Marché monétaire : resserrement de la liquidité bancaire et poursuite de la baisse des taux longs

Le marché obligataire affiche une dynamique contrastée entre un creusement du déficit de liquidité bancaire et une baisse des taux d’intérêt à moyen et long terme. Le dernier rapport de BMCE Capital global research souligne la prudence des autorités monétaires et la confiance modérée des investisseurs, tandis que l’absence d’émissions sur la dette privée témoigne d’un certain attentisme.
Le marché obligataire a connu une nouvelle semaine de mouvements contrastés, reflétant les équilibres délicats entre liquidité bancaire, politique monétaire et appétit des investisseurs. Le dernier rapport hebdomadaire de BMCE Capital global research (BKGR) met en lumière un contexte de creusement du déficit de liquidité, couplé à une détente progressive des taux longs, tant sur le marché primaire que secondaire. Cette configuration illustre une évolution marquée par la prudence des autorités monétaires et une confiance relative des investisseurs dans les instruments souverains marocains.
Une vigilance maintenue
Au cours de la semaine écoulée, la liquidité bancaire s’est repliée, avec un déficit moyen qui s’est creusé de 7,13%, atteignant ainsi un niveau négatif de 127 milliards de dirhams (MMDH). Cette contraction traduit des tensions persistantes sur la trésorerie des établissements financiers, malgré un recours accru aux avances à 7 jours de Bank Al-Maghrib qui ont progressé de 4,63 milliards pour atteindre 51,9 MMDH.
Cette mobilisation de la Banque centrale vise à contenir le risque de raréfaction monétaire tout en limitant le coût du refinancement, lequel se maintient stable autour de 2,25% au niveau du taux moyen pratiqué (TMP interbancaire).
Le rapport de BKGR souligne également une augmentation des placements du Trésor sur le marché monétaire, avec un encours maximal quotidien qui a atteint 10,9 MMDH, contre 8,9 milliards lors de la période précédente. Cette évolution traduit une stratégie du Trésor consistant à renforcer ses ressources à court terme, en maintenant des volumes d’émissions importants tout en profitant d’un contexte monétaire globalement stable.
Une tendance baissière confirmée sur les taux à moyen et long terme
Sur le marché primaire, les adjudications récentes témoignent d’une baisse sensible des taux, particulièrement sur les maturités de moyen et long terme.
Le Trésor a levé 3,29 MMDH sur un montant proposé de 5,07 milliards, soit un taux de couverture de 65%. Les taux limites retenus sont en recul sur toutes les lignes, avec notamment une baisse de 5,2 points de base (pbs) sur la maturité 52 semaines, 5,5 pbs sur le segment 5 ans, et une baisse plus marquée de 10,8 pbs pour la maturité 15 ans, fixée à 3,04 %.
BKGR insiste sur le fait que cette détente des taux traduit un environnement favorable à la gestion de la dette souveraine, où la demande pour les titres de maturité moyenne et longue reste soutenue malgré le contexte de resserrement monétaire mondial. L’écart entre le taux primaire et le TMP, à 2,36% sur la ligne 5 ans et près de 3% sur la ligne 15 ans, témoigne d’une rémunération attractive pour les investisseurs institutionnels qui restent vigilants quant à la trajectoire de la politique monétaire.
Un comportement contrasté des taux secondaires
Le marché secondaire a vu une tendance globalement à la baisse, avec des variations positives essentiellement sur les maturités à court terme. Les lignes 52 semaines, 2 ans et 5 ans affichent des baisses respectives de 18,21, 16,73 et 4,48 pbs.
Cette évolution reflète une pression vendeuse modérée sur les titres courts et moyens, alors que les investisseurs cherchent à profiter des niveaux attractifs pour renforcer leurs positions, en attendant la prochaine décision monétaire.
Cependant, sur les échéances plus longues (10, 15, 20 et 30 ans), la variation des taux reste faible, voire légèrement haussière, traduisant une prudence accrue et une possible anticipation d’un contexte économique incertain sur le moyen terme. BKGR souligne que cette segmentation dans les comportements s’explique, notamment, par la perception des risques macroéconomiques et la sensibilité aux anticipations d’inflation.
Vers une réduction progressive des interventions
Dans ses prévisions, BKGR anticipe une poursuite de la politique prudente de Bank Al-Maghrib, qui devrait réduire progressivement ses avances à 7 jours, les fixant à 48,6 MMDH contre 51,8 milliards auparavant. Cette baisse du soutien monétaire traduit une amélioration attendue des conditions de liquidité, sans toutefois remettre en cause la stabilité actuelle des taux.
Sur le marché obligataire, la tendance à la détente des taux devrait se poursuivre, favorisée par une demande toujours solide pour la dette souveraine et un environnement international relativement stable, même si la prudence reste de mise à l’approche des décisions de politique monétaire majeures.
BKGR souligne que la capacité du Trésor à bénéficier de conditions de financement avantageuses demeure un facteur clé de la bonne tenue du marché.
Absence d’émissions sur la dette privée, un signe de prudence
Le rapport note également l’absence d’émissions nouvelles sur le segment de la dette privée, qu’il s’agisse de billets de trésorerie ou d’obligations, reflétant un certain attentisme des acteurs privés face à la conjoncture. Cette situation invite à une vigilance particulière sur le financement des entreprises via le marché obligataire, qui pourrait nécessiter un regain d’initiatives pour diversifier les sources de financement à moyen terme.
Sanae Raqui / Les Inspirations ÉCO