Hanae Ben Driss : “Il faut atteindre une masse critique pour réduire l’usage du cash”

Hanae Ben Driss
Directrice générale de SWAM (ex HPS Switch)
Anciennement HPS Switch, la plateforme nationale d’interopérabilité des paiements prend un nouveau visage sous le nom de Switch Al Maghrib (SWAM). Derrière ce rebranding, une transformation profonde aux enjeux technologiques, économiques et souverains.
Les data centers dont vous disposez appartiennent-ils à SWAM ? Comment gérez-vous l’hébergement de vos données ?
Effectivement, la question de la souveraineté technologique est essentielle pour nous. Les infrastructures technologiques – serveurs, bases de données Oracle, équipements TI – sont notre propriété. Il s’agit d’investissements significatifs que nous réalisons directement.
En revanche, pour l’hébergement physique, c’est-à-dire les locaux techniques, la climatisation, les alimentations électriques redondantes, etc., nous nous appuyons sur un partenaire marocain spécialisé. Cet hébergement se fait exclusivement au Maroc, conformément à notre engagement en matière de souveraineté numérique.
Quelle est l’ampleur de vos investissements technologiques ?
L’investissement est une composante stratégique de notre activité. Nous évoluons dans un secteur de pointe, où l’innovation est constante et la réactivité indispensable. Même si je ne peux pas vous donner un chiffre exact à ce stade, je peux vous assurer qu’au moins 15% de notre activité est dédiée à la recherche et au développement.
Chez SWAM, nous avons un département R&D autonome, qui ne travaille pas sur les projets classiques, mais uniquement sur l’innovation. Ces équipes sont mobilisées sur les nouvelles technologies, et nous attachons une grande importance à leur montée en compétence continue.
Quels sont vos axes prioritaires en matière d’innovation ?
Nous travaillons sur plusieurs chantiers. L’intelligence artificielle (IA) est évidemment au cœur de nos projets. Au-delà de la détection de la fraude, qui est un usage déjà bien avancé, nous explorons aussi des applications liées à l’authentification forte, en particulier dans le cadre des paiements sécurisés.
Aujourd’hui, beaucoup de transactions sont sécurisées par SMS, mais nous développons des solutions qui s’appuient sur l’IA pour offrir une expérience plus fluide, plus sécurisée, et centrée sur l’utilisateur. Nous avançons aussi sur des sujets comme la tokenisation des cartes bancaires.
Concrètement, cela consiste à associer un numéro unique – un token – à une carte, qui sera utilisé une seule fois pour chaque transaction, via un smartphone. En cas de compromission, la carte réelle n’est pas exposée. Cela renforce considérablement la sécurité.
Enfin, nous explorons activement les solutions de «fast payment», ou paiement instantané, qui permettent d’exécuter des transactions en temps réel. Il s’agit d’un chantier stratégique que nous souhaitons développer en coordination avec l’ensemble des acteurs de l’écosystème. Ce type de solution, à la fois rapide, sécurisée et accessible, constitue une avancée majeure pour renforcer l’inclusion financière et accélérer la dématérialisation des paiements.
L’utilisation du cash ne cesse de croître, pourtant le paiement numérique se développe aussi. Quelle est votre analyse ?
C’est un paradoxe : les paiements digitaux progressent, les usages se développent, et pourtant, la part du cash ne recule pas de manière significative. Pourquoi ? Parce que nous n’avons pas encore atteint une masse critique suffisante.
C’est ce que l’on observe dans des pays comme l’Inde ou le Brésil : tant que l’adoption des moyens de paiement numériques n’est pas massive et à large spectre, les avantages du digital restent marginaux. Il est donc important de continuer à collaborer avec la Banque centrale, les établissements financiers, les commerçants et les citoyens.
La confiance est la clé. Si nous renforçons la sécurité, la transparence et la simplicité d’usage, nous verrons une adoption plus rapide. Et c’est à ce moment-là que le recul du cash deviendra réellement tangible.
Sanae Raqui / Les Inspirations ÉCO