Économie nationale : croissance solide… mais sous surveillance !

Portée par une croissance de 4,6% au deuxième trimestre, l’économie marocaine aborde le second semestre 2025 avec des indicateurs solides et un marché boursier en plein essor. Mais derrière cet élan, se dessinent des fragilités budgétaires et commerciales, voire structurelles, ainsi que des risques climatiques et géopolitiques susceptibles d’en freiner la trajectoire.
L’économie nationale aborde la seconde moitié de 2025 sur un rythme soutenu, sous la surveillance vigilante des analystes. Selon BMCE Capital global research (BKGR), la progression estimée du PIB au deuxième trimestre atteint 4,6% contre 2,9% un an plus tôt, grâce à une hausse simultanée des activités agricoles (+4,7%) et non agricoles (+4,5%). Un chiffre qui confirme la solidité de la reprise mais qui s’inscrit dans un contexte de risques persistants, notamment climatiques, budgétaires et géopolitiques.
Une croissance portée par la demande interne
BKGR souligne que son scénario central pour l’ensemble de l’année 2025 table sur une progression de 4,5% du PIB, légèrement au-dessus des 3,8% enregistrés en 2024. Le dynamisme de la demande interne en est le moteur principal, soutenu par l’investissement et les préparatifs liés à la Coupe d’Afrique des Nations 2025 et à la Coupe du monde 2030.
Les flux d’Investissements directs étrangers (IDE) affichent une hausse de près de 60% à fin juin (16,8 MMDH), preuve que les perspectives de marché et les projets industriels, notamment en hydrogène vert et gigafactories, suscitent l’intérêt des investisseurs.
Cette dynamique contraste toutefois avec des fragilités persistantes. Le taux de chômage, bien qu’en léger recul à 12,8% au T2 – 2025, reste élevé, et les pertes d’emplois en milieu rural illustrent la dépendance structurelle aux aléas climatiques.
Un contexte budgétaire et extérieur plus tendu
Sur le front des finances publiques, l’exécution de la Loi de finances 2025 affiche à fin juin un déficit de 24,8 MMDH, en aggravation par rapport aux 20,4 MMDH atteints un an auparavant. Si les recettes ordinaires progressent de +17,7%, les dépenses suivent un rythme similaire (+15,4%), limitant l’amélioration du solde.
La balance commerciale, elle, s’alourdit. Le déficit atteint 161,8 MMDH à fin juin contre 136,7 MMDH un an plus tôt, sous l’effet d’importations en hausse de 8,9%, plus rapides que la progression des exportations (+3,1%). Le taux de couverture recule à 59,3%, ce qui souligne la nécessité de renforcer les secteurs exportateurs.
Un marché boursier au plus haut
Pour leur part, les marchés financiers traversent une phase euphorique. Le MASI clôture juillet à 19.634,87 points, en hausse de 7,31% sur un mois et de 32,91% depuis le début de l’année. La capitalisation boursière atteint un record historique de 1.036,4 MMDH, en progression annuelle de 43%.
BKGR attribue cette performance au regain de confiance des investisseurs, alimenté par l’afflux de liquidités et par l’effet d’entraînement des perspectives économiques liées aux prochains grands événements sportifs. La profondeur du marché s’accroît, avec un volume du marché central multiplié par 2,4 sur un an.
Le portefeuille BKGR surperforme légèrement son indice de référence avec +36,67% de rendement depuis janvier, tiré par des valeurs comme SONASID (+149%), TGCC (+117,4%) ou Vicenne (+101,3%).
Des taux en repli, une marge de manœuvre pour Bank Al-Maghrib
Le marché obligataire bénéficie d’une détente généralisée. Les courbes primaire et secondaire poursuivent leur aplatissement, soutenues par une politique monétaire accommodante. Le spread entre taux directeur et inflation s’élargit, offrant à Bank Al-Maghrib la possibilité d’envisager une baisse du taux directeur à 2% d’ici fin 2025, contre 2,25% actuellement.
En juillet, le Trésor a levé 12,47 MMDH, soit un taux de réalisation de 99,8% par rapport aux prévisions, illustrant une gestion active du financement dans un environnement de taux maîtrisés et d’inflation contenue (+0,4% en juin en glissement annuel).
Une économie robuste mais exposée
Malgré des fondamentaux renforcés et un environnement boursier porteur, BKGR met en garde contre plusieurs menaces. La vulnérabilité climatique, en particulier sur le plan hydrique, reste un facteur de risque majeur, tout comme l’éventualité d’une recrudescence de l’inflation importée ou de chocs géopolitiques. Les analystes pointent également la persistance d’un chômage élevé et l’impact potentiel de nouvelles politiques douanières américaines sur le commerce international.
Pour BKGR, la trajectoire de 2025 reste globalement favorable si la dynamique interne se maintient et si les projets structurants (hydrogène vert, infrastructures sportives, gigafactories…), se concrétisent dans les délais. La consolidation de l’activité touristique (+19% d’arrivées à fin juin) et la bonne tenue de secteurs comme l’automobile (+36,5% de ventes cumulées) constituent des relais de croissance.
Cependant, la résilience de l’économie dépendra de la capacité à diversifier les exportations, à améliorer l’emploi et à préserver la stabilité budgétaire dans un contexte international incertain. Comme le résume BKGR, 2025 est une année où «la vigueur de la reprise devra composer avec des vulnérabilités persistantes et un environnement mondial complexe».
Sanae Raqui / Les Inspirations ÉCO