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Taux : le marché joue la baisse avant l’heure

À quelques jours de la réunion décisive de Bank Al-Maghrib, le marché obligataire s’ajuste déjà à un scénario de détente monétaire. Les taux courts décrochent nettement, anticipant une baisse imminente du taux directeur, tandis que les taux longs se montrent plus hésitants.

À quelques jours du Conseil de Bank Al-Maghrib, le marché obligataire donne un avant-goût de l’assouplissement monétaire attendu par les investisseurs. La baisse marquée des rendements sur le court terme, notamment sur les maturités à treize semaines et un an, témoigne de la conviction croissante que la Banque centrale devrait acter, dès le 24 juin, un mouvement de détente.

En même temps, les taux longs se tendent légèrement, traduisant une prudence persistante face aux incertitudes inflationnistes internationales. Cette dissymétrie sur la courbe reflète un positionnement stratégique des investisseurs, désormais tournés vers un scénario de baisse imminente du taux directeur.

La respiration de la liquidité redonne de l’élan
Dans sa note hebdomadaire sur le marché monétaire, BMCE Capital Global Research (BKGR), le déficit de liquidité bancaire moyen s’est contracté de 2,18% pour revenir à 124 milliards de dirhams, tandis que les avances à sept jours de BAM ont diminué à 48,6 milliards.

Le Trésor, de son côté, a profité de la fenêtre pour placer jusqu’à 12,9 milliards en overnight, soulageant encore la pression sur les réserves des banques. Le TMP reste ainsi ancré à 2,25% et le MONIA glisse à 2,205%. Cette accalmie nourrit un appétit renouvelé pour le cash, condition nécessaire à la détente obligataire.

Le Trésor refinance à moindre coût
Sur le primaire, la dernière adjudication montre à quel point la perception du risque souverain s’est améliorée. Le Trésor n’a retenu que 3,52 milliards de dirhams sur 4,12 milliards proposés, mais à des conditions qu’il n’avait plus obtenues depuis quinze mois, avec une baisse de 12 pbs sur la ligne treize semaines (1,83%), une régression de 0,2 pbs sur la ligne un an, et à peine une hausse de 4 pbs sur la ligne deux ans, malgré une demande soutenue. Les investisseurs privilégient désormais les maturités les plus courtes, gage d’une duration modeste juste avant le rendez-vous de politique monétaire.

Rally court terme, frémissements long terme
La réaction sur le secondaire est encore plus spectaculaire. En une semaine, le rendement treize semaines s’est contracté de 34 pbs, l’échéance un an de 16 pbs et la ligne deux ans de 15 pbs. À l’inverse, les cinq, dix et quinze ans se sont tendus de 5 à 6 pbs, illustrant un arbitrage qui concentre le «trade du carry» sur le très court terme.

Le marché anticipe que la baisse du taux directeur sera répercutée rapidement sur le TMP, mais s’interroge sur la pente à moyen terme si les tensions commerciales et le regain des cours de matières premières venaient à ranimer l’inflation mondiale.

Un pari sur BAM, pas sur la conjoncture internationale
BKGR rappelle d’ailleurs que «les développements à l’international font peser de nouveaux risques inflationnistes qui pourraient éventuellement toucher le Maroc via les importations». Le positionnement actuel reste donc tactique, profiter de la portance quasi-mécanique qu’apporterait un easing, sans s’exposer au risque d’un retournement durable de la tendance désinflationniste.

Quelles stratégies pour les portefeuilles ?
Pour les investisseurs institutionnels, la fenêtre est idéale pour renforcer les expositions sur le segment trois à six mois, où le rendement réel devrait rester positif même après la coupe de BAM. Les banques disposent, elles, d’un levier supplémentaire pour améliorer leur marge d’intérêt, la courbe courte offrant un spread suffisant par rapport au coût moyen des ressources.

En revanche, sur les maturités longues, la prudence s’impose : la légère pente haussière retrouvée cette semaine pourrait encore s’accentuer si le marché réévalue à la hausse la prime de terme post-décision.

Une séquence charnière
Au-delà de la micro-dynamique hebdomadaire, le mouvement en cours témoigne d’une bascule plus profonde :
le cycle de resserrement exceptionnel-mais court vécu en 2023-2024 cède déjà la place à un cycle de normalisation qui devrait ramener le taux directeur vers 2% d’ici le premier semestre 2026.

Dans ce contexte, l’État se refinance à moindre coût, les banques consolident leur bilan, et les entreprises pourraient retrouver un crédit domestique plus fluide. Mais la véritable inconnue reste l’inflation importée ; tant que le baril et les denrées agricoles resteront contenus, la courbe pourrait s’aplatir encore. Dans le cas contraire, la partie longue se rappellera vite au bon souvenir des investisseurs.

En attendant le verdict
À moins d’un choc exogène majeur, le pari de marché semble donc joué, BAM devrait acter une première détente de 25 pbs, ouvrant une ère de taux réels faiblement positifs et de portage attractif sur le très court terme. Le rally CT observé cette semaine en serait la bande-annonce. La séance du 24 juin éclairera définitivement la trajectoire, pour l’heure, la courbe a déjà fait un pas vers l’ère du post-resserrement.

Sanae Raqui / Les Inspirations ÉCO



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