Rita Benlamine : “La naturopathie est un levier économique et social au Maroc”

Rita Benlamine
Fondatrice du CEFANAT Maroc
Au Maroc la naturopathie, bien qu’étant encore une discipline balbutiante, suscite un intérêt grandissant. Complétant la médecine conventionne, elle est aussi une niche pour le développement de nouveaux métiers créateurs d’emplois, et, surtout, capables de répondre à certains besoins dans le monde de l’entreprise. Interview avec Rita Benlamine, fondatrice du Centre européen de formation et d’accompagnement en naturopathie (CEFANAT).
La naturopathie est une sorte de médecine alternative qui s’impose ailleurs. Qu’en est-il au Maroc ?
La naturopathie est effectivement bien implantée en Europe et aux États-Unis. Selon l’OMS, près de 65% de la population mondiale a déjà recours aux médecines traditionnelles ou complémentaires.
Au Maroc, la discipline en est encore à ses débuts, mais l’intérêt est croissant, notamment dans les grandes villes comme Casablanca et Rabat. C’est pour répondre à cette demande que nous avons lancé le CEFANAT, le premier centre marocain affilié à une école de naturopathie qui réponde aux standards de la Fédération mondiale de naturopathie en termes de cursus (le CENATHO Paris qui existe depuis 35 ans).
Nous proposons non seulement des formations certifiantes en nutrition et naturopathie, mais aussi des ateliers éducatifs pour le grand public et les entreprises (alimentation saine, gestion du stress, équilibre psycho-émotionnel, yoga, course et team-building).
En quoi la naturopathie est-elle plus efficace que la médecine moderne conventionnelle ?
La naturopathie n’est absolument pas en concurrence avec la médecine moderne aussi dite allopathique, mais elle vient la compléter. La médecine conventionnelle agit sur le symptôme et le traitement d’urgence, tandis que la naturopathie se concentre sur la prévention et l’hygiène de vie. Elle vient en amont de la maladie, du pathos et du chronique. Le naturopathe est un éducateur de santé qui aide son client à prendre en main sa santé de manière autonome et durable.
L’OMS rappelle que 80% des maladies chroniques (diabète, obésité, maladies cardiovasculaires) pourraient être évitées par une meilleure alimentation, plus d’activité physique et une réduction du stress. C’est précisément ce que nous faisons au CEFANAT : à travers nos formations, mais aussi via nos ateliers en entreprises, où nous sensibilisons les collaborateurs à l’alimentation, à la gestion du stress et à l’importance d’intégrer le mouvement (yoga, course, respiration consciente) dans leur quotidien.
Sur le plan économique et en termes de business, voyez-vous la naturopathie comme un créneau qui apporte de la valeur ajoutée ?
Absolument ! Le marché mondial du bien-être représente 5.600 milliards de dollars, d’après le Global Wellness Institute. Au Maroc, avec une population jeune – près de 40% ont moins de 25 ans – et une montée des maladies de civilisation (près de 12% de diabétiques et une obésité féminine qui touche 30% des Marocaines selon le ministère de la Santé), la naturopathie représente plus que jamais un levier économique et sociétal. Elle peut créer de nouveaux métiers (conseillers en nutrition, éducateurs de santé), générer de la valeur dans le secteur du tourisme bien-être, et accompagner les entreprises dans leurs programmes de qualité de vie au travail.
Le CEFANAT contribue à cela en formant une nouvelle génération de conseillers en nutrition et praticiens naturopathes, mais aussi en développant des programmes sur mesure pour les entreprises. Ces programmes favorisent la qualité de vie au travail (QVT), réduisent le stress, augmentent la productivité et renforcent la cohésion via des activités comme le yoga, la course ou des ateliers cuisine santé.
Qu’en est-il de la formation et de l’encadrement de cette pratique médicale au Maroc ?
Il n’existe pas encore de cadre réglementaire officiel au Maroc pour la naturopathie. Mais les autorités ne sont pas fermées. C’est pourquoi nous avons souhaité travailler avec un partenaire académique de renom, le CENATHO Paris, fondé par Daniel Kieffer, et qui forme depuis plus de 35 ans des praticiens en Europe. Nous proposons maintenant au Maroc des formations (100% en visioconférence pour le moment), avec un niveau académique élevé et une certification reconnue.
L’objectif est double : d’abord, former une nouvelle génération de praticiens et de conseillers en nutrition, avec un encadrement rigoureux. Ensuite, créer à terme un cadre marocain reconnu pour la profession, en dialogue avec les autorités de santé.
En parallèle, nous développons un programme d’ateliers grand public et corporate à destination des entreprises, associations et écoles pour éduquer à la santé préventive et sensibiliser sur les grands piliers : alimentation, gestion psycho-émotionnelle et activité physique.
Pensez-vous que la naturopathie a réellement un avenir au Maroc ?
Oui, sans aucun doute ! Et trois raisons principales permettent d’étayer mes propos. La première, ce sont les besoins de santé publique, car il faut noter qu’un Marocain sur cinq est en surpoids ou obèse, et les maladies chroniques représentent déjà plus de 80% des dépenses de santé. La prévention est donc une urgence nationale. Deuxièmement, les attentes sociétales : les jeunes générations veulent reprendre la main sur leur santé, consommer mieux et travailler dans des environnements qui favorisent l’équilibre. Enfin, troisièmement, le potentiel économique : le Maroc peut devenir un hub régional du bien-être et de la prévention santé, attirant à la fois une clientèle locale et internationale (tourisme médical et wellness).
En formant des professionnels via le CEFANAT et en proposant aux entreprises des programmes innovants de bien-être et de QVT, nous créons à la fois des emplois qualifiés et de la valeur ajoutée pour les organisations. En somme, la naturopathie peut contribuer à soulager le système de santé, à créer des emplois qualifiés et à améliorer la qualité de vie des Marocains. Avec le CEFANAT, nous voulons en faire une réalité concrète au Maroc.
Abdellah Benahmed / Les Inspirations ÉCO