Maroc

Retraites : la réforme d’urgence !

Les régimes de retraite au Maroc continuent de se heurter à des déséquilibres profonds. Malgré une amélioration ponctuelle des indicateurs du secteur public, la viabilité à long terme n’est pas assurée. Le rapport 2024 sur la stabilité financière alerte une nouvelle fois sur l’urgence de la réforme systémique, fondée sur la création de deux pôles, public et privé. Mais le temps presse, alors que certains régimes risquent d’épuiser leurs réserves d’ici quelques années.

Alors que la question des retraites suscite régulièrement le débat sans réelle avancée concrète, les derniers chiffres publiés dans le rapport sur la stabilité financière 2024 viennent rappeler l’ampleur du défi. Les déséquilibres structurels se creusent, la démographie évolue défavorablement, et certains régimes risquent d’atteindre un point de rupture dans moins de dix ans. La réforme systémique, longtemps repoussée, devient aujourd’hui une nécessité budgétaire et sociale.

Des déséquilibres persistants
Le constat dressé par Bank Al-Maghrib, l’ACAPS et l’AMMC est sans détour. «Les régimes de retraite de base ont continué d’enregistrer des déséquilibres structurels, malgré l’amélioration temporaire de certains indicateurs financiers», lit-on dans le rapport.

Cette embellie ponctuelle dans le secteur public s’explique principalement par la hausse salariale résultant du dialogue social du 29 avril 2024, mais elle ne saurait masquer les failles du système.

Le régime général de la CNSS, qui concerne la majorité des salariés du privé, maintient certes un solde global positif sur la branche long terme. Ce répit est toutefois trompeur. Les experts signalent que «la sous-tarification des droits au sein de ce régime et l’assouplissement des conditions d’accès à la pension ou de restitution des cotisations fragilisent ses équilibres à long terme».

Un système menacé d’épuisement
Les projections sont inquiétantes. Selon les données précédentes publiées par les institutions de régulation, les réserves de la CNSS pourraient être épuisées dès 2027, si aucune mesure structurelle n’est adoptée. Côté secteur public, le Régime des pensions civiles (RPC) géré par la CMR suit la même pente, avec une extinction des réserves attendue à l’horizon 2036.

Les déficits cumulés à l’horizon 2050 pour les deux principaux régimes de base (CNSS et RPC) représenteraient plus de 200 milliards de dirhams, soit -3,3% du PIB. Ce fardeau pèserait lourdement sur les finances publiques si les pouvoirs publics tardent encore à réagir.

Des paramètres obsolètes
Plusieurs facteurs expliquent cette situation critique : vieillissement de la population active, régimes peu contributifs, taux de remplacement généreux, et âge de départ à la retraite peu adapté à l’évolution démographique.

Dans le public, le taux de remplacement avoisine les 70%, bien au-dessus des standards viables à long terme. Le régime privé (CNSS) affiche, quant à lui, un taux de cotisation global de 9%, jugé insuffisant. Par ailleurs, près de 11 millions de travailleurs ne sont affiliés à aucun régime de retraite, sur un total de 13 millions d’actifs. Autrement dit, seulement 16% de la population active est couverte, tous régimes confondus.

Une réforme structurelle inévitable
Face à cette impasse, les autorités misent sur une refonte d’envergure. Le rapport 2024 rappelle que «la réforme systémique du secteur, fondée sur la mise en place de deux pôles, un public et un privé, devient de plus en plus indispensable».

Cette approche a été actée dans le cadre du dialogue social du 29 avril 2024, mais reste encore à mettre en œuvre. Si les fondamentaux économiques du pays se consolident, le rapport prévient que l’inaction sur le dossier des retraites pourrait devenir un facteur de vulnérabilité systémique.

«La viabilité à long terme de ces régimes n’a pas connu d’amélioration significative», insistent les auteurs du rapport.

En d’autres termes, chaque année perdue aggrave la facture. Car plus le temps passe, plus la réforme devient douloureuse, que ce soit pour les actifs, les retraités ou l’État. Le système actuel n’a plus la capacité d’amortir les chocs démographiques et financiers à venir.

«Quand la générosité dépasse la capacité à financer»

Parmi les failles structurelles pointées par le Rapport sur la Stabilité Financière 2024, figure un déséquilibre plus discret mais tout aussi critique, à savoir l’écart croissant entre la générosité des prestations et le niveau réel des contributions.

Le cas du secteur public est emblématique. Les fonctionnaires affiliés au Régime des pensions civiles (RPC) bénéficient d’un taux de remplacement autour de 70%, c’est-à-dire qu’ils touchent une pension équivalente à 70% de leur dernier salaire. Un niveau élevé, rarement soutenable dans la durée, d’autant que la durée moyenne de perception des pensions ne cesse d’augmenter avec l’allongement de l’espérance de vie. Dans le secteur privé, le régime général de la CNSS est confronté à l’excès inverse : une sous-tarification chronique des droits.

Le taux global de cotisation retraite reste fixé à 9% (part salariale et patronale cumulées), un seuil insuffisant au regard des engagements pris. Le rapport souligne d’ailleurs que «la sous-tarification des droits […] fragilise ses équilibres à long terme».

Faiza Rhoul / Les Inspirations ÉCO



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