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Assurance & méga-sinistres. Abdou Dassouli: “Le Maroc peut transformer sa vulnérabilité climatique en leadership technologique”

Abdou Dassouli
CEO d’Imtiaz Capital IT, Global InsurTech Innovator of the Year, aux American Global Business Awards 2025

Alors que le Maroc affronte une crise climatique sans précédent (canicules historiques, stress hydrique, sinistres en hausse), Abdou Dassouli, récent lauréat du prix «Global insurTech innovator of the year» aux American global business awards 2025, dévoile comment la technologie peut redéfinir la résilience nationale. Assurance paramétrique déclenchée par seuils climatiques, filets de sécurité post-catastrophe, partenariats pour une tarification dynamique, taxe catastrophe à 1,5%, optimisation du FSEC, projets de cat bonds pour transférer les risques climatiques sur les marchés internationaux, déploiement en Afrique Subsaharienne, création d’un fonds dédié à l’InsurTech africaine… Dans cette interview exclusive, le CEO d’Imtiaz Capital IT expose des solutions concrètes pour transformer les risques en protection inclusive, des champs d’agriculteurs aux stades de la Coupe du monde 2030, en passant par ceux de la CAN 2025. Découvrez comment l’IA, le mobile et la solidarité peuvent réinventer la résilience.

Le Maroc fait face à des défis hydriques et climatiques majeurs. Comment l’InsurTech peut-elle intégrer des modèles de gestion des risques climatiques dans les projets d’énergies renouvelables ou d’agriculture ?
Vous savez, au Maroc, le stress hydrique et les aléas climatiques ne sont plus des alertes :
ils façonnent notre quotidien. L’InsurTech a justement cette capacité unique de transformer la donnée climatique en protection concrète. Chez Imtiaz Capital, nous travaillons avec des partenaires nationaux et internationaux pour intégrer des modèles de gestion des risques basés sur les données satellites, les capteurs IoT et l’intelligence artificielle.

L’assurance agricole indicielle, ou paramétrique, indemnise les agriculteurs non pas selon leurs pertes réelles, mais en fonction d’un indice mesurable (pluviométrie, température ou sécheresse). Quand ce seuil est franchi, le paiement est automatique.

Cela permet une indemnisation rapide et transparente, sans expertise sur le terrain. Mais la technologie n’a de sens que si elle reste accessible. C’est pourquoi nous développons des micro-assurances simples et inclusives, distribuées via les coopératives agricoles, les agences postales ou le mobile. L’idée est claire : protéger les plus vulnérables, pas seulement les plus connectés.

La hausse de la taxe catastrophes à 1,5% répond à l’explosion des coûts de réassurance (+40% en 2024, selon l’ACAPS) et aux limites du FSEC. Quelles solutions InsurTech propose Imtiaz pour optimiser l’emploi de ces fonds et réduire la vulnérabilité financière du système face aux méga-sinistres climatiques ?
Cette hausse traduit une volonté de renforcer la résilience du pays face aux risques climatiques. L’InsurTech peut y contribuer en rendant l’usage de ces fonds plus ciblé et réactif. Par exemple, grâce aux modèles paramétriques, il devient possible de débloquer automatiquement les fonds lorsque certains seuils climatiques sont atteints, comme un déficit de pluie.

Nous explorons, avec la collaboration de partenaires internationaux, des instruments financiers innovants mais respectueux du cadre réglementaire, tels que les cat bonds, qui permettent de transférer une partie du risque vers les marchés internationaux. L’objectif n’est pas de remplacer le rôle de l’État, mais d’appuyer la stratégie nationale de résilience par des solutions technologiques et financières nouvelles.

La nouvelle CDN 2026-2035 souligne l’urgence de couvrir les «pertes non-économiques» (vies humaines, déplacements forcés, biodiversité). Comment l’InsurTech marocaine peut-elle intégrer ces dimensions via des outils comme les assurances paramétriques déclenchées par seuils climatiques (exemple : pour des vagues de chaleur >45°C) ou des produits solidaires pour les populations rurales non-assurées, ciblant spécifiquement les femmes agricultrices par exemple ?
Quand on parle de pertes non-économiques, on parle d’humains, de familles déplacées, de biodiversité menacée. C’est une question de dignité avant tout. L’InsurTech peut jouer un rôle concret, notamment à travers des filets de sécurité solidaires. Nous travaillons sur des assurances paramétriques capables d’activer un soutien financier direct après une catastrophe.

Par exemple, en cas de canicule extrême, une aide peut être versée immédiatement aux familles rurales sans démarches administratives lourdes. Et je tiens à le souligner : les femmes agricultrices sont au cœur de cette démarche. Avec les coopératives féminines, nous développons des micro-produits adaptés à leurs besoins, simples, rapides, solidaires.

