Déficit commercial : Fin du sursis ?
Après 3 années de résorption, le déficit commercial repart à la hausse durant les premiers mois de l’année 2016. La stratégie du développement des échanges extérieurs a certes permis d’améliorer les performances à l’export et de mieux réguler l’import. Cependant, les problèmes structurels de la balance commerciale semblent réapparaître au grand jour après un léger sursis.
Après une décennie d’aggravation du déficit commercial, les indicateurs des échanges extérieurs ont connu une amélioration notable depuis début 2014. La balance commerciale a connu une amélioration importante, le déficit passant de 131 MMDH en 2013 à 77 MMDH en 2015, soit une baisse de 54 MMDH représentant 40% du déficit. Le solde de couverture des importations par les exportations s’est également amélioré, passant de 70% en 2013 à environ 81% en 2015. Une première depuis 2006. Plus encore, les avoirs étrangers en devises couvraient 7 mois et demi des importations en 2015 contre moins de 4 mois en 2013. Pourtant, cette période faste pour la balance commerciale semble atteindre ses limites. Les derniers chiffres de l’Office des changes ne semblent pas être de bon augure pour le commerce extérieur marocain qui renoue ainsi avec le déficit. Une aggravation de 4,8 MMDH a d’ailleurs été notée au terme des cinq premiers mois de l’année.
L’allègement constaté depuis 2014 était-il structurel ou plutôt conjoncturel ? Dans une récente session de questions orales à la Chambre des représentants, le ministre délégué chargé du Commerce extérieur, Mohamed Abbou, est revenu sur cette question, indiquant que ces performances sont principalement dues au plan d’urgence actionné par le département chargé du Commerce extérieur sur la période 2014-2020. L’objectif de cette politique était de booster les exportations et d’améliorer leur valeur ajoutée et de mieux réguler les importations. Elle est à ce titre le parfait corollaire de la stratégie d’accélération industrielle. Durant cette période, les observateurs ont pu constater la bonne tenue des exportations en automobiles, en phosphates et dérivés ainsi qu’en produits agricoles et agroalimentaires et en services. Une performance qui s’explique, selon Mohammed Abbou, notamment par l’effort de diversification des marchés cibles mené par l’Exécutif. Une politique qui s’est concrétisée par la conclusion de plusieurs accords de coopération avec les pays d’Afrique subsaharienne, les pays du Golfe, la Russie ainsi que des pays d’Amérique latine et d’Asie.
Sur le plan de la régulation des importations, le Maroc a décidé d’opter pour une démarche agressive, quitte à être accusé de protectionnisme. Le royaume a en effet décidé d’utiliser tous les instruments de défense commerciale dont il dispose afin de mettre un terme aux pratiques anticoncurrentielles, notamment de dumping dont souffre son industrie. Ainsi, une dizaine d’enquêtes ont été ouvertes durant ces dernières années et le ministère de l’Industrie a mis en place certaines mesures de sauvegarde imposant des restrictions importantes aux importations, visant à protéger les industries locales. Le ministre chargé du Commerce extérieur met également la question de la simplification des procédures à son actif, avec notamment l’amélioration de l’outil PortNet.
Mais est-ce seulement suffisant ? Il faut dire qu’en réalité, le Maroc a également profité de la baisse importante du prix du pétrole durant ces dernières années et d’une relative baisse en importations des biens d’équipement. Ces deux catégories constituent en réalité la plus grande part des importations marocaines. En 2013, ces produits occupaient plus de 50% dans la structure des importations. Les produits énergétiques représentaient ainsi 27% de l’import, et les biens finis d’équipement (véhicules, machines, tracteurs, équipements électroniques…) 21%.
Force est de constater qu’il s’agit là de produits difficilement compressibles à l’importation et que la situation n’a pas tant changé en 3 ans. Avec une économie principalement tirée par la demande intérieure, et en attendant le basculement vers un nouveau mode de production énergétique, le Maroc ne peut que continuer à importer ces produits. Selon toute vraisemblance, le Maroc profite encore d’un relatif sursis sur le prix des produits énergétiques à l’international.
Il est à ce titre intéressant de noter que dans le cadre des dernières statistiques des échanges extérieurs de l’Office des changes portant sur le mois de mai 2016, le Maroc affiche une régression des achats de produits énergétiques en valeur de 9 MMDH (19,9 MMDH à fin mai 2016 contre 28,9 MMDH à fin mai 2015). Pourtant, hors produits énergétiques, les importations enregistrent une augmentation de 12,3% (15,8 MMDH). D’ailleurs, l’on note une importante hausse des importations à près de la moitié de l’année 2016. À fin mai, l’import a augmenté de 4,3% (163,3 MMDH contre 156,6 MMDH). Une situation imputable en particulier à l’accroissement des acquisitions de biens d’équipement qui sont reparties à la hausse avec une appréciation de l’ordre de 7,3 MMDH.