Révolution numérique : les entreprises marocaines à l’heure de l’intelligence artificielle
L’intelligence artificielle (IA) a le potentiel de transformer et d’optimiser de nombreux processus d’entreprise, offrant des avantages significatifs en termes de performance, d’efficacité et de prise de décision. Cela représente une véritable révolution dans de nombreux secteurs, de la banque aux télécoms. Le Cercle des ÉCO, organisé par le Groupe Horizon Press, en partenariat avec Orange Maroc, a réuni une poignée d’experts pour débattre de l’IA en tant que levier de croissance pour l’entreprise marocaine.
En l’espace de quelques mois seulement, l’Intelligence artificielle est montée dans le classement des priorités stratégiques des entreprises. La performance, le gain de temps et tous les autres avantages permis par cette technologie captent l’attention de la sphère économique, où l’on commence déjà à rivaliser d’inventivité pour exploiter le maximum de potentialités possibles. Afin de se pencher sur cette nouvelle révolution numérique et d’explorer les champs d’exploitation et limites de l’intelligence artificielle, le Cercle des ÉCO a dédié sa première table ronde de la rentrée à ce sujet.
Organisée en partenariat avec Orange Maroc, ce nouveau rendez-vous a ainsi porté sur le thème «Révolution numérique : Les entreprises marocaines à l’heure de l’intelligence artificielle». Modérée par Meriem Allam, directrice de publication du journal Les Inspirations ÉCO, la rencontre a accueilli un panel d’experts en la matière: Maha Gmira, experte en stratégie d’Intelligence artificielle auprès des Nations Unies pour le développement, Mohamed Benali, chief technology and information officer chez Orange Maroc, Zouhair Lakhdissi, chief executive Dial technologies et fondateur AI Crafters, Adil Lachhab, directeur du pôle Digital & Data groupe chez Bank of Africa et Aziz Knina, vice-président trésorier général de l’Association des utilisateurs des systèmes d’information au Maroc (AUSIM).
L’Intelligence artificielle, quésaco ?
Comment l’Intelligence artificielle (IA) peut-elle booster la productivité, optimiser les process et faire évoluer les services ? Mais d’abord, que peut-on qualifier comme étant de l’IA ? Dès l’entame du débat, Maha Gmira a clairement indiqué qu’«il n’existe aucun consensus sur la définition de l’IA». Cependant, l’experte qui a beaucoup travaillé sur ce sujet, décrit l’IA comme étant la capacité d’une machine à accomplir des tâches humaines. En d’autres termes, lorsqu’un algorithme ou une machine a l’aptitude d’effectuer les mêmes actions qu’un être humain, on peut qualifier cela d’IA.
De plus, l’une des caractéristiques essentielles de l’IA est sa faculté à apprendre et à parvenir progressivement à reproduire les compétences humaines. Mohamed Benali, chief technology and information officer chez Orange Maroc, ajoute que «pour qu’un programme informatique puisse être considéré comme de l’IA, il doit avoir la capacité d’apprentissage, contrairement à ceux dont les paramètres sont statiques».
De son côté, Adil Lachhab, directeur du pôle Digital & Data au sein du Groupe Bank of Africa, estime impératif de considérer que l’IA et les données sont étroitement liées. Il souligne que «les données sont essentielles pour l’IA. De nos jours, nous disposons d’algorithmes capables de prédire ou de traiter de grandes quantités de données, et de prendre des décisions».
