Hassan Laaziri : “Le venture capital n’est plus une option, c’est un impératif”

Hassan Laaziri
Président de l’Association marocaine des investisseurs en capital (AMIC)
À la tête de l’AMIC, Hassan Laaziri défend une vision structurée et ambitieuse du capital-investissement. Dans un contexte de montée en puissance du secteur, il plaide pour une professionnalisation accrue, un renforcement de la gouvernance et une diversification des leviers de financement, notamment vers le venture capital et la transmission.
Comment l’AMIC évalue-t-elle la capacité actuelle du marché à absorber un volume croissant d’opérations de capital-investissement, notamment dans un contexte de hausse des valorisations ?
Le marché marocain a franchi un cap en matière de maturité. Nous observons une montée en compétence généralisée des équipes de gestion, désormais mieux outillées pour déployer des stratégies d’investissement sophistiquées.
Cette évolution s’accompagne d’un élargissement des cibles sectorielles, avec une appétence croissante pour des domaines à fort levier de transformation — technologie, agro-industrie, transition énergétique. Parallèlement, les opérations sont mieux structurées, plus lisibles pour les investisseurs, ce qui fluidifie le cycle d’investissement.
Toutefois, cette montée en puissance s’inscrit dans un contexte de valorisations en tension, qui appelle à une sélectivité accrue. La discipline dans l’allocation, la rigueur dans la création de valeur opérationnelle et la capacité à accompagner des transformations en profondeur deviennent les piliers d’une performance durable.
L’AMIC accompagne ce mouvement en diffusant activement benchmarks internationaux, études de cas et pratiques d’investissement responsables.
Quelles initiatives l’AMIC met-elle en place pour renforcer la gouvernance et la transparence dans les pratiques des sociétés de gestion ?
La montée en puissance du secteur s’accompagne naturellement d’une diversification des acteurs. Pour que cette dynamique reste saine, l’AMIC a fait de la professionnalisation un axe stratégique. Nous avons révisé en profondeur notre code de déontologie, désormais aligné sur les meilleurs standards internationaux, et renforcé notre offre de formation continue.
Les thématiques abordées — ESG, compliance, gouvernance, alignement d’intérêts — répondent aux exigences actuelles des investisseurs institutionnels.
En parallèle, nous entretenons un dialogue étroit avec l’AMMC et le ministère des Finances pour veiller à l’adéquation du cadre réglementaire aux réalités du terrain. L’ambition est claire : consolider un socle de confiance entre l’ensemble des parties prenantes, tout en élevant le niveau d’exigence du marché.
Le capital-investissement reste historiquement centré sur le growth. Comment accélérer le développement du venture capital et du capital transmission ?
Le développement du venture capital est aujourd’hui un impératif. Grâce à des initiatives structurantes comme celle du Fonds Mohammed VI pour l’Investissement, le financement de l’innovation et des startups entre dans une nouvelle ère.
L’AMIC s’inscrit pleinement dans cette dynamique, en jouant un rôle de catalyseur entre investisseurs, incubateurs, universités et pouvoirs publics. L’enjeu est de bâtir un écosystème robuste, fluide et pérenne. Côté capital transmission, les opportunités sont considérables. Une grande partie du tissu économique marocain repose sur des entreprises familiales arrivées à un moment charnière de leur évolution.
L’AMIC milite activement pour faire de la transmission un levier de modernisation, en mettant en avant les bénéfices en matière de pérennité, d’emplois et de relance post-transmission. Ces opérations doivent devenir un réflexe naturel dans la stratégie de long terme des PME marocaines.
La montée des fonds panafricains opérant au Maroc crée-t-elle une pression concurrentielle sur les acteurs locaux ?
Au contraire, nous voyons cette présence comme une chance. Elle confirme l’attractivité du marché marocain et élargit le spectre des opportunités de financement. Elle oblige aussi les acteurs locaux à s’affirmer davantage, à affiner leur approche, à renforcer leur capacité de sourcing, d’exécution et d’accompagnement stratégique.
Nous œuvrons à transformer cette concurrence en synergie. Nous encourageons les co-investissements, les échanges d’expertise et l’adoption de standards professionnels partagés. Cette ouverture, maîtrisée, participe à positionner le Maroc comme une plateforme régionale crédible et structurée du capital-investissement en Afrique.
Avec l’arrivée à échéance de plusieurs fonds historiques, comment faciliter les sorties tout en préservant l’écosystème ?
La réussite d’un cycle d’investissement se mesure à la qualité de la sortie. Le principe est d’anticiper au maximum les échéances de sortie, et de diversifier leurs stratégies : cessions industrielles, MBO, marchés secondaires, IPO…Chaque entreprise appelle une solution sur mesure.
Nous sommes également engagés dans un dialogue actif avec les autorités pour fluidifier ces processus, en levant certains verrous réglementaires ou fiscaux (possibilité d’introduire en bourse une entreprise détenue majoritairement par des fonds d’investissement, apport de titres, fusion…).
Mais notre philosophie reste constante : une sortie réussie n’est pas une fin en soi, c’est un acte de transmission. Elle doit permettre à l’entreprise de poursuivre son développement, de consolider ses acquis et de continuer à contribuer à l’économie nationale.
Sanae Raqui / Les Inspirations ÉCO