Pacte Maroc Digital : les propositions du secteur privé
Le 11 septembre dernier, Moulay Hafid Elalamy, ministre de l’Industrie, du commerce et de l’économie verte et numérique, a rencontré à Casablanca les acteurs de l’écosystème digital pour recueillir leurs propositions dans le cadre de la stratégie nationale y afférente. Ceux-ci ont présenté les grandes lignes de leur vision pour le Pacte Maroc digital.
La crise de la Covid-19 a fait émerger plusieurs constats forts relatifs aux services publics au Maroc. Elle a également confirmé la pertinence de l’orientation numérique des procédures administratives et de leur simplification. Depuis l’avènement de la crise sanitaire, les technologies digitales ont permis la continuité opérationnelle de l’administration. Des institutions entières se sont mises au digital, notamment le Parlement et la Commission nationale de contrôle de la protection des données à caractère personnel (CNDP). Pour les professionnels des nouvelles technologies, la mise à niveau digitale doit se faire en profondeur.
«Nous estimons que la transformation digitale de l’administration, des services publics et des services essentiels est une question de souveraineté nationale et constitue à la fois une nécessité stratégique, un prérequis mais aussi un levier pour une croissance durable au Maroc. Il est donc impératif pour l’État de mettre en place et d’accélérer sa transformation digitale», soutiennent les entreprises du secteur.
Pour ce faire, la digitalisation doit toucher l’ensemble des processus de l’État, notamment les services aux citoyens et aux entreprises, les services régaliens, les processus opérationnels de l’État, les ressources humaines et les relations inter-services. L’administration et les services publics doivent être forts, centrés sur les citoyens et les entreprises, et permettre d’augmenter l’efficacité du Maroc. L’un des enjeux de la transformation digitale de l’administration et des services publics est de renforcer le positionnement du pays à l’échelle internationale tout en améliorant son attractivité internationale.
Pour une relance pérenne de l’économie marocaine, les acteurs du digital proposent des mesures fortes, basées sur une logique «Digital First», ou encore l’implémentation en six mois d’un plan de transformation digitale pour chaque administration, la réforme de la commande publique pour le digital. «Nous, secteur du digital au Maroc, nous engageons à mettre à la disposition de l’État nos compétences et expertises. Nous accompagnerons l’État dans la mise en place d’un indice de maturité digitale transparent. Pour nous aligner sur les services de l’État, nous accélérons notre propre transformation digitale. Pour finir, nous participerons à l’effort d’identification de ces applications essentielles», soutient le collectif dans un document de réflexion dont les Inspirations ÉCO détient copie en exclusivité.
Pour soutenir et accélérer la transformation digitale de l’administration, des services publics et services essentiels, le collectif propose l’adoption en urgence de mesures fortes et opérationnalisables rapidement. À savoir que les nouveaux décrets, les nouvelles lois, réglementations, circulaires, directives… devraient être conçus dans un esprit de mise en œuvre digitale totale par défaut. Le digital doit être priorisé comme seul moyen de mise en œuvre. De plus, tout blocage éventuel lié à l’interopérabilité avec un autre service non digitalisé doit faire l’objet d’une feuille de route de conformité digitale assortie d’un délai. Chaque administration, institution de service public ou conseil régional doit se doter, durant les six prochains mois, de son plan stratégique de transformation digitale. Ce plan doit contenir au moins une application ou un système dont l’impact national sur les citoyens est majeur. L’État devra imposer que ses administrations n’exigent plus des citoyens de se déplacer pour fournir des documents émis par une autre administration. En outre, l’octroi du budget IT de chaque administration doit être conditionné par la présentation de ce plan. L’évolution annuelle de ce budget dépendra de la maturité digitale de l’administration. Pour prendre en compte les spécificités du marché digital, le collectif des acteurs du secteur propose de réformer le paradigme de la commande publique en instaurant des schémas de co-construction avec l’écosystème d’innovation, en mettant en place de nouveaux modèles de partenariat public-privé pour gérer des actifs gouvernementaux et en modernisant le guide des marchés publics.
Pour veiller au respect de ces dispositifs et à leur cohérence globale, l’Agence de développement du digital (ADD) devra accompagner l’État dans la mise en œuvre de ces mesures. Pour les opérateurs du secteur, la transformation digitale de notre administration nécessite une gouvernance centralisée forte pour veiller à la cohérence des actions entreprises par les différentes administrations et services publics. Il est à souligner que ces mesures convergent avec la note d’orientation du gouvernement sur les volets innovation, éducation, brand et compétitivité économique des entreprises et de l’administration.
Méga-potentiel
Le digital n’a révélé qu’une partie de son potentiel, ne serait-ce que pour assurer la continuité opérationnelle de l’État. Des services digitaux ont été développés et surtout adoptés en un temps record : bureau d’ordre digital, Wiqaytna… ce qui démontre l’agilité de nos capacités d’innovation et, surtout, de résilience et d’adoption. Ce qui était inenvisageable hier a pu être mis en place en un temps record, notamment l’école à domicile, les jugements à distance, la facturation digitale et l’ouverture des marchés publics. Plusieurs administrations ont eu recours à des solutions digitales ; elles devraient poursuivre et accélérer leur transformation. Malgré ces réalisations, la crise a mis en relief des zones d’ombre et des difficultés. La majorité des administrations marocaines, de toutes tailles, ont été surprises par cette crise sans précédent ; plusieurs n’étaient pas préparées et n’avaient pas nécessairement les moyens d’y répondre efficacement, contrairement à celles qui avaient déjà entamé leur transition digitale. C’est dans ce contexte qu’en septembre dernier, Moulay Hafid Elalamy, ministre de l’Industrie, du commerce et de l’économie verte et numérique, a rencontré à Casablanca les acteurs de l’écosystème pour recueillir leurs propositions dans le cadre de la stratégie nationale digitale. Répondant à l’appel du ministre à contribuer à l’accélération du développement digital en cette période de relance post-Covid-19, ceux-ci ont présenté leurs propositions pour la mise en œuvre de la stratégie nationale visant à renforcer le développement du secteur. Plusieurs mesures concrètes de projets, fruits d’un travail collaboratif du collectif constitué de la Fédération des technologies de l’information, des télécommunications et de l’offshoring (APEBI), de l’Association des utilisateurs des systèmes d’information au Maroc (AUSIM), Maroc Numeric Cluster (MNC) et Moroccan Start-up Ecosystem Catalysts (MSEC), ont été présentées.
Le Maroc en tant que «hub digital régional et continental»
Le royaume a élaboré une stratégie d’accélération du développement du digital visant à se positionner en tant que hub digital régional et continental. Cette stratégie, dont les principales lignes ont été présentées par le ministre lors de la réunion tenue par le Comité national de l’environnement des affaires (CNEA) le 23 juin dernier, porte essentiellement sur l’accompagnement des acteurs du digital (auto-entrepreneurs, startups, TPME) et l’accélération de la digitalisation des administrations au service du citoyen. Cette feuille de route vise également à stimuler la création d’emplois par le développement des compétences dans les métiers du digital, ou encore l’amélioration de la gouvernance du secteur et le renforcement de la souveraineté numérique.
Modeste Kouame / Les Inspirations Éco