Modèle de développement. La société civile a besoin d’un coup de pouce
La vulnérabilité des associations déteint sur leur contribution au développement. Plusieurs dysfonctionnements freinent l’action associative : un cadre juridique désuet, un système fiscal contraignant, l’absence d’un système national de formation, l’absence d’une relation de coopération avec les élus…
La contribution de la société civile dans le Produit intérieur brut (PIB) ne dépasse pas 1% alors que le secteur regorge de potentialités. On s’attend à ce que le nouveau modèle de développement auquel aspire le Maroc permette de lutter contre les dysfonctionnements qui freinent l’évolution de la société civile en vue de booster sa participation dans le développement du pays. Le ministre chargé des Relations avec le Parlement et la société civile, Mustapha El Khalfi vient d’énumérer les maux du secteur associatif lors d’une rencontre organisée hier à Rabat sur la contribution de la société civile dans l’élaboration du nouveau modèle de développement. Il s’agit en premier lieu du cadre juridique qui est désuet et ne répond pas aux besoins des acteurs associatifs. La révision de la législation est une condition sine qua non pour permettre aux associations d’être des acteurs stratégiques dans le développement du pays.
À cet égard, la révision de la législation et l’élaboration de nouveaux textes sont en vue. C’est dans ce cadre d’ailleurs que s’inscrit la révision de la loi encadrant la bienfaisance publique qui remonte à 1971 et organise uniquement l’opération de collecte. Le texte est aujourd’hui entre les mains de la Chambre des conseillers qui est appelée à accélérer la cadence de son adoption. L’Exécutif est aussi très attendu pour combler le vide juridique relatif à plusieurs aspects dont l’élaboration d’une législation spéciale pour les fondations. Contrairement à nombre de pays, la fondation est traitée comme l’association au Maroc. Un autre frein de taille : le système fiscal est partial à l’encontre de l’association. Certes, des avantages sont octroyés aux associations reconnues d’utilité publique mais leur nombre reste très limité.
El Khalfi donne pour exemple une association qui a un programme de lutte contre l’analphabétisme et doit s’acquitter d’un impôt de 30% sur les indemnités des encadrants qui forment les formateurs alors que ce taux est de 17,5% pour un établissement d’enseignement privé à but lucratif qui veut former ses enseignants. Cette injustice fiscale devra être discutée dans le cadre des prochaines assises de la fiscalité. Sur le volet de l’emploi, le diagnostic est inquiétant. Ceux qui travaillent dans les associations sont soumis au Code du travail sans aucune considération spéciale pour ce secteur particulier. Il s’avère aujourd’hui nécessaire de réfléchir à un nouveau système pour booster l’emploi dans la société civile. L’une des requêtes fondamentales a trait à la nécessité d’accélérer la cadence du processus d’adoption du projet de loi sur le volontariat. Aujourd’hui, le volontaire ne bénéficie pas de la protection sociale et la notion du volontariat contractuel n’est pas encore prise en considération par le législateur. L’espoir est de pouvoir atteindre les taux enregistrés sur le plan mondial concernant l’emploi associatif mais le pari est difficile à gagner. Au Maroc, le nombre des salariés dans les associations déclarés à la CNSS ne dépasse pas 20.000 soit un taux 0,2% contre 10% sous d’autres cieux. Sur les 150.000 associations que compte le royaume, uniquement 2.000 associations sont créatrices d’emplois. Une autre contrainte a trait aux moyens financiers. Jusque-là, 80% des ressources financières des associations sont assurées par l’État. La révision du système de financement du secteur permettra de promouvoir l’action associative. Le seul changement en 2019 est relatif à l’amendement introduit par les députés à la Loi de finances permettant à l’ensemble des associations de bénéficier des dons s’inscrivant dans les charges déductibles des entreprises alors qu’auparavant seules étaient concernées les associations d’utilité publique et celles des oeuvres sociales. On s’attend à ce que cet amendement permette de drainer des financements supplémentaires pour les associations et encouragera les entreprises citoyennes à appuyer les initiatives sociales. Cette mesure est louable mais reste insuffisante pour la société civile.
Par ailleurs, l’absence de formation spéciale pour les acteurs de la société civile constitue un frein de taille pour le développement du secteur. Le Maroc n’est pas en effet doté d’un système de formation aux métiers associatifs. Les initiatives dans ce domaine demeurent limitées et insuffisantes pour répondre aux besoins du secteur. Il est aujourd’hui temps de mettre en place des cursus de formation dédiés à l’emploi associatif pour renforcer les compétences des ressources humaines travaillant dans le secteur. Un autre élément est pointé du doigt par Mustapha El Khalfi : l’absence d’une relation de coopération et de complémentarité positive entre les structures de la démocratie représentative et celles de la démocratie participative ; ce qui ne permet pas de promouvoir les associations sur le plan local. Les relations entre les deux parties demeurent toujours tendues. Les élus sont appelés à reconnaître la société civile en tant que partenaire stratégique. Le bilan en matière de démocratie participative reste, jusque-là, très faible. Le nombre des pétitions présentées en 2017 et 2018 demeurent en deçà des aspirations, il ne dépasse pas 70 sur 1.500 collectivités territoriales. Et au niveau du Parlement, aucune pétition n’a été encore déposée. Le défi est de pouvoir donner un coup de fouet aux mécanismes de la démocratie participative pour permettre aux associations d’être une véritable force de proposition pour les politiques publiques et de faire le suivi des actions engagées par les pouvoirs publics.