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Norvège : le premier service commercial de stockage du CO2 prend forme

Dernière ligne droite avant le coup d’envoi du «premier service commercial de transport et de stockage de C02 au monde», la Norvège inaugure ce jeudi la porte d’entrée d’un vaste cimetière sous-marin de dioxyde de carbone.

L’idée? Enfouir sous le plancher océanique, moyennant paiement, du CO2 capté à la sortie de cheminées d’usines en Europe et réduire ainsi les rejets dans l’atmosphère, néfastes pour le climat. Dans la municipalité insulaire d’Øygarden, une pièce essentielle du puzzle vient d’être mise en place: le terminal terrestre qui se dresse désormais sur les rives de la mer du Nord, avec ses grandes citernes flambant neuves. C’est ici que le CO2, préalablement liquéfié, sera acheminé par bateau, puis injecté, via un long pipeline, dans un aquifère salin à 2.600 mètres sous les fonds marins.

Jusqu’à 5 millions de tonnes stockées
Porté par les géants pétroliers Equinor, Shell et TotalEnergies, le projet Northern Lights devrait enfouir ses premières tonnes de CO2 en 2025. Sa capacité de stockage annuelle sera initialement de 1,5 million de tonnes, avant d’être portée à 5 millions de tonnes, si la demande suit.

«Notre principal objectif est de démontrer que la chaîne de captage et de stockage du carbone (CCS) est faisable», explique à l’AFP le directeur de Northern Lights, Tim Heijn.

«Cela peut avoir un impact réel sur le bilan CO2 et contribuer à atteindre les objectifs climatiques», ajoute-t-il.

Plusieurs autres projets de stockage sous-marin progressent en Europe. Le projet Greensand développé par Ineos et 23 partenaires au large du Danemark a reçu en septembre le feu vert de l’organisme de certification DNV et prévoit de démarrer fin 2025 ou début 2026. En Italie, le groupe pétrolier Eni, allié au groupe de transport de gaz Snam, a démarré début septembre un projet au large de Ravenne qui atteindra le stade industriel en 2027.

Coût dissuasif
Complexe et coûteuse, la solution du CCS est soutenue par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), notamment pour réduire l’empreinte d’industries difficiles à décarboner telles les cimenteries ou la sidérurgie.

La capacité totale de captage de CO2 n’atteint aujourd’hui que 50,5 millions de tonnes (Mt) dans le monde, selon l’Agence internationale de l’énergie. Soit 0,1% des émissions annuelles mondiales. Pour contenir le réchauffement planétaire à 1,5°C par rapport à l’ère pré-industrielle, le CCS devrait empêcher au moins 1 milliard de tonnes d’émissions de CO2 par an d’ici 2030, estime l’AIE. Le développement de cette technologie encore embryonnaire est freiné par son coût dissuasif par rapport, par exemple, à l’achat par les industriels de quotas d’émission de CO2, et dépend largement des subventions.

«L’aide publique a été et restera cruciale pour aider des projets aussi innovants à aller de l’avant, en particulier vu que les coûts du CCS demeurent plus élevés que les coûts des émissions de CO2 en Europe», note Daniela Peta, chargée des relations publiques du groupe de réflexion Global CCS Institute.

Dans le cas de Northern Lights, l’État norvégien a endossé 80% des coûts, dont le montant reste confidentiel. Avec ses gisements d’hydrocarbures épuisés, susceptibles de devenir des lieux de stockage, et son vaste réseau de gazoducs, la mer du Nord est une région propice à l’enfouissement de CO2.

Northern Lights s’inscrit dans un projet plus ambitieux baptisé «Longship» – du nom des bateaux vikings – d’un coût total estimé à 30 milliards de couronnes (2,6 milliards d’euros), dont 20 milliards à la charge de l’État. Celui-ci prévoyait aussi au départ l’installation de dispositifs de captage de CO2 sur deux sites en Norvège. Si la cimenterie de Heidelberg Materials à Brevik doit bien expédier son CO2 l’an prochain, les surcoûts ont obligé à revoir les plans concernant l’usine de traitement des déchets de Hafslund Celsio à Oslo.

Un cheval de Troie pour les énergies fossiles ?
Au-delà des partenaires de lancement initiaux, Northern Lights a aussi noué de premiers accords commerciaux transfrontaliers avec le producteur d’engrais Yara et le groupe énergétique Ørsted pour enterrer du CO2 en provenance d’une usine d’ammoniac aux Pays-Bas et de deux centrales à biomasse au Danemark.

Du côté des défenseurs de l’environnement, certains s’inquiètent qu’une telle technologie serve de motif pour prolonger l’exploitation des énergies fossiles, qu’elle détourne de précieux investissements des énergies renouvelables ou encore des risques de fuite.

«Northern Lights est de l’écoblanchiment», dénonce le chef de Greenpeace Norvège, Frode Pleym, soulignant que le projet était conduit par des compagnies pétrolières. «Leur objectif est de pouvoir continuer à pomper du pétrole et du gaz. Le CCS, l’électrification des plateformes et les mesures de ce genre sont utilisés de manière cynique par l’industrie pétrolière pour éviter de faire quoi que ce soit avec leurs énormes émissions».

Sami Nemli Avec Agence / Les Inspirations ÉCO

 


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