Investissements directs étrangers : la revanche des“petits”
Il y a trente ans, en 1990 plus exactement, le Maroc captait «seulement» 165 millions de dollars d’IDE contre près de 3,5 milliards de dollars en moyenne au cours de la dernière décennie. Mais cela reste encore peu comparé aux dizaines de milliards de dollars que drainent les économies émergentes du Sud-est asiatique. La rupture la plus radicale consiste en l’irruption des ETI, les entreprises de taille intermédiaire.
Il a fallu appuyer sur l’accélérateur du programme des privatisations et des concessions des services publics de distribution d’eau et d’électricité, ainsi que dans la production d’électricité, pour franchir le palier des 2,5 milliards de dollars. L’ouverture des télécoms en 1999, l’explosion de l’investissement dans l’hôtellerie -dont Accor et son partenaire Risma joueront à merveille le rôle de lièvre- combinée à la fièvre immobilière au milieu des années 2000, serviront de produits d’appel des IDE vers le Maroc.
À noter au passage que malgré les soubresauts et l’accumulation des «rossignols» (stocks invendus) dans les bilans des entreprises de promotion immobilière, ce secteur figure toujours parmi les trois premiers récipiendaires des IDE. La montée en puissance de l’immobilier commercial, accélérée par la mise en place de nouveaux véhicules d’investissement et le développement du libre-service, ont stabilisé les investissements immobiliers.
Dans la cartographie sectorielle des IDE, la «revanche» de l’industrie a connu l’évolution la plus spectaculaire, avec l’automobile en pôle-position de ce changement. Si le grand public retient surtout les sites de Renault à Tanger et de Stellantis à Kénitra, le phénomène le plus important est l’arrivée des ETI (entreprises de taille intermédiaire) spécialisées dans les composants automobiles, suite à l’installation des groupes français au Maroc. À cela, il faut ajouter l’effet de lièvre qui a poussé deux des plus grandes multinationales japonaises à miser sur le Royaume.
Yazaki et Sumitomo ont fait essaimer plus d’une douzaine d’unités de fabrication de composants automobiles au Maroc, suivies depuis par des concurrents allemands. Ces deux entreprises sont aujourd’hui les plus grands employeurs privés du Royaume. Le fait d’avoir réussi à réorienter la politique des IDE vers les entreprises de taille intermédiaire représente, sans aucun doute, la plus grande rupture de ces dix dernières années.
D’ailleurs, la future charte de l’investissement acte cette «nouvelle» stratégie. Il n’y a pas si longtemps encore, seuls les porteurs de projets éligibles au régime conventionnel (au-delà de 100 millions de dirhams) étaient chouchoutés par les pouvoirs publics qui leur déroulaient un tapis rouge. Les promoteurs des petits et moyens projets n’avaient qu’à se «débrouiller» dans les méandres des circuits administratifs et de celles menant vers les incitations fiscales, entre autres.
Troisième en Afrique
En 2021, les flux mondiaux d’IDE ont retrouvé leur niveau précédant la pandémie, à 1.580 milliards de dollars, soit une progression spectaculaire de 64% par rapport à 2020. Cependant, cette année ne saurait être considérée comme une année de référence en raison de la mise sous cloche des économies au plus haut de la pandémie de Covid-19.
La croissance mondiale des IDE est réalisée à 75% dans les économies développées. Partant d’un faible niveau en 2020, les IDE ont augmenté l’année dernière grâce à l’essor des fusions-acquisitions et à la rapide croissance des financements de projets internationaux, dynamisée par le relâchement des conditions de financement et d’ambitieux plans de relance des infrastructures. Les flux vers les économies en développement ont augmenté de 30%, atteignant 837 milliards de dollars, soit le niveau le plus élevé jamais enregistré.
Ce résultat s’explique en grande partie par une forte croissance en Asie, une reprise partielle en Amérique latine et dans les Caraïbes, et un certain essor en Afrique. Les 10 premières économies pour les entrées d’IDE en 2021 étaient les États-Unis, la Chine, Hong Kong (Chine), Singapour, le Canada, le Brésil, l’Inde, l’Afrique du Sud, la Russie et le Mexique. En Afrique, le Maroc se situe à la troisième position derrière l’Afrique du Sud et le Nigeria.
Abashi Shamamba / Les Inspirations ÉCO