Le rapport CDN 3.0 révèle l’absence de base nationale unifiée sur les pertes climatiques, limitant l’actuariat. Imtiaz capitalise-t-elle sur les données satellitaires, IoT et partenariats avec le Département météo pour développer des modèles de tarification dynamique reflétant l’exposition réelle des territoires, notamment dans les hotspots identifiés (Gharb, Saïss, zones côtières) ?
Effectivement, il est essentiel de renforcer la base de données nationale pour mieux comprendre et tarifer le risque. Chez Imtiaz Capital, nous travaillons avec des partenaires nationaux et internationaux et misons sur des modèles capables d’exploiter des données croisées de plusieurs sources : données satellitaires, capteurs IoT pour le suivi des nappes phréatiques et informations de la Direction de la météorologie nationale.

Grâce à l’intelligence artificielle, nous développons des modèles de tarification dynamique, adaptés à chaque territoire, du Gharb au Saïss, en passant par les zones côtières. Cela permet une assurance plus juste, plus fine, et plus connectée à la réalité du terrain.

La Maroc s’apprête à accueillir la CAN 2025 et la Coupe du monde 2030. Quand on sait que de tels évènements sont des catalyseurs pour l’innovation dans plusieurs secteurs (infrastructures, mobilité, etc…), quelles opportunités spécifiques ces méga-événements créent-ils pour l’InsurTech ? Des projets concrets sont-ils déjà en développement avec les acteurs publics ?
Ces événements dépassent le sport. Ils représentent une formidable opportunité d’expérimentation technologique. Nous collaborons avec des startups capables de proposer des solutions d’assurance pour les événements et interruptions d’activité, notamment dans le tourisme, la logistique ou les infrastructures temporaires. Imaginez un système d’indemnisation automatique si une canicule ou une inondation perturbe un match ou un transport : c’est exactement ce type d’innovation que ces grands événements peuvent accélérer.

Face à la concurrence internationale, comment le Maroc peut-il positionner ses champions locaux comme leaders des normes InsurTech made in Africa ? Le régulateur marocain (ACAPS) est-il suffisamment agile pour soutenir cette dynamique ?
Absolument ! Je l’espère et je le pense pour la simple et bonne raison que le Maroc dispose aujourd’hui de tous les atouts : stabilité, talents, cadre réglementaire évolutif et infrastructures digitales solides. Le pays est désormais reconnu parmi les hubs technologiques africains, comme le confirme le Global innovation index 2025 de la WIPO. Des initiatives comme Maroc Digital 2030, UM6P Ventures, Technopark ou StartGate dynamisent l’écosystème.

Les régulateurs (l’ACAPS, Bank Al-Maghrib, la CNDP) montrent une ouverture croissante à l’innovation. Bien sûr, il reste à accélérer la mise en place de sandboxes et à clarifier le cadre des assurances paramétriques, mais la dynamique est là. Notre ambition chez Imtiaz Capital, c’est de contribuer à créer des normes africaines de l’assurance digitale, pensées en Afrique, pour l’Afrique.

L’innovation InsurTech nécessite des investissements lourds. Quel équilibre trouvez-vous entre rentabilité à court terme et vision à long terme dans un marché émergent comme l’Afrique ? Les fonds d’investissement présents à Marrakech, lors de l’American global business awards 2025, ont-ils manifesté un intérêt spécifique ?
C’est un équilibre délicat. L’innovation, surtout dans l’assurance, se construit dans le temps. Chez Imtiaz Capital, nous combinons deux approches : la rentabilité à court terme, via des contrats B2B et institutionnels, et une vision à long terme, avec des projets pilotes à fort impact social. Plusieurs fonds internationaux m’ont fait part de leur intérêt à collaborer. Ensemble, nous réfléchissons à la création d’un fonds africain dédié à la résilience climatique et à l’assurance inclusive.

Cette consécration place Imtiaz sous les projecteurs globaux. Quelle est votre prochaine ambition : scaler votre modèle à l’échelle continentale, diversifier vers d’autres secteurs, notamment le HealthTech, structurer un fonds dédié à l’InsurTech africaine… ? Imtiaz Capital IT envisage-t-elle des partenariats avec des fintechs africaines pour démultiplier son impact ?
Cette distinction est un honneur, mais aussi une responsabilité. Mon ambition est claire : déployer notre modèle à l’échelle africaine, en commençant par deux ou trois pays pilotes, comme le Sénégal, la Côte d’Ivoire ou le Gabon, tout en consolidant notre base au Maroc. Nous souhaitons aussi structurer un fonds d’investissement dédié à l’InsurTech africaine, pour accompagner les jeunes startups du continent. Et à terme, pourquoi pas, explorer le domaine de la HealthTech, toujours avec la même conviction : la technologie doit rester au service de la protection humaine.

Bilal Cherraji / Les Inspirations ÉCO



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