Maroc

Réforme fiscale : les TPME ont de quoi se réjouir

La DGI annonce trois réformes prometteuses : commissions de conciliation pour limiter les litiges, référentiel immobilier basé sur des données neutres, et Small business act visant à simplifier la vie des TPE/PME. Objectif : moderniser la fiscalité marocaine. Détail.

Conciliation, transparence, accompagnement : la Direction générale des impôts (DGI) lance sa cure de jouvence. Zoom sur trois leviers de la réforme fiscale qui mijotent dans la marmite de la DGI. Lors d’une récente conférence-débat, Younes Idrissi-Kaïtouni, directeur général de l’administration fiscale, a détaillé trois réformes majeures qui arrivent et qui redéfiniront les règles du jeu pour un certain nombre d’acteurs économiques.

Les commissions de conciliation entendent apaiser les contentieux en privilégiant le dialogue à la confrontation. Le référentiel immobilier, fondé sur des données neutres et dynamiques, vise à éradiquer les arbitraires historiques de valorisation.

Enfin, le Small business act révolutionnera l’accompagnement des TPE/PME, transformant la fiscalité en levier de croissance plutôt qu’en frein administratif. Ces mesures, loin d’être de simples ajustements techniques, incarnent une philosophie nouvelle : remplacer la méfiance par la transparence et la complexité par l’agilité.

À l’heure où le Maroc aspire à renforcer son attractivité économique, ces réformes dessinent les contours d’un système fiscal à la fois rigoureux et bienveillant, capable de protéger l’intérêt général sans étouffer l’initiative privée.

Commissions de conciliation : un dialogue structuré pour désamorcer les litiges
Face à la multiplication des contentieux fiscaux, la DGI instaurera avant fin juin 2025 des commissions de conciliation régionales et centrales, conçues comme un ultime recours avant le déclenchement de procédures judiciaires.

«Nous travaillons sur ce projet […]. Il sera prêt avant les vacances d’été. Dans quelques mois, en fait, avant fin juin». Ces instances, composées d’experts indépendants et de représentants de l’administration, examineront les dossiers contestés en s’appuyant sur des données externes neutres, comme les référentiels immobiliers ou les comparables sectoriels.

«Plus de 90% des contrôles se soldent à l’amiable. Les commissions offriront un dernier dialogue pour éviter les procédures longues et coûteuses», explique Idrissi-Kaïtouni.

Le processus prévoit un double niveau d’arbitrage : une première analyse en région, puis un réexamen centralisé en cas de désaccord persistant. L’objectif est double : réduire les litiges stratégiques, notamment dans les secteurs sujets à interprétations complexes (immobilier, prix de transfert…), et restaurer la confiance en offrant une voie de recours équilibrée.

Cette approche s’inscrit dans une logique de justice préventive, où la transparence des méthodes prime sur l’imposition unilatérale. Comme on le constate, le directeur général des Impôts précise que ces commissions s’appuient sur «des données externes neutres, comme les référentiels immobiliers» et visent à «objectiver les redressements», renforçant ainsi la légitimité des décisions fiscales. Ainsi, l’instauration de ces commissions s’inscrit dans une stratégie plus large de «sécuriser l’acte d’investir» tout en luttant contre les contentieux chronophages.

Référentiel immobilier : la fin des redressements arbitraires par la data
Pour mettre fin aux conflits récurrents sur la valorisation des biens immobiliers, la DGI développe une base de données collaborative, calquée sur les outils utilisés pour encadrer les prix de transfert des multinationales.

«Pour limiter les conflits sur les mutations immobilières, la DGI prépare une base de données collaborative, inspirée des outils utilisés pour les prix de transfert. […] Les contribuables et l’administration débattront sur des données factuelles, pas sur des intuitions», précise Idrissi-Kaïtouni.

Ainsi, ce référentiel vise à remplacer les évaluations subjectives par des données comparables, réduisant les litiges liés aux redressements arbitraires. Cet outil dynamique, alimenté par les transactions réelles et segmenté par typologie de biens (logement, tertiaire, industriel), remplacera l’ancien système de grilles figées, souvent critiqué pour son manque de réactivité aux fluctuations du marché.

