Télécoms : deuxième réduction des tarifs d’interconnexion depuis le début de l’année !
Le marché télécoms enregistre, pour la troisième fois consécutive depuis décembre 2020, des offres plus généreuses sur le marché de la Voix. Comment cela est-il possible ? Et pourquoi ?
Suite à la dernière baisse des tarifs d’interconnexion entre les trois opérateurs globaux, entrée en vigueur le 1er janvier 2022, Maroc Telecom, Orange Maroc et Inwi baissent, pour la deuxième fois consécutive, leurs tarifs sur la terminaison Voix, et ce depuis le 1er avril.
C’est ce que révèle la dernière communication de l’Agence nationale de réglementation des télécommunications (ANRT), publiée au Bulletin officiel n°7084. L’agence y présente les détails de sa décision définissant les modalités de décroissance des tarifs d’interconnexion dans les réseaux fixe, de «nouvelle génération» et mobiles, de Maroc Telecom, Orange Maroc et Inwi.
En effet, l’ANRT a mis en place un encadrement pluriannuel des tarifs de terminaisons d’appel Mobile et Fixe, et ce, sur trois étapes couvrant la période allant de 2020 à 2022. À l’issue de cette période d’encadrement, une baisse cumulée moyenne de 65% devrait être enregistrée chez les trois opérateurs télécoms.
Les analyses du régulateur motivant la décision
Les analyses actualisées menées par l’ANRT font ressortir plusieurs constats. Premièrement, les baisses des terminaisons d’appel, opérées en 2020 et 2021, n’ont permis aucune augmentation des trafics sortants du mobile, qui aurait pu être de nature à compenser cette baisse et impacter favorablement les chiffres d’affaires de l’interconnexion. Cela s’explique par le recours aux applications de type OTT (Over The Top), notamment WhatsApp, Telegram, Signal, Facebook, FaceTime…
Deuxièmement, la persistance de l’impact des parcs et de l’effet de club sur la répartition du trafic On-Net, comparé au trafic OffNet, en faveur essentiellement de l’opérateur historique. Troisième constat, la persistance de certains déséquilibres qui risquerait d’impacter certains opérateurs en cas d’application des scénarii de baisse des terminaisons d’appel. Quatrièmement, le levier de «la symétrie/asymétrie» des terminaisons d’appel est adopté par les régulateurs à chaque fois que le contexte et les circonstances du marché l’exigent.
À ce titre, l’ANRT rappelle que l’opérateur historique a bénéficié, durant une longue période, d’une symétrie tarifaire avec des tarifs supérieurs à ses coûts, ce qui lui a permis de tirer des avantages significatifs des balances d’interconnexion, tant en termes de revenus que de résultats.
Le dernier constat est qu’à l’instar des meilleures pratiques internationales, les baisses préconisées par les scénarii proposés pour la terminaison d’appel fixe devraient être maintenues, notamment pour permettre la généralisation de la commercialisation, par les opérateurs, des offres d’abondance fixe et ce, dans des conditions économiques viables et qui pourraient être de nature à limiter la baisse constatée des trafics sur le segment du fixe.
Dans les coulisses
En application de la décision ANRT/DG/N°14/20 susvisée, l’ANRT a lancé une consultation auprès d’Itissalat Al-Maghrib (IAM), Medi Telecom (Orange) et Wana Corporate (Inwi) en vue de recueillir leurs commentaires et propositions quant aux niveaux des terminaisons d’appel (TA) à retenir à l’horizon 2027, tenant compte des résultats de la 1re phase de l’étude portant sur les coûts incrémentaux de long terme (CILT), menée par l’ANRT avec l’assistance d’un bureau d’étude spécialisé et en collaboration avec les opérateurs précités.
Plusieurs scénarii, élaborés compte tenu des hypothèses, ont été partagés avec les opérateurs, établies entre 2018 et 2020. Sur la base des avis reçus et arguments avancés par chaque opérateur, il ressort de cette consultation une divergence des positions au sujet du scénario à retenir pour l’évolution des terminaisons d’appel mobiles.
Ainsi, certains opérateurs ont évoqué le risque que pourrait engendrer les baisses envisagées des terminaisons d’appel mobiles sur leurs chiffres d’affaires respectifs et leurs situations. Un opérateur a recommandé d’adapter les niveaux annuels des baisses des terminaisons d’appel et de limiter leurs trajectoires à 2024. Un autre opérateur a estimé qu’il devient important de réduire l’asymétrie dont bénéficie les autres opérateurs, voire de l’annuler estimant qu’elle impacterait ses résultats.
Pour l’ANRT, il est à préciser que compte tenu des hypothèses actualisées et en l’absence d’une forte élasticité des trafics d’interconnexion échangés, les estimations révisées laisseraient apparaître, dès la première année, une baisse conséquente de la valeur globale du marché, qui risquerait de ne pas être compensée par les revenus d’autres services.
Objectif : dynamiser la concurrence sur le marché
En baissant les tarifs d’interconnexion, l’ANRT espère dynamiser la concurrence entre les trois opérateurs télécoms, en suscitant le lancement d’offres plus compétitives et plus généreuses, notamment sur la terminaison voix.
Selon l’ANRT, cette décision est due au fait que les niveaux des tarifs d’interconnexion appliqués au Maroc seraient supérieurs (+42% en ce qui concerne les réseaux mobiles) à la moyenne observée dans les pays européens. En outre, le segment voix nécessite de nouvelles actions afin d’être redynamisé, étant donné qu’il a connu des baisses au niveau des trafics voix en raison du recours à des applications alternatives.
Modeste Kouamé / Les Inspirations ÉCO