans la contrepartie d’intervenir pour orienter ses programmes de recherche.
Notre pays a besoin aujourd’hui de ce type de centre apte à opérer une réelle renaissance du débat économique, durant cette étape critique que traverse notre économie. Ces centres nécessitent un appui financier de la part du privé, vu la rareté des fonds publics, avec la condition d’assurer une autonomie pour tout ce qui a trait à leurs programmes de recherche.
La mission de hausser le niveau du débat économique demeure une responsabilité collective et un facteur décisif dans la réussite de la transition économique de notre pays. Non seulement l’État et les institutions privées, mais aussi les chercheurs et les médias, doivent s’unir pour instaurer un dialogue sérieux qui aide à adopter des politiques publiques efficientes. Les centres de recherche, spécialement indépendants, ont, sans aucun doute, un rôle important et positif à jouer dans la prise des décisions favorables à notre économie.
Hakim Benhamouda
Expert économique tunisien