Industrie minière : le Maroc confirme son leadership en Afrique, mais…

Le Maroc gagne 9 places dans l’indice global d’attractivité minière du Fraser Institute (18e mondial, 1er africain) grâce à son potentiel géologique, mais chute de 16 rangs au classement des politiques (28e mondial) avec une perte de 15,69 points, révélant des inquiétudes majeures des investisseurs.
Le rapport annuel 2024 du Fraser Institute sur l’attractivité des juridictions minières place le Maroc sous les feux des projecteurs. L’analyse des données révèle une position dominante en Afrique, mais fragilisée par des inquiétudes politiques croissantes.
Leadership africain incontesté
Le Royaume réalise une performance remarquable dans l’Investment Attractiveness Index (IAI) 2024, un indice composite pondérant à 60% le potentiel minéral perçu et à 40% la perception des politiques minières. Cet indicateur classe le Maroc à la 18e position mondiale sur 82 juridictions évaluées, et au premier rang en Afrique, devant le Botswana et la Zambie.
Cette position marque une nette progression par rapport au classement de 2023 où le Maroc occupait le 27e rang mondial. Malgré son ascension significative de neuf positions dans le classement mondial en un an, le score global affiché par le Royaume (74,70) reste inférieur aux sommets atteints en 2021 (82,56 et 8e rang mondial).
Ce résultat confirme le statut du Maroc comme destination privilégiée pour les investissements miniers en Afrique, alliant un sous-sol prometteur à un cadre institutionnel perçu comme plus stable que celui de ses voisins régionaux.
Le pilier géologique : un atout majeur confirmé
L’expertise en potentiel minéral trouve une validation éclatante dans l’indice Best Practices Mineral Potential, qui mesure le potentiel géologique «pur» en supposant un cadre politique idéal («best practices»).
Dans ce domaine, le Maroc excelle en se hissant au premier rang africain, devant la Zambie (2e) et la République Démocratique du Congo (3e), et à la 11e place mondiale sur 58 juridictions classées, avec un score de 77,27.
Cette performance marque un rebond conséquent après le recul observé en 2023 (58,33 et 29e rang mondial), permettant au pays de retrouver en 2024 un niveau proche de ses meilleures années historiques comme 2022 (70,00) et 2021 (72,22).
La reconnaissance par les investisseurs souligne la richesse et la diversité géologique du territoire marocain, notamment en phosphates, métaux de base et métaux critiques, ce qui est perçu comme un facteur décisif d’attractivité intrinsèque indépendante des contingences politiques.
Le talon d’Achille
L’analyse des politiques minières via le Policy Perception Index (PPI), élément crucial pour la stratégie et l’analyse politique, révèle cependant une tendance alarmante pour le Maroc.
Le Royaume se classe au troisième rang africain, derrière le Botswana (n°1 en Afrique et 14e mondial) et la Namibie (2e en Afrique et 22e mondial), occupant la 28e place mondiale sur 82 juridictions avec un score de 70,84. Une position qui masque une chute brutale. Le score de 2024 enregistre un recul de 15,69 points par rapport à 2023 (86,53), provoquant un déclassement de 16 rangs mondiaux (de la 12e à la 28e place).
Ce déclin, qui est le plus marqué parmi les juridictions africaines performantes, signale une détérioration perçue de l’environnement réglementaire et politique par les investisseurs miniers, fragilisant un pilier essentiel de l’attractivité globale.
Quid des enjeux économiques ?
La situation marocaine illustre le principe fondamental du rapport Fraser. L’attractivité minière naît d’un équilibre entre le potentiel minéral (60% du poids dans l’IAI) et la qualité des politiques (40%). Le leadership africain actuel du Maroc repose ainsi sur son exceptionnel potentiel géologique (11e mondial), compensant un environnement politique perçu comme déclinant. Une fragilité qui est confirmée par les dynamiques régionales contrastées.
Le Botswana conserve son titre de champion africain des politiques minières (PPI 84,35, 14e mondial) malgré un recul de 7,82 points. La Zambie (28e mondial sur l’IAI) affiche une progression soutenue sur tous les indices (IAI, PPI, Potentiel minéral), émergeant comme un concurrent sérieux.
Par ailleurs, des pays comme la Namibie (4e africain à l’IAI, 22e mondial au PPI) ou la Tanzanie (5e en Afrique à l’IAI) démontrent des politiques mieux perçues ou en amélioration. Des écarts qui soulignent l’urgence pour le Maroc de consolider son cadre réglementaire pour maintenir son avantage compétitif.
Quelques commentaires et avertissements à des pays africains
Le rapport Fraser Institute 2024 ne contient aucun commentaire spécifique direct sur le Maroc, contrairement à d’autres juridictions africaines explicitement citées comme la RDC, la Namibie, le Mali, l’Afrique du Sud ou le Zimbabwe.
Toutefois, la chute brutale de 15,69 points du Policy Perception Index (PPI) marocain constitue un signal d’alarme sans équivoque. L’expertise en RSE et droit minier permet de cibler les domaines critiques évalués par le PPI nécessitant des améliorations urgentes.
Entre autres, la complexité administrative, instabilité et interprétation fluctuante des réglementations (particulièrement environnementales), duplication des procédures, instabilité fiscale, efficacité du système judiciaire, transparence dans les zones protégées ou litigieuses, et accessibilité des données géologiques. Les avertissements adressés à d’autres pays résonnent comme des leçons pour le Maroc.
La citation sur la RDC («le litige concernant la propriété foncière a entraîné une grande incertitude, créant des difficultés et décourageant les investissements») souligne l’impérative sécurité juridique des titres miniers ; les critiques envers la Namibie (exigences «créant de l’incertitude et décourageant les investissements») et le Mali («le manque de transparence crée de l’incertitude et décourage les investissements») mettent en garde contre des écueils réglementaires similaires.
À l’inverse, l’exemple positif de l’Afrique du Sud («la création et la mise en place rapides et efficaces d’un cadastre minéral favorisent la transparence et encouragent les investissements») démontre l’impact bénéfique d’outils administratifs modernisés, suggérant des pistes concrètes d’amélioration pour le Royaume.
Un leadership à consolider
Le Fraser Institute 2024 consacre le Maroc comme la juridiction minière la plus attractive d’Afrique, une position méritée grâce à son potentiel géologique de classe mondiale (11e). Cependant, ce leadership est érodé par une perception négative croissante de son cadre politique et réglementaire, matérialisée par une chute spectaculaire de 16 places au classement PPI.
Pour maintenir et renforcer sa position de hub minier africain face à une concurrence continentale croissante (Botswana, Zambie, Namibie), le Maroc doit impérativement adresser les préoccupations des investisseurs révélées par ce déclin du PPI.
Pour le Fraser Institute, la clé réside dans l’amélioration de la prévisibilité, de la stabilité, de la transparence et de l’efficacité de ses politiques et réglementations minières. Le potentiel est là ; la pérennité de l’attractivité dépend désormais de la volonté politique et de la qualité de la gouvernance du secteur.
Bilal Cherraji / Les Inspirations ÉCO