Dette : les OPCVM, premiers créanciers du Trésor

Assis sur d’immenses réserves, les OPCVM placent massivement leurs liquidités dans les obligations émises par l’État. Ils détiennent aujourd’hui 35,9% de l’encours de la dette intérieure du Trésor après avoir détrôné les compagnies d’assurance et les caisses de retraite. Sur le plan international, le groupe de la Banque mondiale (30,2%), la BAD (16,2%) et la France (11,8%) forment le podium des principaux créanciers de l’État.
Après un allègement de 2,7 points, le ratio de la dette du Trésor se situe à 67,7% du PIB en 2024, soit 1.081,6 milliards de dirhams. Sa composante intérieure, 50,8% du PIB, et celle extérieure (269,8 milliards de dirhams) recule de 0,2 point, à 16,9% du PIB.
S’agissant des caractéristiques de cette dette, son coût moyen s’est stabilisé globalement à 3,3%, a diminué légèrement de 3,2%, à 3,1%, pour la dette intérieure et s’est accru de 3,6%, à 4,1%, pour celle extérieure. La structure par devise de la dette est calquée sur le panier de cotation du dirham : l’euro détient une part de 58,1%, contre 33,7% pour la dette libellée en dollar.
Au total, la dette extérieure publique a atteint 468,2 milliards en 2024, soit 29,3% du PIB. Elle est détenue, à hauteur de 52,8%, par des créanciers multilatéraux et de 19,9% par des prêteurs bilatéraux; le reste, soit 27,3%, représentant l’encours des émissions sur le marché financier international.
Pour la première fois depuis dix ans (2015), la dette extérieure du Trésor dépasse celle des autres emprunteurs publics. Les principaux créanciers internationaux qui prêtent de l’argent à l’État sont : le groupe de la BIRD (Banque mondiale), qui concentre 30,2% des créances. Suivent derrière, la Banque africaine de développement (BAD) avec 16,2% de l’encours, la France (11,8%), la BEI (10,2%), l’Allemagne (7,6%), le Fonds arabe pour le développement économique et social (Fades), qui détient 4,1% de l’encours, et le Japon avec 3,5%.
Dans la cartographie des créanciers intérieurs de l’État, les OPCVM tiennent le leadership avec 35,9%, devançant les banques de 0,4 point (35,6%) et confirmant ainsi leur montée en puissance sur le marché des adjudications des obligations du Trésor. Les compagnies d’assurance sont en recul, à 13,8% de l’encours, sans doute parce qu’elles affectent massivement leurs ressources aux opérations de financements «innovants», ces acquisitions d’actifs appartenant au domaine privé de l’État qu’elles louent à ce dernier sur une longue période.
Le reste, soit 14,7%, est détenu par «d’autres organismes financiers», notamment les caisses de retraite, mais aussi les opérateurs de la grande distribution et les sociétés de distribution des produits pétroliers qui placent leurs énormes réserves de cash dans les bons du Trésor en s’assurant des revenus financiers confortables. Selon le ministère des Finances, «la montée en puissance des OPCVM, devenus premiers investisseurs dans les titres émis par l’État, témoigne du regain d’intérêt des sociétés de gestion pour les bons du Trésor dans un contexte de désinflation et de normalisation des taux».
Vases communicants
Le principe de vases communicants fonctionne à plein régime en matière de dette. Si l’endettement extérieur recule, la dette intérieure du Trésor, elle, continue d’augmenter, une hausse contenue, jusqu’à présent, par l’excellente rentrée des recettes fiscales et la détente des cours internationaux du pétrole.
En frais financiers et diverses commissions, la dette a un coût. Les charges en intérêts de la dette ont progressé de 8,6% en 2024, à 33,9 milliards de dirhams, reflétant des hausses de 2%, à 23,4 milliards, de celles de sa composante intérieure et de 26,6%, à 10,5 milliards, des charges de la dette extérieure.
Celle-ci peut devenir insoutenable lorsque le service de la dette, qui inclut l’amortissement du principal, progresse plus rapidement que les recettes ordinaires du Trésor. Et pour sa composante extérieure, lorsque les recettes d’exportations ne parviennent pas à couvrir la totalité des remboursements.
Avec une balance commerciale en déficit chronique, le Maroc doit sa résistance et sa solvabilité extérieure aux fonds que transfèrent les MRE et, dans une moindre mesure, aux flux d’investissements directs étrangers, 43 milliards DH l’an dernier. Les 12 milliards de dollars envoyés en 2024 par les MRE ont permis de couvrir le service de la dette extérieure et financé partiellement le déficit de la balance commerciale.
Que comptabilise-t-on dans la dette ?
Que comprend l’encours de la dette du Trésor ? La question n’est pas sans intérêt car les données du ministère des Finances sont souvent corrigées par la Cour des comptes qui, elle, intègre également les éléments «hors bilan», notamment les arriérés de crédits TVA dus aux entreprises dans les chiffres de la dette (32 milliards de DH, à date) et les engagements (loyers) adossés aux financements dits innovants.
Le ministère des Finances, lui, s’en tient à la nomenclature du Fonds monétaire international (FMI) sur les instruments de la dette. Selon que l’on considère l’une ou l’autre approche, le total n’est pas le même.
Au sens du Fonds, l’encours de la dette du Trésor comprend les bons et obligations du Trésor sur le marché intérieur ; les eurobonds émis sur le marché international, les dépôts dans les circuits du Trésor; les crédits et emprunts contractés auprès des établissements de crédit et des bailleurs de fonds officiels étrangers, bilatéraux (États partenaires) et multilatéraux (Banque mondiale, FMI, BAD, BEI, etc.) avec ou sans garantie du Trésor et les emprunts bancaires et les émissions obligataires sur le marché domestique, et, le cas échéant, sur le marché financier international, couvertes ou non par la garantie de l’État.
Abashi Shamamba / Les Inspirations ÉCO