Télécommunications : la 5G ouvre une nouvelle ère de compétitivité

À l’aube du lancement de la 5G, prévu en novembre 2025, le secteur des télécoms se prépare à une transformation de grande ampleur. Cette évolution technologique, adossée à la stratégie Maroc Digital 2030 et accélérée par les grands rendez-vous sportifs, pourrait générer jusqu’à 6 milliards de dollars d’ici 2030. Mais derrière la croissance se profilent aussi des défis majeurs, entre intensité concurrentielle, besoins d’investissements colossaux et adaptation réglementaire.
À l’approche du lancement de la 5G prévu pour novembre 2025, le secteur des télécommunications se trouve à un moment charnière de son développement, selon la note sectorielle INSIGHT sur le secteur, de BMCE Capital Global Research. La synchronisation de cette avancée avec la Coupe d’Afrique des Nations reflète une volonté politique et économique d’arrimer la modernisation numérique du Royaume à des événements d’envergure internationale. Derrière cette échéance se joue bien plus qu’un simple saut technologique, c’est toute une dynamique de transformation structurelle qui se dessine.
Un marché mûr et très concurrentiel
Le Maroc compte près de 57,4 millions d’abonnés mobiles au premier trimestre 2025, pour un taux de pénétration exceptionnel de 155,8%. Trois acteurs se partagent ce marché à parts presque égales :
Medi Telecom (34,1%), Inwi (33,2%) et Maroc Telecom (32,6%). Cette situation traduit un niveau de concurrence rare sur le continent, renforcé par l’action de l’ANRT, le régulateur, qui a imposé des règles favorisant l’équilibre et sanctionné sévèrement les abus de position dominante.
Maroc Telecom, bien que leader historique, voit ses parts s’éroder au profit de ses challengers. Sur l’internet fixe et mobile, la même tendance se dessine. Maroc Telecom conserve un rôle prépondérant mais recule, notamment sur l’ADSL et l’internet mobile, où la 4G représente désormais 92,3% du parc. Cette bascule vers le très haut débit est appelée à s’accélérer avec la 5G et le déploiement de la fibre. La CAN 2025 et la Coupe du monde 2030 constituent des catalyseurs majeurs pour les télécoms.
La FIFA exige des standards élevés de connectivité et de fiabilité, ce qui oblige le Maroc à investir massivement dans ses infrastructures. L’ANRT a d’ailleurs lancé en juillet 2025 un appel à concurrence pour les licences 5G, évalué à 2,1 milliards de dirhams pour l’ensemble des opérateurs. Les obligations portent sur la couverture des zones rurales, la qualité de service et la cybersécurité.
Cette dynamique s’inscrit dans le cadre de la stratégie Maroc Digital 2030, qui prévoit une couverture 5G de huit grandes villes et de leurs aéroports dès novembre 2025, 25% de la population d’ici fin 2026 et 70% d’ici 2030. Les premiers déploiements utiliseront la technologie NSA (Non-stand alone), moins coûteuse car adossée au réseau 4G existant, avant de migrer progressivement vers la SA (Stand alone), plus performante mais plus lourde en investissements.
Face à ces enjeux, chaque opérateur ajuste sa stratégie. Maroc Telecom mise sur son intégration verticale et sa présence panafricaine à travers Moov Africa, qui regroupe la moitié de ses 79,3 millions de clients et 45% de ses revenus. Inwi et IAM ont conclu en 2025 un partenariat structurant avec la création de deux coentreprises, Uni Fiber et Uni Tower, destinées à mutualiser les infrastructures passives.
Orange Maroc, adossé au groupe français et à des investisseurs institutionnels marocains (CDG et O Capital), capitalise sur cet ancrage hybride pour renforcer son positionnement. Ces alliances traduisent une prise de conscience, seule une mutualisation partielle des infrastructures permettra de répondre aux besoins colossaux en fibre et en 5G dans les délais imposés par l’organisation de la Coupe du monde.
Les défis du mobile payment et des services digitaux
Au-delà des infrastructures, le secteur fait face à un défi d’adoption. Le paiement mobile, bien que techniquement au point, reste en deçà de son potentiel. En 2024, on recensait 13,7 millions de portefeuilles électroniques actifs (+32% en un an), pour des transactions totalisant 3,9 milliards de dirhams. Mais la confiance des consommateurs, l’interopérabilité et la prédominance du cash freinent encore son essor. À l’horizon 2030, une adoption plus massive pourrait pourtant porter ces flux à plusieurs dizaines de milliards.
Parallèlement, l’ouverture aux opérateurs mobiles virtuels (MVNO), les rapprochements avec le secteur bancaire et la diversification des contenus digitaux (streaming, gaming, e-sport) sont identifiés comme des relais de croissance. BKGR estime que ces leviers pourraient générer entre 4 et 5,5 milliards de dirhams de revenus additionnels annuels d’ici 2030, soit 10 à 15% du marché data, et améliorer la marge sectorielle de 1,5 à 2 points.
La trajectoire du secteur repose sur une équation complexe de maintenir une concurrence équilibrée, supprimer progressivement les mesures de régulation asymétriques devenues obsolètes, financer des investissements colossaux, et innover pour créer de nouveaux relais de croissance. Si ces conditions sont réunies, la 5G pourrait contribuer pour 4 à 6 milliards de dollars au PIB marocain d’ici 2030. En somme, le marché télécoms entre dans une phase de recomposition profonde.
La 5G agit comme un révélateur de ses forces et de ses fragilités, à savoir une concurrence vive, un potentiel d’innovation considérable, mais aussi des défis structurels à surmonter pour transformer l’essai et faire des télécommunications un moteur durable de la transformation numérique du pays.
Sanae Raqui / Les Inspirations ÉCO