Impôts : attention à vos indices d’américanité !

Des milliers de détenteurs du passeport américain, d’une green card, voire d’une adresse postale ou d’un simple numéro de téléphone actif, tout en ayant le centre de leurs intérêts professionnels et familiaux au Maroc, ont jusqu’à la fin de l’année pour déclarer et payer l’impôt au fisc des États-Unis. Les banques, les assurances, les caisses de retraite et les organismes de gestion d’actifs communiquent au fisc américain, via la DGI, la situation des avoirs financiers de toute personne présentant un indice d’américanité ou de contribuable aux États-Unis. C’est la doctrine américaine et la mise en œuvre du FATCA, cette loi extraterritoriale de lutte contre l’évasion fiscale, qui les rattrapent.
Ils sont quelques milliers au Maroc, souvent appartenant aux classes moyennes supérieures et aux professions libérales, à avoir la qualité de contribuable américain «parfois en l’ignorant», confie un responsable «grands comptes» dans le département Banque privée d’un groupe bancaire.
«La seule chose que nous conseillons à nos clients, c’est de se mettre en conformité, car les États-Unis ont les moyens de les repérer», ajoute-t-il.
En somme, si vous avez la nationalité américaine, que vous détenez une green card (la carte de résidence), ou si vous êtes nés aux États-Unis, même si vous n’y vivez pas, ou encore, que vous y avez gardé une adresse à l’image de beaucoup d’anciens lauréats d’universités américaines, sachez que vous présentez tous les indices d’américanité qui font de vous un contribuable des États-Unis.
Même en ayant vos centres d’intérêts familiaux et professionnels au Maroc, vous êtes dans le radar de l’IRS, la redoutable administration fiscale américaine. Vous avez donc l’obligation de déclarer et payer (à partir d’un certain seuil) vos impôts au fisc américain. Et ceci dans les dernières semaines de l’année.
C’est la conséquence de la mise en œuvre du «Foreign account tax compliance act» (FATCA), cette législation extraterritoriale que Washington impose au reste du monde, y compris le Maroc, depuis 2015, afin de lutter contre l’évitement de l’impôt. Telle est la doctrine américaine. Un citoyen américain, ou un contribuable aux États-Unis, est redevable de l’impôt quel que soit le pays où il réside. C’est une doctrine différente de celle en vigueur dans la majorité des États qui adoptent le critère fondé sur la résidence fiscale.
Sursis
Après de longues tractations avec Washington, Rabat avait arraché un accommodement sur le schéma de mise en œuvre du FATCA en obtenant que la Direction générale des Impôts (DGI) soit le point focal de son homologue américain (l’IRS) et des entités déclarantes au Maroc.
Pour les clients qui ont le statut de contribuable américain tout en vivant au Maroc, la saison des déclarations démarre le 1er octobre, et s’achève le 31 décembre. Cela veut dire que leurs banques, assurances et gestionnaires d’actifs sont tenus de communiquer à la DGI le détail des avoirs financiers des clients à partir de 50.000 dollars : soldes de comptes, revenus financiers, produits de cession de capitaux mobiliers et immobiliers, etc.
Un travail fastidieux pour les banquiers
Les banques ont reçu une instruction de Bank Al-Maghrib détaillant les diligences à déployer pour se conformer à la loi FATCA. Dans la plupart des banques, des «responsables Conformité FATCA» ont été désignés pour coordonner le travail d’information aux clients. En première ligne également, les compagnies d’assurance ont multiplié des formations de leurs collaborateurs et dépensé beaucoup d’argent en consulting.
Le travail de la traque des indices d’américanité est fastidieux, une complexité à laquelle les banquiers et les gestionnaires d’actifs ne s’attendaient pas. En plus du travail de recoupement des données, il faut ajouter plusieurs formulaires à faire remplir au client. Mais la déclaration des avoirs est de la responsabilité du client à qui revient la décision de la faire ou pas.
Comme à leur habitude, les États-Unis, qui ne sont pas signataires de l’accord OCDE d’échange automatique d’informations bancaires à des fins fiscales, menacent de débrancher du dollar tout pays qui n’applique pas leur loi, obligeant les établissements financiers et les sociétés de gestion d’actifs du monde entier à communiquer au fisc américain les avoirs des personnes ayant qualité de contribuable aux États-Unis ou présentant le moindre indice d’américanité.
Enjeu politique
Au-delà de la gestion du risque juridique qui pèse sur ses banques et ses établissements financiers en général, l’enjeu pour le Maroc était beaucoup plus politique, car en termes de volume, les flux financiers des contribuables américains vivant dans le Royaume sont modestes. Il reste que si le Maroc n’avait pas souscrit au FACTA, ses banques se seraient vu appliquer une retenue de 30% sur tous les règlements provenant des États-Unis et de tous les pays contractants du FATCA.
Par ailleurs, quelle que soit leur nationalité, les institutions étrangères financières qui appliquent cette loi sont tenues de prélever une pénalité sous forme de retenue à la source de 30% sur toutes les sommes versées aux institutions financières n’ayant pas adhéré et aux clients dits «récalcitrants».
La même sanction s’applique aux clients qui ne se seraient pas manifestés, qualifiés de «récalcitrants». Ce vocable regroupe soit des clients susceptibles d’être des contribuables américains et n’ayant pas apporté la justification du contraire, soit des clients ayant reconnu leur statut de contribuables américains tout en refusant la levée du secret bancaire.
Abashi Shamamba / Les Inspirations ÉCO