En effet, la puissance de l’IA réside dans sa capacité à traiter des quantités massives de données, une tâche impossible pour d’autres processus informatiques. Elle peut apprendre et améliorer progressivement ses capacités au fil du temps, en fournissant des solutions grâce à l’analyse des données. Aziz Knina, vice-président trésorier général de l’AUSIM, reste sceptique quant à la capacité de l’IA à prendre des décisions, en précisant qu’elle est davantage un outil d’aide à la décision. Il ajoute que «l’être humain doit toujours conserver le contrôle dans ce domaine. Le système d’intelligence artificielle n’est pas déterministe, contrairement à la programmation traditionnelle qui suit un cheminement précis d’un point A à un point B». Il se caractérise davantage par la génération et la création de nouvelles données en fonction des informations initiales qui lui sont fournies. Pour Zouhair Lakhdissi, il existe deux principales approches en intelligence artificielle. La première, traditionnelle, repose sur l’algorithmique, la logique et le raisonnement. La deuxième approche, la plus répandue, est centrée sur les données et est qualifiée d’IA expérientielle.
L’apport de l’IA pour la performance de l’entreprise
Pour une entreprise, l’adoption de l’IA offre plusieurs perspectives. Actuellement, l’une de ces perspectives, souvent négligée mais d’une importance cruciale, concerne les outils. Cette perspective est comparée à l’avènement de l’informatique, lorsque l’utilisation de suites logicielles telles qu’Office, Google ou Gmail, a marqué le début de la transition vers l’ère numérique. Zouhair Lakhdissi explique que la société est désormais témoin d’une ère «d’IAisation».
Au cours de ce processus, les individus commenceront progressivement à intégrer l’IA dans leur routine quotidienne. Au lieu de se tourner systématiquement vers Google pour effectuer des recherches, ils pourraient opter pour des outils tels que ChatGPT, Bing, Bard, ou d’autres systèmes de type LLM. À l’avenir, les utilisateurs délaisseront les outils de bureau traditionnels au profit d’applications enrichies par l’IA, comme Canva, Office, Photoshop, ainsi que de nouvelles applications innovantes qui émergent actuellement.
Cette évolution marque une transition significative vers une utilisation plus répandue de l’IA dans notre vie quotidienne, transformant la manière dont nous interagissons avec la technologie. Il est important de noter que ce changement de mentalité s’applique également aux dirigeants et aux collaborateurs au sein des entreprises. Effectivement, le chemin de la conception à l’innovation n’a jamais été aussi rapide.
Zouhair Lakhdissi affirme que «l’IA offre aux entreprises une opportunité considérable pour expérimenter, créer de nouveaux produits et innover. En fin de compte, l’automatisation des tâches, l’exploitation des données, voire l’innovation, jouent un rôle essentiel dans l’amélioration de l’efficacité de l’entreprise».
Ce processus d’automatisation peut être segmenté en différents niveaux. Le premier niveau, de base, permet d’augmenter la productivité à court terme de 10 à 30%. Le niveau d’automatisation plus avancé, qui intègre l’IA, permet, quant à lui, d’automatiser des tâches chronophages. Il existe également deux autres niveaux cruciaux : le niveau des données et celui de l’innovation, qui ont le potentiel de transformer profondément l’entreprise, en entraînant des gains de productivité allant jusqu’à 200 à 300%. Avec une telle amélioration de la productivité, il est envisageable que l’IA puisse concerner l’ensemble des processus d’une entreprise, à l’avenir.
Dans ce contexte, le chief technology and information officer d’Orange Maroc souligne que l’introduction de l’IA dépend fortement de la valeur qu’elle peut apporter. Dans le secteur des télécommunications, de nombreux processus sont déjà développés grâce à l’IA. Cela inclut, notamment, l’amélioration de l’intelligence des réseaux, qui permet de prédire les pannes et d’anticiper pour améliorer la qualité et l’expérience client dès la phase de construction. De plus, l’IA est utilisée pour guider les investissements et garantir une satisfaction client maximale. Il ajoute : «Ce type d’actions est déjà intégré dans nos solutions.» Le chief technology and information officer d’Orange Maroc souligne l’importance cruciale de la valeur lorsqu’il s’agit d’introduire l’IA.
