Éco-Business

Hassan Rouissi : “Le digital banking est positivement perçu”

Hassan Rouissi, CEO & Co-fondateur de l’agence TNC-thenext.click

Comment jugez-vous le développement des banques marocaines dans le domaine digital ?
Le développement des banques marocaines dans le domaine du digital est devenu un enjeu stratégique pour ce secteur. Aujourd’hui, les banques font face à une mutation rapide tirée vers le haut par la recherche constante d’une meilleure expérience client. Le consommateur marocain gagne régulièrement en maturité, et confronte son expérience digitale sur des mediums internationaux de référence à leur équivalent national. La mondialisation digitale relève constamment le niveau d’exigence des utilisateurs marocains, forçant le secteur bancaire à s’aligner et s’adapter. A cela s’ajoute les spécificités et réalités locales et une personnalisation maroco-marocaine qui complique encore plus la tâche aux banques locales. Ceci dit, le digital banking est positivement perçu comme la prochaine étape et s’installe doucement mais sûrement au Maroc. Le développement digital est certes un peu en retard comparé aux autres secteurs locaux et pays à développement similaire en Afrique et dans le tiers marché, mais les avancées sont notables et s’ajustent efficacement à la diversité extrême des segments traditionnels et à l’avènement des nouvelles technologies, démontrant une agilité nécessaire face à un marché rigide.

Comment la crise sanitaire a-t-elle accentué ce développement ?
C’est parti d’une dépendance soudaine qui a installé de nombreuses nouvelles habitudes, forçant la main des utilisateurs à devenir digitaux, pour finalement découvrir un degré de confort qui leur convient et correspond à leurs attentes réelles. En somme, ils se sont découverts un comportement digital naturel qu’ils espèrent étendre à tous les secteurs, et notamment ceux plus communs et utilisés plus régulièrement que les autres (le secteur bancaire par exemple). Les modes de paiement et services bancaires ont ainsi été impactés par l’augmentation radicale de transactions e-commerce, transferts et échanges, attirant l’attention des utilisateurs sur l’inadéquation de l’offre classique. Les banques ont réagi à ces besoins croissants de services instantanés, multiplateformes et accessibles à tous, au Maroc comme de par le monde. La part des transactions en ligne dans le monde a atteint les niveaux initialement anticipés pour l’année 2023 avec près de 5 ans d’avance, un engouement qui devrait se poursuivre sur les années à venir (ref. BMCE Capital Gestion), anticipant que 1 personne sur 5 au Maroc compte continuer à utiliser plus fréquemment les sites internet et les applications mobiles des Banques, même après la crise.

Quels sont, selon vous, les besoins réels de la clientèle marocaine vis-à-vis de la banque digitale ?
Au Maroc, d’après une étude de McKinsey, seuls 9 % des personnes sondées disent ne plus vouloir se rendre sur place pour s’entretenir avec leur banquier une fois la crise passée. Cette situation clarifie la prise de conscience graduelle des utilisateurs concernant leurs attentes et exigences. Face à un système traditionnel figé, ils demandent d’avoir le choix et l’accès à une variété d’options pour satisfaire leurs besoins d’information et de services. À l’ère digitale, devoir se déplacer, dédier de son temps, considérer les complications de déplacements et de disponibilité des autres partis, et s’adapter aux contraintes d’une entité n’est tout simplement plus une option acceptable. Les clients marocains veulent une expérience unique, personnalisée à leurs contraintes, leur disponibilité, leur proximité et leur degré de confort relationnel et fonctionnel. Ils sont également plus conscients de l’importance de protéger leur données personnelles et informations privées. Tout un ensemble de points qui concernent directement le secteur bancaire, forcé à améliorer sa transparence, l’accessibilité et l’ergonomie de ses services, le confort et la considération particulière portée à chaque type de client, et chacun de leurs besoins respectifs.

Qu’en est-il des freins au développement du digital au Maroc ?
C’est ici que l’écart entre digital users et clients traditionnels se creuse. Les secteurs et marchés s’adressent à une variété d’utilisateurs aux backgrounds et aux sensibilités diversifiés, et c’est tout particulièrement vrai pour les banques, devant satisfaire aux jeunes comme au troisième âge, ayant accès à la technologie ou non, confortable avec le digital ou non, et ouvert au changement ou non. Le taux d’analphabétisation en particulier est un frein majeur à la digitalisation de tout secteur d’activité malgré une pénétration forte du mobile au Maroc. Beaucoup d’individus possèdent et utilisent un mobile par exemple, mais en ont une utilisation restreinte, limitée parfois à certaines fonctionnalités spécifiques. Certains de ces modèles n’étant même pas assez modernes pour permettre une utilisation pratique et commune de services considérés ordinaires. Cela engendre aussi une absence de clarté et de compréhension de la part de nombreuses personnes qui ne comprennent pas ces nouveaux services, qui sont incapables de les utiliser et en deviennent naturellement méfiant. Les banques, par exemple, ont accès aux ressources financières de ces individuels ainsi qu’à leurs informations personnelles, et en perdant cette visibilité et transparence, les moins éduqués se sentent laissés à la traîne et deviennent résistants du nouvel âge digital. Qu’on leur demande de signer des documents en ligne, de payer sur un écran et voir des échanges d’argent sans consistance physique terrifie encore de nombreuses personnes de tout âge. Adapter l’offre et éduquer les individuels pour équilibrer l’accès aux services offerts à un niveau d’équité permettra vraiment de solidifier les fondations de la transition digitale au Maroc.

Comment accompagner les banques dans leur stratégie digitale ?
Le client digital marocain est moderne, inspiré et motivé, et en besoin de respect et de considération. Il faut lui donner les moyens de faire part du monde de demain, aujourd’hui, et d’être fier des institutions de son pays. Le marché digital évolue vite et place de plus en plus ses utilisateurs au cœur de toutes ses stratégies, et il est vital de comprendre l’importance du User-Centric design. Les banques doivent s’aligner sans attendre et s’adapter à ce recentrement en accordant à leurs clients l’importance qu’ils méritent et exigent, et respecter leurs besoins et attentes dans un monde qui évolue sans cesse, et où ils peuvent aisément comparer et choisir. En somme, de meilleurs services bancaires modernisés et pertinents, un environnement digital interactif ergonomique et pratique, de la disponibilité à tout moment sur tous les supports, une assistance virtuelle et réelle pour satisfaire tous les degrés de sensibilité… tous les composants fondamentaux d’une CX (Customer eXperience) globale de qualité.

Sanae Raqui / Les Inspirations ÉCO Docs



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