Dessalement : OCP connecte Jorf Lasfar à Khouribga

Les premiers mètres cubes d’eau dessalée, acheminés depuis le complexe industriel de Jorf Lasfar, ont jailli à Khouribga, au cœur de la plus vaste réserve mondiale de phosphate. Une étape qui marque l’aboutissement d’une politique de rationalisation hydrique déployée au fil des ans par le groupe OCP.
Le 14 juillet a vu l’aboutissement d’un projet d’envergure pour le groupe OCP. L’eau dessalée produite à Jorf Lasfar a atteint pour la première fois le bassin minier de Khouribga, plus grande réserve phosphatière au monde, grâce à un pipeline long de plusieurs centaines de kilomètres. Reliant la côte atlantique au cœur du territoire extractif, cette infrastructure incarne un tournant industriel, consolidé par une enveloppe d’investissement près de 5 milliards de DH.
«Ce pipeline de 203 km concrétise l’ambition du groupe de sécuriser durablement ses besoins en eau industrielle, tout en libérant 80 millions de mètres cubes par an pour d’autres usages essentiels comme l’agriculture. À travers ce projet structurant, nous touchons concrètement à l’objectif d’autonomie en ressources non conventionnelles, deux ans avant l’échéance fixée», souligne Ahmed Znibar, directeur général d’OCP Green Water.
Au-delà de la prouesse technique, la mise en service du pipeline Jorf Khouribga concrétise l’une des ambitions majeures du groupe en matière de gestion durable de l’eau.
Réponse institutionnelle
Et pour cause. OCP, acteur central de l’industrie phosphatière mondiale, est aussi un grand consommateur d’eau, ressource essentielle à chaque étape de son processus industriel. De l’enrichissement du minerai brut au lavage visant à optimiser sa teneur phosphatée, en passant par son transport sous forme de pulpe via le «slurry pipeline» entre Khouribga et Jorf Lasfar, l’eau est omniprésente. Elle l’est encore dans la production d’acide phosphorique, étape préalable indispensable à la fabrication des engrais destinés à l’agriculture mondiale.
Devant la nécessité absolue d’une gestion responsable et innovante de la ressource rare, le groupe OCP a structuré dès 2022 une réponse institutionnelle avec la création d’OCP Green Water, entité spécialement dédiée à la mise en œuvre de sa stratégie hydrique. «Nous envisageons un leader national, acteur clé de la transition hydrique», insiste fièrement son directeur général, M. Zniber.
À terme, l’ambition affichée est à la hauteur des besoins industriels du groupe, soit une production annuelle de 610 millions de mètres cubes d’eau non conventionnelle, essentiellement issue du dessalement de l’eau de mer (560 millions de mètres cubes par an), complétée par 50 millions provenant du traitement et de la réutilisation des eaux usées (STEP).
Efficience hydrique
Cette production d’eau non conventionnelle équivaut, pour donner un ordre de grandeur, à la consommation annuelle totale d’un pays comme la Suisse, souligne le directeur général d’OCP Green Water. Dès 2025, la capacité devrait atteindre 320 millions de mètres cubes par an, soit un peu plus de la moitié de l’objectif final. Pour le groupe, cette démarche dépasse le cadre d’une simple optimisation industrielle.
«L’eau est un sujet central dans notre stratégie industrielle», rappelle une responsable du groupe.
Il s’agit d’un véritable enjeu d’avenir, alors que les ressources hydriques du Maroc subissent une pression croissante liée aux changements climatiques et à l’intensification des besoins économiques.
Depuis 2008, date à laquelle OCP a enclenché une vaste politique de rationalisation de l’eau, le groupe poursuit des gains d’efficience hydrique dans ses activités minières et industrielles. Aux projets emblématiques de dessalement s’ajoutent désormais six stations d’épuration des eaux usées réalisées entre 2022 et 2025. Ces infrastructures, d’une capacité cumulée de 50 millions de mètres cubes par an, représentent près de 60% de la consommation annuelle d’une ville de l’envergure de Marrakech.
Ayoub Ibnoulfassih / Les Inspirations ÉCO