Dans le secteur des télécommunications, l’IA a engendré de nombreux développements – en particulier dans le domaine des réseaux – qui sont devenus de plus en plus intelligents. Ces réseaux disposent désormais de ressources accrues pour anticiper les pannes, prévoir les problèmes et améliorer ainsi la qualité du service et l’expérience client. Il explique que «l’IA est utilisée pour guider les investissements en vue de maximiser la satisfaction du client. Il est à noter que de telles initiatives sont déjà pleinement intégrées dans nos solutions, renforçant ainsi notre engagement envers l’amélioration continue de la qualité des services que nous offrons à nos clients». L’intelligence artificielle joue désormais un rôle central dans l’amélioration des performances, l’optimisation des processus, l’automatisation, la génération de données, l’aide à la prise de décision et le renforcement de la sécurité. En d’autres termes, l’IA traverse désormais l’ensemble des processus de l’entreprise.
L’IA, un atout pour le secteur bancaire
Dans le secteur bancaire, l’adoption de l’IA est aussi devenue incontournable. Ce secteur gère d’énormes volumes de données, qui sont analysés à l’aide d’algorithmes sophistiqués. Actuellement, Bank of Africa, grâce à ses processus basés sur l’IA, est en mesure de prédire le comportement de ses clients et d’anticiper leurs actions. Ces algorithmes peuvent scruter divers signaux pour évaluer la probabilité qu’un client décide de fermer son compte. Le directeur du pôle Digital & Data Groupe de Bank of Africa explique que «nous étudions le comportement de nos clients à travers plusieurs indicateurs. Par exemple, nous pouvons détecter si un client change son lieu de domiciliation bancaire, annule une carte de crédit, ou réduit considérablement ses transactions».
Cette approche proactive a donné des résultats remarquables. Les chargés de compte peuvent intervenir avant qu’un client ne prenne une décision défavorable, ce qui renforce la satisfaction client. L’IA est également utilisée pour la pré-attribution de crédit. Les algorithmes analysent une vaste base de clients et déterminent quels clients sont éligibles à un crédit sans nécessiter un examen manuel de chaque dossier.
Cette automatisation est particulièrement précieuse, en particulier lors du traitement d’un grand nombre de clients. Un des domaines les plus cruciaux de l’utilisation de l’IA est, par ailleurs, la détection de la fraude. La banque dispose d’algorithmes dédiés à cette tâche. Ils surveillent en permanence les données à la recherche de signes de transactions suspectes. Lorsqu’une transaction est identifiée comme potentiellement frauduleuse, elle est signalée, permettant ainsi une intervention rapide pour minimiser les pertes.
L’IA est encore peu développée dans des secteurs clés de l’économie
Maha Gmira affirme que d’autres secteurs, en dehors des télécommunications et des banques, pourraient grandement améliorer leurs performances grâce à l’adoption de l’IA. L’un de ces domaines est l’éducation, où l’IA peut jouer un rôle crucial en matière d’inclusion, et ce, en élargissant l’accès à l’éducation. Elle peut également créer une valeur significative en fournissant une quantité considérable d’informations précieuses pour l’apprentissage.
Elle estime que dans le secteur des énergies renouvelables, l’IA est actuellement sous-exploitée, alors qu’elle pourrait apporter une contribution importante aux domaines tels que les bâtiments écologiques, les réseaux électriques intelligents (Smart grids) et les énergies renouvelables en général. Son impact peut se faire sentir à la fois dans la gestion de la consommation et dans l’optimisation des processus dans les centrales. Un autre secteur clé pour l’application de l’IA est l’agriculture. Bien que certains pays de la région du Moyen-Orient aient déjà adopté des solutions dans ce secteur, il existe encore un potentiel inexploité. Des centres de recherche travaillent activement sur le développement de solutions pour les acteurs locaux. L’IA peut jouer un rôle essentiel dans l’amélioration de l’efficacité de l’agriculture et dans la résolution des défis auxquels ce secteur est confronté au Maroc.
Les Inspirations ÉCO