Maroc

Vers la clarification du régime de contentieux de l’État

Pour mettre à profit la fluidité des procédures devant les juridictions commerciales et arriver à assainir plus rapidement le contentieux de l’État, les juges opèrent désormais une distinction théorique entre les contrats administratifs et les contrats privés conclus par l’administration.

Le conflit de compétence est l’apanage de tout système judiciaire. Au Maroc, le contentieux commercial de l’État et de ses démembrements (établissements publics, collectivités territoriales…) est, en théorie, du ressort des tribunaux administratifs en vertu de l’article 8 de la loi 41/90 régissant ces juridictions. Ces derniers statuent, entre autres, «(…) sur les litiges relatifs aux contrats administratifs et les actions en réparation des dommages causés par les actes ou les activités des personnes publiques». Ainsi, dans la pratique judiciaire, tout conflit opposant une personne morale de droit public et un particulier et/ou une entreprise, est déféré devant le juge administratif. Seulement, dans le cadre d’une action judiciaire entreprise par un opérateur téléphonique contre la commune de Sefrou – pour des factures non-payées -, qui dure depuis 2016, la tendance jurisprudentielle est en train de changer puisque la juridiction de second degré et la Haute Cour ont refusé l’exception d’incompétence de la commune, qui a voulu déféré l’affaire devant le tribunal administratif. Un refus motivé par «l’absence d’éléments et des conditions du contrat administratif qui accordent des privilèges juridiques à l’administration face aux personnes de droit privé, il n’y pas lieu d’appliquer l’article 8 de la loi 41/90 et donc le tribunal compétent est le tribunal de commerce». Ainsi, pour mettre à profit la fluidité des procédures devant les juridictions commerciales et arriver à assainir plus rapidement le contentieux de l’État, les juges opèrent désormais une distinction théorique entre les contrats administratifs et les contrats privés conclus par l’administration. Ces derniers étant assimilés à des contrats commerciaux au même titre que les actes passés entre personnes privés. Il est en effet apparu anormal que des contrats portant sur le même objet et se rapportant au même type d’opération soient qualifiés différemment, soumis à des régimes différents et relèvent d’un contentieux différent.

Pour opérer cette différenciation, les magistrats se basent, selon les arrêts rendus, sur l’existence (ou non), de clauses exorbitantes de droit commun, qu’ils définissent comme étant celles dont «l’application est subordonnée à des pouvoirs que seul l’administration détient». Il peut s’agir des clauses accordant une exonération fiscale aux cocontractants, ou celles qui confèrent à l’administration le pouvoir de résiliation du contrat pour motif d’intérêt général, sans qu’il n’y ait faute du cocontractant ou encore les dispositions prévoyant un contrôle de l’administration sur les tarifs pratiqués sur son cocontractant ou sur les membres de son personnel. C’est donc un critère à l’appréciation de l’administration : si elle veut que le contrat soit administratif, elle va y insérer des clauses qui le distinguent de celles conclues habituellement entre particuliers. La commune de Sefrou, n’ayant pas introduit de clauses de ce type dans son contrat avec l’opérateur, la Cour d’appel commercial de Fès a ainsi renvoyé l’affaire devant sa sous-juridiction pour un traitement de fond, rejetant le caractère administratif de la convention.


L’État engage souvent sa responsabilité contractuelle

Dans le dernier rapport d’activité de l’Agence judiciaire du royaume, la répartition des dossiers ouverts contre l’État par type de contentieux, démontre que le contentieux administratif représente 54% de ces nouvelles affaires, le contentieux judiciaire représente 40% alors que les dossiers de la procédure amiable représentent 5%. La classification de ces dossiers par nature de litige montre qu’environ 34% des dossiers ouverts portent sur la responsabilité contractuelle et/ou délictuelle de l’État, suivis par les recours en annulation et les recours liés à la fonction publique (17%), ensuite les dossiers portant sur le correctionnel et autre contentieux civil (10%) et les actions en justice liées au domaine sociale (9%). Les départements ministériels sont les premiers concernés avec un taux de 77%, suivis des collectivités territoriales (9%), les établissements publics (8%) et enfin les hauts commissariats avec un taux de 6%.

 


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