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Entrepreneuriat féminin : plaidoyer pour une économie plus équitable

Au Maroc, l’entrepreneuriat féminin joue un rôle crucial dans le développement économique inclusif. Une étude récente, menée par deux chercheurs marocains et publiée dans l’International journal of strategic management and economic studies (IJSMES), explore comment l’approche genre contribue à la croissance économique. Elle révèle par ailleurs que l’autonomisation des femmes est essentielle pour maximiser le potentiel économique du pays.

L’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes représentent des enjeux majeurs dans le développement économique des pays émergents, particulièrement au Maroc.

Selon une étude intitulée «L’entrepreneuriat féminin au Maroc : Un vivier d’opportunités pour une croissance économique inclusive», réalisée par Asmaa Mabchour et Youness Dabnichi, l’intégration des femmes dans les différents secteurs économiques peut générer un véritable «dividende démographique», stimulant ainsi l’innovation et la productivité nationale.

L’étude met en évidence que l’entrepreneuriat féminin au Maroc constitue une force majeure pour la croissance économique. Cependant, l’ampleur des disparités entre les sexes dans le marché du travail reste un frein important au développement. En adoptant des politiques plus inclusives et en facilitant l’accès au financement, le Maroc pourrait non seulement améliorer l’autonomisation des femmes, mais également accélérer sa croissance économique de manière significative.

En effet, en intégrant pleinement l’approche genre et en comblant l’écart de participation des femmes au marché du travail, le Maroc pourrait permettre une augmentation de 39,5% de son PIB, soulignent les deux chercheurs, tous deux docteurs en sciences économiques à l’Université Hassan Premier de Settat.

Certes, des efforts notables ont été réalisés. Le cadre législatif marocain a considérablement évolué au cours des dernières décennies, avec l’adoption de réformes emblématiques telles que la Moudawana en 2004, qui a renforcé les droits des femmes, et la Constitution de 2011, qui consacre la parité entre hommes et femmes.

En parallèle, des programmes comme ICRAM, lancé en 2013 et renouvelé jusqu’en 2021, ont permis de structurer les initiatives visant à promouvoir l’entrepreneuriat féminin et à favoriser l’autonomisation des femmes dans l’économie.

Selon les auteurs, ces initiatives ont permis de «réduire les disparités entre hommes et femmes dans plusieurs secteurs, bien que des obstacles persistent, notamment dans l’accès aux financements et la lutte contre les stéréotypes de genre».

La croissance économique impactée
Selon l’étude, l’entrepreneuriat féminin a connu une progression notable au Maroc. Le pourcentage d’entreprises détenues par des femmes est passé de 12,3% en 2010 à 23,2% en 2023, un chiffre révélateur des efforts déployés pour encourager les femmes à entreprendre.

Cependant, cette évolution reste modérée en comparaison avec d’autres régions du monde, où la part des entreprises dirigées par des femmes est bien plus élevée.

Cette progression reflète la mise en œuvre progressive de politiques publiques visant à réduire les inégalités entre les sexes, mais elle est encore freinée par des obstacles structurels persistants. L’écart de participation au marché du travail entre les sexes reste donc un problème majeur au Maroc. Alors que le taux d’activité des hommes est de 62,4%, celui des femmes atteint à peine 16,4%, illustrant les profondes disparités qui continuent de limiter leur potentiel économique.

Cette situation n’est pas sans conséquence sur la croissance économique du pays. D’après l’ONU Femmes, combler cet écart de participation pourrait faire augmenter le produit intérieur brut (PIB) marocain de 39,5%. Une telle augmentation montre bien que l’égalité des sexes n’est pas seulement une question de justice sociale, mais également un impératif économique crucial pour le Maroc.

Malgré ces défis, de nombreuses marocaines choisissent l’entrepreneuriat comme voie d’autonomisation. L’étude révèle que 68,4% des femmes entrepreneures se lancent dans cette aventure par opportunité, motivées par le désir de créer et d’innover.

En revanche, 27,6% d’entre elles le font par nécessité, notamment pour échapper au chômage ou à une précarité économique persistante. Cette dualité dans les motivations reflète la diversité des parcours des femmes entrepreneures, tout en soulignant la fragilité d’une partie d’entre elles, confrontées à un manque d’options économiques viables.

L’accès au financement toujours un obstacle
Cependant, l’accès au financement demeure un obstacle de taille. En 2021, seulement 16,8% des femmes au Maroc disposaient d’un compte bancaire, bien en deçà de la moyenne régionale de 38% dans les pays du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MENA).

Cette exclusion financière limite les possibilités pour les femmes d’accéder aux crédits nécessaires au lancement ou à l’expansion de leurs entreprises. Les exigences en termes de garanties bancaires et les biais institutionnels constituent des obstacles majeurs pour les femmes, comme l’ont confirmé de nombreuses études.

Selon l’ONUDI, 49,5% des femmes entrepreneures marocaines perçoivent ces difficultés comme étant directement liées à leur genre. Les barrières socioculturelles constituent également un frein important à l’entrepreneuriat féminin. Les normes sociales, souvent patriarcales, continuent de restreindre l’accès des femmes aux opportunités professionnelles et économiques. Les entrepreneures doivent souvent jongler entre les exigences de leur vie professionnelle et les attentes sociales liées à leur rôle au sein de la famille. Ces pressions sociales réduisent leur accès aux réseaux professionnels et à la formation, les plaçant dans une situation d’infériorité par rapport à leurs homologues masculins.

L’étude de Mabchour et Dabnichi montre aussi que l’entrepreneuriat féminin a des retombées économiques positives pour l’ensemble de la société marocaine. En plus de stimuler l’innovation et la compétitivité des entreprises, les femmes entrepreneures contribuent à la création d’emplois et à la lutte contre la pauvreté. L’impact de leur activité se répercute également sur d’autres aspects du développement social, tels que l’éducation et la santé, en favorisant l’émergence de générations mieux éduquées et plus autonomes. En comblant ne serait-ce qu’un quart de l’écart entre les sexes sur le marché du travail, le Maroc pourrait voir son PIB par habitant augmenter de 5,7% à 9,9%.

Au delà de ces résultats plutôt encourageants, l’étude appelle à des réformes plus profondes et plus rapides pour accélérer l’autonomisation des femmes dans l’économie. Cela passe par un meilleur accès au financement, une simplification des démarches administratives et une lutte contre les stéréotypes de genre qui freinent les ambitions entrepreneuriales des femmes. Le potentiel est immense et l’entrepreneuriat féminin pourrait devenir un pilier central du développement économique au Maroc, à condition que les obstacles structurels soient levés.

Faiza Rhoul / Les Inspirations ÉCO

 


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