Mohamed Achaour signe un film de femmes !
Le réalisateur marocain Mohamed Achaour a présenté, en avant-première, son deuxième long métrage «Hajjates» au Festival Al Haouz, au cœur de Douar Azrou. Une fresque comique sur la «hogra» vécue par quatre sexagénaires des quartiers pauvres de Casablanca.
Un cinéma en plein air improvisé pour un douar qui n’a pas pour habitude de vivre des moments de cette nature. La projection de «Hajjates», deuxième long métrage de Mohamed Achaour, bénéficie d’un cadre unique. Tout un symbole pour le réalisateur marocain qui fait partie de cette génération de cinéastes qui osent. Le réalisateur d’«Un film» brosse le portrait de quatre sexagénaires du quartier Nassim de Casablanca, qui s’efforcent de survivre au lieu de vivre, jusqu’au jour où elles décident de prendre leur vie en main et de cambrioler un riche homme d’affaire sans scrupules qui malmène son personnel.
Les justicières ont pour objectif d’indemniser tout le monde et de récupérer ce que la société leur doit. Un gang de mamies façon Robin des Bois campé par les excellentes Raouia, Souad Hassan, Fatima Bouchane et Mina Touraf. «L’idée a émergé en 2007. J’avais envie de parler de ce concept de hogra qui est était à la mode à l’époque, la hogra qui touche une couche de la société dont on ne parle pas beaucoup: la femme âgée. Elle vit la hogra physiquement, psychologiquement, au niveau de son statut. Et cette étiquette de «hajja»… comme s’il fallait attendre de mourir en espérant aller au paradis», confie le réalisateur dont la tâche la plus difficile était de trouver ses quatre actrices. «La tâche la plus difficile du film était le casting. Il fallait trouver un groupe et non des individualités. La seule à laquelle j’avais pensé en écrivant le film, c’était Raouia. Elle a un grand sens de l’humour non exploité, elle est cantonnée dans des rôles dramatiques. Souad Hassan, personne ne la connaissait à l’époque. Elle a joué dans une de mes sitcoms, je l’ai repérée dans un cabaret où elle chantait. Fatima Bouchane, boute-en-train du groupe, a une énergie débordante. Mina Touraf, que personne ne connaît, m’a approché deux jours avant le début du tournage, dans le quartier Nassim».
Le réalisateur avoue avoir jeté son dévolu sur cette dernière, qui l’a approché et l’a touché par sa sincérité. Un heureux hasard puisque Mohamed Achaour avait déjà casté une actrice connue pour le rôle. À deux jours du tournage, la compatibilité avec les autres comédiennes n’était pas au rendez-vous. Mina Touraf était là au bon endroit, au bon moment. Le quartet, qui rappelle «Braquage à l’ancienne», est aidé par Hassan, vendeur de DVD interprété par Mohamed Bousfiha, que tout le monde connaît sous le nom de Momo, et par la belle Leila Haddioui, qui joue la nièce d’une des «hajjates» rongées par l’injustice. «Ce n’est pas un choix marketing, sans quoi j’aurai choisi des actrices très connues aussi. Je voulais avoir deux visages qu’on n’a pas beaucoup vu à l’écran. Momo, je trouve qu’il dégage beaucoup d’énergie et qu’il a beaucoup de potentiel à l’écran. Leila dégage beaucoup de choses aussi. Je cherche surtout des gens qui n’ont pas beaucoup été «exploités. J’essaie de tirer le maximum des gens. Je pense que c’est possible quand il y a un rapport de confiance», continue le réalisateur influencé par Kubrick, qui n’aime pas se cantonner dans un genre particulier. Pour lui, chaque film est une histoire d’amour différente, qu’il faut penser différemment, sans avoir une «épée de Damoclès» au-dessus de la tête qui dicterait un registre donné. «Je n’ai pas envie de me cantonner dans un registre particulier. Je suis passé du film d’expression d’auteur à la comédie noire. Je voulais varier les expériences. Je ne calcule pas, je ne fais pas ça pour que ce soit un succès en salles. Beaucoup de réalisateurs surfent sur la vague du terrorisme, de l’affaire du Sahara… J’essaie de m’éloigner de cela quand je n’ai pas de sujets et que je ne suis pas prêt à raconter une histoire avec sincérité». «Hajjates», une comédie sociale pleine de sincérité justement, décalée et pleine de fraîcheur où la caméra du réalisateur a su saisir la profondeur de ces quatre femmes courageuses, débarque dans les salles en octobre. Une délicieuse association de «malfaitrices» qu’on ne peut s’empêcher d’adopter!