Concrètement, les inspecteurs ne pourront plus procéder à des redressements sans justifier leur évaluation via des comparables vérifiables. Le dirigeant note que pour l’heure, «10% des mutations font aujourd’hui l’objet d’un ajustement, principalement lié à des surfacturations d’investissements déclarés».

Ce nouveau système limite les ajustements fiscaux aux cas de fraudes avérées, sécurisant les particuliers contre les abus. La mesure vise aussi à protéger ces derniers contre les amicales immobilières, ces regroupements informels souvent utilisés pour contourner la fiscalité, en imposant une traçabilité accrue des transactions.

Ainsi, les «amicales» sont désormais ciblées non pour leur impact fiscal, mais pour les risques qu’elles font peser sur les acquéreurs (absence de garanties légales). Comme on peut le constater, le patron des Impôts insiste sur la modernisation du cadre fiscal immobilier, combinant «rigueur technique» et «équité palpable». Le référentiel incarne cette double ambition : passer d’une logique de contrôle à une logique de confiance.

Création et transmission des petites entreprises : ce qui se mijote
En réponse aux blocages persistants des TPE/PME, la DGI planche sur un Small business act visant à simplifier la création, la transmission et la croissance des petites entreprises. Ce cadre législatif vise à réduire les obstacles administratifs et fiscaux pour les très petites entreprises, souvent étouffées par la complexité des procédures. Parmi les pistes prioritaires : l’extension du rescrit fiscal, aujourd’hui limité aux prix de transfert, à des secteurs complexes comme la fintech ou les énergies renouvelables.

«L’extension du rescrit fiscal à des secteurs complexes comme la fintech ou les énergies renouvelables permettra aux entrepreneurs de valider leurs montages en amont. […] Un entrepreneur pourra soumettre son modèle d’affaires à l’administration et obtenir une validation préalable de sa conformité fiscale», illustre Idrissi-Kaïtouni. De quoi sécuriser les investissements dans des niches innovantes, en évitant les litiges a posteriori.

Parallèlement, des clauses de sécurité seront introduites pour lutter contre l’informel : les entreprises devront référencer des fournisseurs réguliers pour accéder à des avantages fiscaux, une mesure destinée à tarir les flux de fausses factures, qui drainent jusqu’à 60 milliards de dirhams hors du circuit formel.

Enfin, la transmission intra-familiale bénéficiera d’un allègement des droits de mutation, sous réserve d’un engagement à maintenir l’activité pendant cinq ans. De quoi apporter une réponse au drame des entreprises qui disparaissent faute de relève.

Rappelons qu’environ 60% des PME marocaines ferment avant leur première transmission. L’enjeu est donc important. Ce volet complète les dispositifs existants, comme la Contribution professionnelle unique (CPU), pour offrir un écosystème fiscal lisible aux très petits acteurs, longtemps éclipsés par les grandes entreprises.

«Le Small business act n’est pas un texte de plus, c’est un changement de paradigme : passer d’une logique de contrôle à une logique d’accompagnement. […] La confiance se gagne en rendant le système lisible pour ceux qui n’ont pas une armée de fiscalistes», fait valoir le patron du fisc.

Des réformes pragmatiques

En instaurant des commissions de conciliation, un référentiel immobilier data-driven et un Small business act ambitieux, le Maroc franchira un cap décisif vers une fiscalité du XXIe siècle. En canalisant les litiges vers des arbitrages transparents, en objectivant la valeur des biens immobiliers, et en sécurisant la transmission des PME, l’administration fiscale passe d’un rôle de contrôleur à celui de partenaire. Espérons que les résultats escomptés soient tangibles.

Reste un défi : ancrer ces innovations dans la durée, en assurant leur appropriation par les citoyens et les entreprises. Si cet équilibre est préservé, le Maroc pourrait bien écrire une nouvelle page de son histoire économique – celle d’un pays où la fiscalité ne génère plus de crainte, mais constitue un catalyseur de confiance et de croissance inclusive. Un cap audacieux, à la hauteur des ambitions d’une nation en mouvement.

Bilal Cherraji / Les Inspirations ÉCO



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