Digitalisation du parcours client : encore un boulevard d’opportunités à saisir
S’il n’est pas encore un réflexe, le recours à internet pour acheter sa voiture commence à se démocratiser. Une vente sur dix est désormais réalisée par ce biais. Les Inspirations ÉCO a organisé une table ronde qui a connu la participation d’Adil Bennani, DG d’Auto Nejma et président de l’AIVAM, Mohamed Bennani, directeur général de Renault Maroc, Youssef Chraïbi, CEO d’Outsourcia et président de la Fédération marocaine de l’externalisation des services, et Jalal Benabdouh, fondateur de Seven.
Même s’il n’est pas encore largement répandu au Maroc, le processus d’achat en ligne de véhicules commence à prendre de l’ampleur. Les acteurs du marché de l’automobile se sont en tout cas déjà lancés dans une course à la digitalisation, si bien qu’aujourd’hui, ils sont tous présents sur le Net. Ces marques proposent, en effet, l’ensemble de leur gamme sur le web, offrant aux clients la possibilité de consulter les caractéristiques des modèles, les finitions, les prix, les informations techniques…
Dans certains cas, il est même possible d’accéder virtuellement au véhicule désiré grâce à la réalité augmentée. Le client va donc pouvoir créer un modèle virtuel sur-mesure, en choisissant sa couleur, sa finition, sa motorisation, ses équipements et ses options. Pour ce qui est du tarif, l’actualisation s’opère de manière installée sur l’écran. Bref, tout est fait pour que l’expérience client soit la plus aboutie possible. Et l’on va même jusqu’à proposer une palette de services annexes (simulateur de crédit, assurance, entretien, assistance, service de valet…). Objectif : séduire le client, lui permettre de se projeter et de «penser» son véhicule en fonction de ses préférences, de ses attentes et ainsi le fidéliser.
D’ailleurs, l’opportunité est si intéressante, tant pour le client que pour la marque, que certains acteurs ont aujourd’hui totalement digitalisé leur parcours de vente. C’est pour apporter davantage d’éclaircissement que le groupe Horizon Press a convié quatre experts du domaine, dans le cadre de son cycle de tables rondes «Le Cercle des ÉCO», pour débattre autour du thème «Marché automobile : Parcours client digitalisé, l’acte d’achat se réinvente». Et dans ce domaine, le Maroc n’est pas à l’avant-garde, bien au contraire.
«La pratique commence, elle se développe mais il y a un boulevard d’opportunités», soutient d’emblée Adil Bennani, président de l’Association des importateurs de véhicules au Maroc (Aivam) et DG d’Auto Nejma (Mercedes-Benz et BYD). Pour planter le décor, le patron de la marque à l’étoile au Maroc a tenu à illustrer ses propos par l’exemple d’un parcours client. Justement, la digitalisation du parcours client englobe un certain nombre de choses. Cela commence du simple fait de consulter une annonce sur un site internet, un réseau social ou autre à la finalisation de l’achat avec la réception du véhicule. Une démarche présente au Maroc, bien qu’elle n’y soit pas très répandue pour le moment. Mercedes-Benz peut se targuer d’être l’unique acteur du marché national à proposer la vente en ligne de véhicule de bout en bout.
Le coup de boost du Covid
Une chose est certaine : le Covid a été un accélérateur de ce mouvement vers la digitalisation. «Ce qui s’est fait au cours des deux dernières années en matière de digitalisation, grâce au Covid, dépasse largement ce qui a été fait au cours des 7 à 8 ans qui ont précédé», relève le président de l’Aivam. Ceci dit, il assure qu’il y a encore une grande marge de progression. Le développement de la vente en ligne de voiture dépendra des besoins et envies des clients, mais aussi de la capacité des constructeurs à y répondre.
«Aujourd’hui, il n’existe pas au Maroc de statistique précise exprimant l’intention des clients à acheter leur véhicule en ligne», déplore Adil Bennani.
«A l’international, près de 70% des clients affirment être prêts à acquérir leur véhicule en ligne de bout en bout», précise le DG d’Auto Nejma qui confie que cette proportion augmente lorsqu’on y intègre le service après-vente et les services annexes.
Mohamed Bennani, directeur de la marque Renault au Maroc, abonde dans le même sens puisqu’il observe que l’engouement des consommateurs pour le digital dans leur achat de voiture commence à se faire sentir, même s’il est encore balbutiant.
«Nous commençons à être de plus en plus contacté par le biais du Net, en particulier par un public de plus en plus jeune», constate-t-il tout en assurant que ces sollicitations se font sur plusieurs segments.
Cela va du véhicule neuf au véhicule d’occasion en passant par le SAV, le financement et d’autres services annexes. Pour lui, la digitalisation du parcours client est une suite logique à l’évolution de la vente automobile. Il y va même de sa petite anecdote pour illustrer ce changement qui s’opère. Fort d’une expérience riche dans le secteur automobile qui l’a notamment mené à prendre la direction des ventes et du réseau de la marque Renault en Afrique du Sud en 2018, il a été littéralement pris de panique, lors de sa première visite de terrain en 2018, en constatant un manque flagrant de fréquentation dans les showrooms, toutes marques confondues. Et pour cause, ce n’est pas uniquement pour des raisons de sécurité qu’ils évitaient de se déplacer en concession, mais ils avaient déjà une appétence pour le digital et passaient majoritairement via internet pour acheter leur voiture qu’ils venaient, in fine, récupérer, relate-t-il. C’est dire que la baisse (2/3 depuis 10 ans) de la fréquentation dans les showrooms ne l’effraie guère. Bien au contraire, il y trouve même une opportunité.
