Maroc

Exiger l’acte de mariage : une pratique à bannir chez les hôteliers ?

De nombreux hôteliers exigent des couples marocains qu’ils produisent leur acte de mariage, ce qui serait de nature à entraver le développement du tourisme interne. Le ministre de la Justice a dénoncé cette pratique qu’il considère comme illégale et discriminatoire, appelant même à des poursuites judiciaires contre les contrevenants. Une prise de position qui a suscité l’inquiétude des établissements hôteliers concernés et l’ire des conservateurs.

Depuis des années, de nombreux hôteliers marocains exigent des clients nationaux l’acte de mariage pour pouvoir accéder à leurs établissements. Ils refusent également souvent les réservations de femmes résidant dans la même ville. Si ces pratiques sont devenues habituelle, elles ne reposeraient en fait sur aucune base juridique.

Lors d’une récente séance à la Chambre des conseillers, Abdellatif Ouahbi, ministre de la Justice, a dénoncé fermement ces exigences des hôteliers qu’il considère comme illégales.

«Quand vous demandez à un citoyen un document qui touche à sa vie privée, et que cela n’est pas prévu par la loi, sachez qu’il n’y a pas de base légale pour cela. Ceux qui demandent ces documents doivent être poursuivis en justice», a-t-il affirmé.

Un frein au tourisme interne
Au-delà du cadre juridique, ces pratiques discriminatoires représenteraient un frein important au développement du tourisme interne au Maroc. En contraignant une partie de la clientèle nationale, elles privent le secteur hôtelier classé de nombreuses retombées économiques au profit du secteur informel. Les professionnels du tourisme sont d’ailleurs de plus en plus critiques envers ces méthodes.

Ils estiment que ces pratiques non réglementées réduisent significativement les arrivées touristiques dans les hôtels, laissant une large partie de la demande être absorbée par l’hébergement non classé ou informel. Ouahbi prône des réformes contre la «paperasserie inutile» Le ministre de la Justice a, par ailleurs, dénoncé plus largement «la surcharge des Marocains par de nombreux documents administratifs inutiles».

Il a appelé les administrations à coordonner entre elles pour éviter d’imposer aux citoyens des démarches redondantes basées sur des «logiques moyenâgeuses». Cette prise de position en faveur d’une simplification des procédures administratives pourrait encourager une modernisation des pratiques hôtelières. En facilitant l’accès des clients nationaux, le Maroc pourrait ainsi mieux tirer parti du potentiel encore sous-exploité de son tourisme interne.

La menace de poursuites poussera-t-elle les hôtels à revoir leurs pratiques ?
Les déclarations du ministre de la Justice ont suscité des réactions contrastées chez les professionnels de l’hôtellerie. Certains établissements considèrent que l’exigence de l’acte de mariage leur avait été recommandée de manière informelle par les autorités locales, dans un souci présumé de sécurité.

La sortie fracassante de Ouahbi, dénonçant cette pratique comme contraire à la loi et appelant à des poursuites judiciaires, a donc été perçue comme un revirement soudain par ces hôteliers. Beaucoup redoutent désormais d’éventuelles sanctions s’ils persistent à demander les actes de mariage.

Dans ce contexte tendu, la menace de poursuites pourrait ainsi précipiter l’abandon de cette mesure discriminatoire par crainte de représailles légales, même si elle était jusqu’alors tacitement cautionnée par certaines autorités locales.

La fronde des mouvances conservatrices
Les déclarations du ministre ont également suscité des réserves du côté des mouvances conservatrices, en particulier du PJD. Certains membres du parti à Fès redoutent les potentielles répercussions sociétales d’une telle libéralisation.

Autoriser les couples non mariés à accéder librement aux hôtels, sans avoir à présenter d’acte de mariage, serait selon eux contraire aux préceptes de l’islam et aux valeurs traditionnelles marocaines. Ils craignent que cette mesure n’ouvre la voie à une remise en cause plus large des normes sociales et familiales.

Mehdi Idrissi / Les Inspirations ÉCO



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