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L’équilibre avant la rupture

La «preuve» d’un bénéfice au profit des populations du Sahara est aujourd’hui incontournable pour la reconduction de l’accord de pêche. Un vent de rupture semble souffler cependant du côté marocain. Jouer la carte d’un monde multipolaire n’est pas exclu.

Le partenariat Maroc-UE est devenu malheureusement indissociable de cette guérilla juridique que mènent certains contre les accords conclus entre les deux parties. C’est avec un visage grave que l’ambassadeur du Maroc auprès de l’Union européenne, Ahmed Reda Chami, a ouvert sa conférence de presse afin de commenter l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) rendu le 27 février. Ce dernier avait en effet, au même titre que celui rendu sur l’accord agricole, validé la convention tant qu’elle ne s’applique aux «eaux frontalières au Sahara». Un coup de froid jeté sur les rapports bilatéraux entre le royaume et le vieux continent. «Il faut rappeler que le Maroc et l’Union européenne ont réagi en front commun en assurant leur volonté de continuer le partenariat. Ils ont également interjeté appel de l’arrêt, ce qui est une procédure normale, mais qui dénote de la volonté de l’Exécutif européen de faire de la realpolitik», explique Tajeddine El Housseini, expert en relations internationales.

Le Parlement européen ayant donné mandat à la Commission pour négocier un nouvel accord, la diplomatie marocaine fera son possible pour prouver le «consentement des populations à travers la consultation de la société civile et de la population via des élus locaux, et mettre en évidence des bénéfices au profit des populations locales. Pour l’accord de pêche, des solutions similaires devront être trouvées pour offrir aux opérateurs concernés la sécurité juridique à laquelle ils ont droit et faire bénéficier les populations des retombées économiques de cet accord», indique Chami. «Ce qui est regrettable, c’est qu’il fallait faire ce travail en amont, avec l’aide d’un cabinet international à titre d’exemple, et préparer un rapport approfondi prouvant que l’État marocain ne touchait en rien aux rendements de la région et que tout cet argent était dépensé au bénéfice des populations locales», explique le professeur El Housseini. Mais malgré cette volonté de limiter les effets de l’arrêt relatif à l’accord de pêche de la part des «europhiles» de la diplomatie marocaine, un vent de rupture souffle. Un certain «ras-le –bol» apparaît côté marocain. Intervenant lors d’un point de presse à l’issue du dernier Conseil de gouvernement, le ministre délégué chargé des Relations avec le Parlement et la société civile et porte-parole du gouvernement, Mustapha El Khalfi, a souligné que le «royaume a des constantes qui régissent son adhésion aux conventions internationales», expliquant ainsi que le royaume ne pourra, en aucun cas, accepter une «atteinte à sa souveraineté ou un traitement le divisant en deux zones ou le considérant comme une simple autorité administrante». El Khalfi va même jusqu’à considérer qu’en cas d’atteinte à sa souveraineté, «le Maroc ne sera pas disposé à conclure n’importe quel accord et ne poursuivra aucun engagement, y compris l’accord de pêche actuel, en dehors de ce cadre». «En tant que construction régionale, l’Union européenne commence à montrer ses limites», nous explique de son côté le doyen Mohamed Bennani, politologue. «Elle est aujourd’hui très contestée par les populations au sein même des pays fondateur de l’union, et le Brexit a trahi sa fragilité institutionnelle ajoute- t-il. Selon lui, le Maroc «doit jouer la carte du monde multipolaire». Cette approche politique visant à nouer de nouveaux partenariats stratégiques avec la Chine, l’Inde et la Russie est à même de «permettre au Maroc de supporter la pression qu’exercent sur lui ses alliés traditionnels comme l’Union européenne et les États-Unis sur ces questions». Elle représente une issue de secours en cas de détérioration de ses liens avec l’UE et Washington. Et la perspective de la détérioration des relations avec certains alliés n’est pas à écarter. Sur l’ensemble des 28 États membres, le royaume ne peut compter, concrètement, que sur le soutien de la France et de l’Espagne. Néanmoins, il ne s’agit pas de s’enflammer et «s’attendre à un ralliement immédiat de la part de la Chine, de la Russie et de l’Inde sur la position du Maroc sur la question du Sahara». L’abstention de la Russie lors du vote au Conseil de sécurité de la résolution 2285 sur le Sahara est, à cet égard, plein d’enseignements pour la diplomatie marocaine, afin que cette dernière redouble d’efforts… 


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