«Les clients viendront de moins en moins au showroom. Aujourd’hui, il faut aller les chercher, qu’ils soient sur les sites internet, sur les réseaux sociaux…», estime-t-il.
«C’est en grande partie ce qui pousse les opérateurs automobiles à investir dans les nouvelles technologies pour pouvoir être présents. Nous nous impliquons fortement pour qu’ils puissent savoir qu’on existe sur le Net, qu’ils connaissent nos modèles et qu’ils nous contactent», indique Mohamed Bennani. Pour un meilleur traitement de ces demandes qui doivent au final généré, ce qu’on appelle dans le jargon du digital, des leads qui permettent d’aboutir sur une vente, les constructeurs externalisent ces services auprès de spécialistes de la relation client. C’est particulièrement le cas d’Outsourcia qui, précisément, accompagne Mercedes Benz et Renault au Maroc dans la transformation digitale de leur parcours client. «Nous intervenons sur deux grands métiers», explique Youssef Chraïbi. Et d’énumérer, il y a la partie vente avec la génération de leads. Le fondateur d’Outsourcia observe une importante transformation du marketing dans l’automobile. «Aujourd’hui, les marques ne sont plus uniquement à la recherche de la notoriété, elles sont en quête de leads avec une approche plus héroïste leur permettant de générer des opportunités et de les transformer au mieux», souligne le président de la Fédération des outsourceurs. C’est aussi au niveau de la transformation qu’interviennent les centres d’appels qui doivent être très réactifs pour convertir le lead en acte d’achat. Ils disposent, pour ce faire, d’outils efficaces comme ceux permettant la personnalisation de masse, en l’occurrence les configurateurs. Les outsourceurs interviennent également sur toutes les autres fonctions support. «L’essentiel dans tout cela est qu’il faut tout proposer au client et ne rien lui imposer», résume Youssef Chraïbi.
Mercedes Benz, pionnier de la vente en ligne au Maroc
En introduisant au début sa gamme électrique au Maroc, Mercedes Benz a, par la même occasion, opérationnalisé la vente en ligne de véhicule. Adil Bennani apporte deux raisons au lancement de ce nouveau service inédit sur le marché marocain. Si le premier objectif est la satisfaction client, la vente en ligne permet d’importantes économies.
«Chez Mercedes, notre job est de satisfaire les besoins des clients quels qu’ils soient. L’idée est donc de pouvoir leur offrir, quel que soit le canal qu’ils choisissent, entre le online et le offline», garantit le directeur de la marque.
Il avance, par ailleurs, que le contenu de plus en plus technologique qu’embarquent les véhicules impliquent de lourds investissements auxquels s’ajoutent les coûts de distribution qui représentent une part non négligeable dans la structure de dépenses des constructeurs. L’équation est donc assez simple pour réduire ces coûts, dits de structure.
«Plus vous digitalisez le parcours de vente, moins vous avez besoin d’infrastructure, moins vous avez besoin de commerciaux et vous pouvez ainsi réduire vos coûts», argue Bennani.
Toutes les marques, Mercedes Benz en tête, ont un objectif en interne de ventes digitalisées de bout en bout. Pour l’heure, comme le rapporte le président de l’Aivam, 25% des ventes en Europe se font en ligne de bout en bout. Plus aucune vente de voiture dans le Vieux Continent ne se fait offline, fait-il savoir. Au Maroc, la pratique commence à s’installer également, constate-t-il.
La marque à l’étoile, qui a lancé sa plateforme digitale en mars dernier en test, avant sa généralisation en mai, a pu enregistré une centaine de réservations qui ont abouti sur des ventes effectives. Adil Bennani confesse tout de même qu’aucune vente de bout en bout n’a pour le moment été enregistrée sur la plateforme. Il se montre du moins confiant jugeant les chiffres encourageants.
La vision de Renault Maroc
Chez Renault Maroc, c’est le même son de cloche. «Notre devoir est de donner au client le choix de la manière dont il veut nous contacter. Tous les choix sont possibles, l’important est qu’il puisse nous approcher selon tous les canaux qu’il souhaite», affirme le directeur de la marque. Encore faut-il savoir bien les capter. C’est à ce niveau-là qu’il faut faire des efforts. C’est tout le mindset qu’il faut faire évoluer puisqu’il s’agira de faire comprendre aux forces de vente de réserver le même traitement à un client qui se présente dans le showroom et celui qui opte pour internet. Mohamed Bennani affirme que la tendance est à l’amélioration en la matière. Il faut dire que l’enjeu est important puisque qu’une vente sur dix de la marque au losange provient du digital.
«Cette tendance devrait se poursuivre», se projette Bennani. Le développement de la digitalisation du parcours client ne signifie pour autant pas la fin des réseaux de distribution. «Il n’est pas question, chez Renault, de nous passer de nos concessions. Il est loin le jour où nous allons vendre toutes nos voitures par internet», rétorque le directeur de la marque au losange. Seuls les formats devraient changer.
Modeste Kouamé & Meriem Allam / Les Inspirations ÉCO