Éco-Business

Maroc Telecom. Les scenarii possibles après la sanction

Le litige qui oppose l’opérateur historique Maroc Telecom à Wana et la sanction record de l’Agence nationale de réglementation des télécommunications (ANRT) tiennent en haleine l’ensemble des opérateurs du marché. BMCE Capital, qui maintient sa recommandation de «conserver» le titre, revoit les paramètres de valorisation et émet plusieurs scenarii en conséquence.

La sanction de 3,3 MMDH, infligée par l’ANRT à Maroc Telecom pour des pratiques anticoncurrentielles, n’a pas tardé à faire des remous dans le marché boursier. En parallèle, le régulateur a émis une série d’injonctions que Maroc Telecom devrait strictement observer dans des délais fixes et sous astreinte journalière (atteignant parfois 4 MDH par jour de retard). Ces injonctions, non encore dévoilées, sont la partie corrective de la décision et auraient pour but de forcer l’opérateur à prendre les mesures nécessaires à l’établissement imminent du libre jeu de la concurrence sur le marché. Il faut dire que toutes les actions menées ou subies par la plus grande capitalisation du marché sont minutieusement scrutées par l’ensemble des investisseurs et professionnels de la place.

Les analystes de BMCE Capital ont tenté d’évaluer l’impact de cette décision sur les comptes de l’opérateur historique ainsi que sur sa politique de distribution de dividendes. À noter qu’en dehors de cette sanction, Maroc Telecom est également poursuivi par Wana Corporate qui réclame une indemnisation de 5,7 MMDH pour les mêmes motifs retenus dans la décision de l’ANRT.

«En effet, cette dernière devrait constituer une jurisprudence donnant la possibilité aux juges de se prononcer en faveur de la filiale du Groupe Al Mada. Cette affaire, qui a été mise en délibéré pour le 24 février 2020 par la juridiction commerciale, risque de peser lourdement sur Maroc Telecom sachant que Méditel aussi pourrait faire valoir les mêmes droits pour les préjudices supposés», remarquent les analystes de BMCE Capital.

Quel impact sur les comptes?
L’impact de cette décision serait-il alors déstabilisant pour les comptes de l’opérateur? Selon BMCE Capital, IAM, «il semblerait qu’en 2018 et au S1 2019, aucune provision n’ait été constatée en prévision de cette sanction, ainsi que de la procédure judiciaire en cours initiée par Wana». Il n’en demeure pas moins que l’opérateur pourrait provisionner au niveau des comptes 2019 en post-clôture et ce, avant la tenue du Conseil d’administration approuvant les résultats y afférents. L’effort de provisionnement devrait concerner la totalité du montant ou partie de la sanction puisque Maroc Telecom affirme ne pas exclure le dépôt d’un recours. Suivant ces éléments, les analystes de BMCE Capital ont émis plusieurs hypothèses.

Dans le cas où le régulateur aurait retenu un montant de 3,3 MMDH, l’opérateur, n’ayant pas encore clôturé ses comptes, aurait la possibilité de provisionner 50% du montant de l’amende en 2019 et l’autre moitié en 2020, sachant que la totalité de l’amende doit être versée au Trésor public en un seul bloc.

«Ce scénario aurait pour conséquence l’alourdissement de la dette du géant télécoms ainsi que la baisse de son Bottom Line, impactant ainsi l’enveloppe globale des dividendes qui représente historiquement 100% des bénéfices», souligne BMCE Capital.

Le dividende par action (DPA) qui s’était établi à 6,83 DH en 2018, et pourrait ainsi reculer à 5,2 DH et à 5,3 DH pour ces deux années, selon la banque d’affaires. En revanche, si, en cas de recours ou de négociation, les deux parties acceptent un compromis, elles pourraient aboutir à un accord mutuel de 50% de l’amende initiale, soit 1,7 MMDH.

Dans ce cas de figure, l’impact serait moindre pour l’opérateur et, par ricochet, pour le rendement de dividendes qui serait distribué aux actionnaires. Par ailleurs, le calcul des 3,3 MMDH, correspondant à 10% du chiffre d’affaires moyen sur la période 2013-2018 (depuis l’apparition des soupçons des pratiques anticoncurrentielles) «semble disproportionné étant donné que les pratiques litigieuses ne concernent que le marché du fixe et des accès internet haut débit domestique qui culmine à une moyenne de 8,5 MMDH de revenus sur la période 2013-2018. Sur cette base, IAM pourrait contester la sanction de l’ANRT de 3,3 MMDH, qui devrait a priori s’établir à près de 850 MDH», déclarent les analystes de BMCE Capital.

Niveau de solvabilité soutenable
De ce fait, dans le cas d’une révision à la baisse du montant de l’amende, la banque d’affaires table sur un niveau de DPA «moins impacté à près de 6 DH pour 2019 et de 6,1 DH pour 2020, avant de reprendre son rythme normatif pour les deux cas à partir de 2021». Le dividend yield devrait, de facto, se dégrader à 3,6% au minimum sur la même période projetée (contre 5,3% en 2018), soit quasiment le niveau actuel du marché. À noter que l’intégration du paiement des sanctions fait ressortir des niveaux de solvabilité et de gearing (inférieur à 120%) toujours soutenables et ce, malgré un recours à la dette pour le paiement des amendes (sans impacter le poids des charges d’intérêts dans l’EBE, qui ne devrait pas excéder les 4%).

Par ailleurs, BMCE Capital maintient sa recommandation de «conserver» le titre dans les portefeuilles compte tenu des fondamentaux solides de la société, dont le cours cible fait ressort un upside compris entre 3,6% et 3,7% comparativement au cours de 146,1 DH observé le 04/02/2020. La banque d’affaires table sur un cours cible de 151,3 DH en cas de règlement total de l’amende et d’un cours de 151,5 DH en cas de règlement partiel.

En Bourse, l’annonce ne semble pas être bien accueillie par le marché. Le cours d’IAM a connu une baisse de 7,52% à 143,8 DH au terme de la séance du 03/02/2020 avant de reprendre quelques couleurs la journée suivante pour se redresser de 1,6% à 146,1 DH. L’action a clôturé la séance du 06/02/2020 sur une baisse de 2,70% pour s’échanger à 142,15 DH.



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