André Azoulay : « Essaouira a choisi de ne pas lâcher prise »
André Azoulay.
Président de l’Association Essaouira Mogador
Pour pouvoir être légitime dans ces espaces de culture et de patrimoine, il ne faut pas trahir. Il faut respecter, comprendre et partager. Le tourisme de demain sera celui de l’écologie, de la culture, du bien-être. Discussion à bâtons rompus avec André Azoulay.
Après des mois de confinement, Essaouira est la première ville à proposer un programme complet qui repose sur la culture, sa force de frappe, pour relancer le tourisme. Comment a été pensée cette feuille de route?
Nous ne sommes pas encore dans le jour d’après. L’état d’urgence sanitaire a été prolongé jusqu’au 10 août. Depuis début mars, on ne pouvait pas s’arrêter de penser à Essaouira et de faire qu’Essaouira pense à nous. La société civile souirie a constitué un groupe d’une quarantaine de personnes avec un webinaire hebdomadaire. Nous avons a réfléchi à la capacité qui est la notre, d’anticiper et de préparer une feuille de route, pour la post-Covid-19, en toute lucidité et responsabilité. Le résultat est fabuleux parce que c’est d’une densité, d’une diversité et d’une qualité impressionnantes. Le Souiri que je suis est un peu gêné de tant d’immodestie, mais c’est la réalité. Essaouira qui est la muse de tous les possibles, nous a a inspirés pour ce travail collectif. Le préalable après cela, et c’est un postulat dans tout ce que nous projetons de déployer pendant la période estivale, soit pour la rentrée, c’est de coller au cadre sanitaire du moment. Dans cette perspective, nous avons fait en sorte que chacune de nos propositions d’actions et de retrouvailles soient largement culturelles. Il faut que l’esthète y trouve son compte, que l’émotion soit toujours présente mais en même temps, que ce moment à la fois émotionnel et de plaisir esthétique, soient des propositions qui gardent leur ADN souiri autour des valeurs qui sont les nôtres. Essaouira sait inviter la culture dans toutes ses lettres de noblesse, et l’inviter au banquet de la pensée. Une pensée qui est toujours dans cette histoire marocaine, qui au cœur de notre réflexion, de notre démarche, du réacteur souiri, qui est à la fois celle de l’art du vivre-ensemble en souhaitant la très grande bienvenue à la diversité, parce que la réalité nous le dicte, de donner une tonalité et réflexion écologique, qui est dans les déterminants fondamentaux de notre démarche. Cela peut-être avec plus d’acuité et de déterminisme que par le passé, et puis le bien-être. Nous les Souiris, nous voulons que toutes ces fées que nous invitons dans notre cité, à la fois pour nous inspirer, nous guider et nous protéger, ne soient pas une posture. Essaouira est dans la légitimité et le vrai.
Ce monde de demain peut commencer à Essaouira. Vous parlez d’écologie, de bien-être, de culture, tout ce qu’Essaouira a adopté pour renaître de ses cendres…
Si vous le permettez, je peux même dater ! Un des premiers discours en 1991, dans un stade, à l’époque où nous étions traumatisés, qu’Essaouira soit au bord de la route, laissée pour compte, avait cette dimension-là. Nous avions promis de faire sonner tous les mots que nous avions dans la bouche pour que l’on puisse nous entendre. J’avais dit que la renaissance d’Essaouira se ferait à partir de quelque postulat : de ne rien demander à personne et de faire avec ce que l’on a. Avant le protectorat, jusqu’aux débuts des années 90, personne n’avait rien donné à Essaouira. Nous voulions mettre en avant ce qui nous appartient et que personne ne peut nous prendre. Ce qui nous appartient ce sont chacune de ces vieilles pierres, que nous voulions faire parler. L’histoire d’Essaouira a toujours été ancrée dans une modernité. Nous avons été Phéniciens, Carthaginois, Romains, Européens, Berbères, Juifs, Arabo-Musulmans. Nous avons choisi de les additionner et de ne rien oublier. Dans ce récit souiri que nous avons choisi de reconstituer, il y a cette convergence, et cette richesse dans l’addition et non pas dans la soustraction ou dans la fracture. Et puis avons ajouté la culture dans toute ses expressions. Tout est parti de là. Et plus récemment, la période hippie très riche a donné une emprunte à Essaouira. Tout cela a donné une impulsion à une stratégie de développement durable de la ville, spontanément. Une décision qui a suscité beaucoup de doutes, à l’époque. Pour pouvoir être légitime dans ces espaces de culture et de patrimoine, il ne faut pas trahir. Il faut respecter, comprendre et partager. Le tourisme de demain sera celui de l’écologie, de la culture, du bien-être. Nous n’avions pas attendu 2020 pour réaliser tout cela.
Comment va actuellement Essaouira, ville qui repose sur le tourisme, la culture, des secteurs touchés par la crise ?
Essaouira a choisi de ne pas lâcher prise. Nous sommes prêts, le doigt sur le levier de commande. Les Souiris se sentent à la fois rassurés par cette feuille de route, avec une résilience plus forte puisque nous nous projettons dans l’après, nous nous préparons plus que cela, nous sommes prêts.
Les Souiris ont choisi de se prendre en main. Nous sommes prêts avec ce programme, qui sera dans le cadre réglementaire et sanitaire du moment.
Jihane Bougrine
Les Inspirations ÉCO